Comment informer le plus grand nombre sur les infections à méningocoques ? Marine Leclercq, professeure agrégée de SVT au lycée Thierry Maulnier de Nice (06) fait travailler ses lycéens sur le sujet. Pour concevoir leur vidéo marquante, les élèves rencontrent des scientifiques spécialisé·es sur le sujet et travaillent sur un discours percutant. « Les élèves se sont rendu compte qu’ils étaient peu informés sur ces infections et se sont également interrogés sur leur propre statut vaccinal ».
Quel est ce projet mené en classe de 1ère ?
Ce projet porte sur les infections invasives à méningocoques. Il s’inscrit dans l’actualité puisqu’une recrudescence des cas en France est notée en 2023 et plus largement dans la période post-Covid (plus de 73% d’augmentation par rapport à 2022). Les nouveaux cas concernent désormais davantage les 15-24 ans. Ceci a conduit la Haute Autorité de Santé à établir de nouvelles recommandations en termes de vaccination des adolescents et/ou jeunes adultes notamment.
Ce travail s’intègre dans un projet national mené par un groupe de médecins dans toute la France en lien avec les associations de parents, notamment l’association Petit Ange qui regroupe des parents dont les enfants ont été victimes de ces infections.
Flavio Da Pozzo, athlète paralympique qui a dû être amputé après avoir contracté cette maladie, est intervenu pour apporter son témoignage. Il a présenté aux élèves son parcours de patient. Les symptômes, le diagnostic, l’hospitalisation, les suites postopératoires ont été expliqués et ce fut une séance très marquante pour eux.
Ce travail est en lien avec les programmes de SVT de seconde (« Micro-organismes et santé ») et de première spécialité (“L’utilisation de l’immunité adaptative en santé humaine”).
Les infections invasives à méningocoques sont des maladies très graves avec des séquelles invalidantes et peuvent conduire au décès du patient dans plus d’un cas sur 10.
L’objectif est triple. Ce sont des élèves qui s’adressent à d’autres adolescents pour les informer sur : ces infections ; les risques d’attraper la bactérie responsable (différents sérogroupes existent) et enfin les outils de prévention. Il s’agit de les sensibiliser à ces infections pour lesquelles il existe des vaccins.
La production finale est une vidéo. Le principe a été de faire passer ces informations avec des messages clés en utilisant des images marquantes. Il fallait que ce soit court, mais frappant.
Ce film a vocation à être diffusé via les canaux de communication que les jeunes utilisent (réseaux sociaux) pour une meilleure visibilité. Des collectifs de parents et des associations relaient également ce travail. Mais pas seulement, car la vidéo est également projetée lors de colloques médicaux.
La portée du projet dépasse la France. La Confederation of Meningitis Organisations (CoMo), qui réunit plus de 130 membres dans 50 pays du monde entier, est attentive au résultat pour le décliner à d’autres pays.
Enfin, le groupe de travail national a suivi de près le projet avec la volonté de peut-être le reconduire pour d’autres maladies avec toujours le rôle fondamental des adolescents au cœur du projet (lutte contre les infections à Papillomavirus, les IST, contre les addictions, etc.).
Comment avez-vous mis en place une collaboration avec d’autres enseignants ?
Des séances spécifiques ont été programmées dans l’emploi du temps des élèves. J’ai mené les premières séances avec le Docteur Haas, dont nous reparlerons, qui est intervenu pour apporter son expertise. Ces séances ont été consacrées à la saisie d’informations sur ces infections et à la réflexion sur les points à évoquer. Une visioconférence avec Flavio Da Pozzo, cité précédemment, a eu lieu. Il apparaît d’ailleurs dans la vidéo.
Mes collègues, Madame Cariou, professeure de lettres, et Madame Dellavalle, professeure documentaliste, ont accepté très volontiers de m’accompagner sur ce projet. Elles sont plus spécifiquement intervenues pour guider les élèves dans l’organisation de leurs idées et dans la réflexion autour d’un discours percutant avec des mots clés. Elles les ont aidés dans la recherche d’illustrations et de musiques libres de droits.
Quel était le profil des élèves volontaires ? Quel regard ont-ils sur la vaccination ?
Ce projet a été mené par des élèves volontaires de première qui ont suivi l’enseignement de spécialité SVT. La vaccination préventive a été traitée en classe en parallèle. Dans le programme de spécialité, les élèves acquièrent les connaissances fondamentales sur la base biologique de la stratégie vaccinale préventive qui permet la protection de l’individu vacciné et de la population. Ils doivent saisir comment la santé se définit aujourd’hui dans une approche globale intégrant l’individu dans son environnement et prenant en compte les enjeux de santé publique.
Une des capacités attendues est qu’ils prennent conscience que la vaccination est une démarche dans laquelle le bénéfice collectif est très largement supérieur au risque vaccinal individuel.
La réflexion autour de la vaccination a donc été traitée d’un point de vue global et les élèves participant au projet ont eu à cœur de parler de l’intérêt des vaccins contre les méningocoques.
Ce sont des élèves sérieux et très curieux avec la volonté d’aller plus loin que ce que nous avons le temps de traiter en classe. Ils ont été motivés par l’envie de faire connaître ces infections gravissimes et le fait que des vaccins existent, ce qui témoigne d’une démarche citoyenne.
En quoi est-ce important de faire intervenir des scientifiques comme le docteur Hervé Haas ?
Ce projet m’a été proposé par le Docteur Haas, chef de service de Pédiatrie, Néonatalogie du Centre hospitalier Princesse Grace de Monaco. Mais c’est depuis l’année scolaire 2017-2018 qu’il anime au lycée des séances consacrées à la vaccination.
Le Docteur Haas apporte son expérience de professionnel de santé. En tant que médecin, il voit des patients atteints par ces infections. Il est confronté à la gravité de leur état et à la détresse des parents. Son témoignage est donc fondamental pour faire prendre conscience aux jeunes de la réalité de ces infections.
En tant que référent scientifique accompagné par un groupe de travail national de médecins, il a été le garant de la justesse des informations diffusées dans la vidéo.
Il leur a apporté des données concrètes sur les différentes étapes du développement et de la production d’un vaccin.
Il est revenu sur les controverses et les fausses informations liées aux vaccins. L’exercice de l’esprit critique est, en effet, particulièrement nécessaire face à la quantité croissante de mises en question des apports des sciences. En tant que scientifique, il participe, comme les enseignants, à motiver les élèves à exercer leur esprit critique face à ce qu’ils peuvent lire ou entendre sur la vaccination.
Quels sont les retours des élèves sur ce projet ?
Les élèves se sont rendu compte qu’ils étaient peu informés sur ces infections et se sont également interrogés sur leur propre statut vaccinal.
La discussion avec Flavio Da Pozzo a été un moment particulièrement marquant du projet. Elle a eu lieu au début du travail et je pense que c’est à ce moment-là qu’ils ont pris conscience de la gravité de ces infections.
Quelques mots sur le collectif Ménin Go ! …
Il s’agit d’une coalition d’acteurs composée d’associations de patients, des personnes ayant contracté une infection grave à méningocoque, mais aussi des professionnels de santé, des membres des sociétés savantes et des acteurs institutionnels et industriels. Cette alliance de la société civile en santé veut envoyer un signal fort d’engagement et de cohésion contre ce fléau afin de mobiliser les pouvoirs publics. Ce collectif a décidé de mettre en avant la vidéo des élèves en la publiant sur la chaine YouTube.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Le site de Santé Publique France
Le site Vaccination Info Service