On en sait un peu plus sur la ventilation des fameuses briques du pacte de 2023 pour le 2nd degré. La note de la DEPP parue en cette veille de rentrée est sans appel. Les enseignants du privé sous contrat ont davantage signé le pacte que ceux du public : 48% des professeurs des établissements privés sous contrats ont signé le pacte, contre 23% dans le secteur public. Au total, on compte 130 974 signataires du pacte dont 43 915 professeurs des établissements privés sous contrat. Comment expliquer et que dit cette surreprésentation ?
Des disparités mais une concentration de l’argent
La note de la DEPP (direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) du 22 août 2024 révèle qu’en moyenne 29% des profs du 2nd degré ont adhéré au pacte. Ce chiffre masque cependant des disparités, entre le secteur public et le secteur privé d’une part, des disparités selon les académies et selon les missions. Près de la moitié des enseignants du secteur privé sous contrat ont signé le pacte, contre près d’un quart des professeurs du public. Le pacte a donc profité en proportion aux enseignants du privé. Voilà une subvention de plus accordée au privé sous contrat, déjà subventionné aux trois quarts par l’argent public, sans conditions -de mixité ou de contrôle pédagogique- comme le souligne le rapport parlementaire sur le financement public du privé sous contrat des députés Vannier et Weissberg publié en avril 2024.
Parmi les régions les moins signataires, on retrouve la Bretagne et la Normandie qui sont en bas de tableau avec respectivement 14.2% et 17.5% de pacte dans le public. Le Grand Est et la Corse sont sur le podium pour le secteur public.
La note relève que « le remplacement de courte durée est la mission la plus utilisée (17 % des enseignants), suivie du dispositif Devoirs faits (9 %) et de la mission Coordination et prise en charge des projets d’innovation pédagogique (8 %) ». Pour rappel, la mission de remplacement (RCD) a été largement commentée et portée par le ministère.
Certains enseignants peuvent aussi cumuler plusieurs pactes. « 14 % des enseignants cumulent plusieurs types de Pacte, 23 % dans le privé et 12 % dans le public. Enfin, 22 % des enseignants combinent Pacte et HSA à la rentrée 2023, soit plus des trois quarts des signataires du Pacte ». On constate donc une concentration des missions supplémentaires autour et au bénéfice d’un quart des professeurs.
Près de la moitié des profs du privé sous-contrat ont signé
La surreprésentation du privé sous-contrat questionne aussi la pertinence de ces mesures censées donner du pouvoir d’achat aux enseignants. « Le Pacte enseignant, mis en place à la rentrée scolaire 2023, consiste à effectuer des missions complémentaires rémunérées, qui reposent sur le volontariat des agents ». Dès lors que le directeur recrute, comment interpréter ce « volontariat » au sein d’un établissement privé sous contrat ? Pour rappel, à la différence du système d’affectation qui régit les mutations des professeurs titulaires dans les collèges publics, le directeur recrute les professeurs dans le secteur privé. La résistance à un projet de réforme nécessite de pouvoir le faire… Les professeurs des établissements privés sous contrat sont peu grévistes, certainement pour les mêmes raisons. Le service public d’éducation apparaît comme un bastion de résistance aux réformes de casse de l’école (publique), un hasard ?
Une annexe de la note détaille les missions attribuées aux enseignants. Parmi les 16 missions répertoriées, les professeurs du privé sont plus nombreux à chaque fois que ceux du public. Par exemple, 14.4% des profs du public ont effectué des remplacements de courte durée contre 24.9% dans le privé. Quel que soit le type de mission -stage de réussite, devoirs faits, lien avec les entreprises, les enseignants du privé sont plus nombreux. L’écart le plus net est sur le pacte concernant les projets d’innovation pédagogique (17.7% contre 5,9%). Les établissements publics n’innoveraient-ils pas ou, eux, ont-ils pu refuser de signer ? Beaucoup plus de professeurs du secteur public ont peut-être résisté à la tentation du pacte, plus librement.
Une catégorie fourre-tout
Cette catégorie à la capacité « fourre-tout » a pu séduire les enseignants signataires de signer pour être rémunérés sur des missions qu’ils effectuaient déjà, parfois sans rémunération complémentaire. L’investissement pour organiser des sorties ou voyages scolaires revient régulièrement sur les forums d’enseignants. Pour autant, est-ce que tous les chefs d’établissement accorderont systématiquement un pacte et est-ce que tous les professeurs signeraient le pacte ? Signer le pacte, ou pas, a été l’objet de discussions, parfois houleuses en salle des professeurs, relevant d’un choix idéologique sur le statut du professeur et l’enjeu de la rémunération et non sur l’engagement professionnel. De nombreux professeurs, porteurs de projets, n’ont pas signé le pacte. Les salaires doivent être revalorisés, sans condition. Or, le pacte propose de « travailler plus pour gagner plus ».
La stratégie de « diviser pour mieux régner » ne doit pas leurrer sur l’enjeu majeur de la revalorisation salariale ni masquer que le salaire moyen d’un professeur français se situe sous la moyenne des pays européens. Et que ce point est une source majeure de mécontentement comme du déclassement des professeurs et qu’il est lié au manque d’attractivité du métier. Pour rappel, en 1980, le salaire d’un professeur débutant correspondait à 2,3 SMIC et d’1,2 en 2021.
Djéhanne Gani
Télécharger la note d’information de la Depp