Organiser un voyage scolaire n’est pas de tout repos. Tous les enseignant·es en témoigneront. Pour autant, c’est une expérience que renouvellent régulièrement certains d’entre eux. C’est le cas de Yann Casey, enseignant au lycée Carrel de Lyon. Depuis une dizaine d’années, il clôt l’aventure lycéenne de ses élèves de baccalauréat professionnel Accompagnement, soins et services à la personne par une virée dans la capitale. Il raconte.
Yann Casey enseigne au Lycée Carrel de Lyon. Professeur de lettres, d’histoire et de géographie, ses élèves, qu’il suit généralement de la seconde à la terminale, suivent essentiellement la filière sociale du bac professionnel Accompagnement, soins et services à la personne. « Un bac pro exigeant et qui le sera davantage au vu de la réforme », nous dit-il. Et contrairement à bien des situations, tous les élèves de la section ont choisi d’être là, « ce qui fait qu’il y a globalement un bon investissement de leur part ».
Depuis une dizaine d’années, pour clôturer leur scolarité au lycée, et avec lui, Yann Casey a pris l’habitude d’emmener ses élèves de terminale ASSP à Paris. Un voyage qui se prépare dès la fin de leur année de première. « Au-delà de l’aspect pédagogique, je souhaite que ce voyage vienne clore trois années passées au sein du lycée dans un esprit de solidarité et d’ouverture culturelle », nous dit l’enseignant. « Je prends du plaisir à enseigner avec eux. Dès la seconde, je mets en place des projets autour de la littérature avec notamment des rencontres d’auteurs, ainsi cela m’amène à travailler un peu différemment et en même temps à créer avec eux un lien particulier. Ces projets me permettent de les voir également avec un autre regard, de les apprécier différemment que lors du cadre plus classique du cours de français. Ainsi, ce voyage est également une manière de les remercier pour leur investissement dans mes projets et pour la qualité de leur travail ».
C’est à Paris que les élèves de terminale de Yann Casey clôturent leur expérience lycéenne. Un choix évident, car « la capitale rassemble les sites emblématiques et tous les lieux du pouvoir ». « Paris est une ville mondiale – là, c’est sans doute un peu mon côté prof de géo qui ressort, avec de nombreux monuments du patrimoine culturel français ». Pour certain·es élèves, voire certain·es enseignant·es, se rendre à Paris est une première. « Ils et elles connaissent de nombreux monuments, musées ou quartiers à travers des films, des séries ou des réseaux sociaux ». Cela représente presque quelque chose de « magique », explique Yann Casey. « Encore cette année en descendant du train à Paris gare de Lyon, Ayah m’a dit que je réalisais « son rêve » en l’emmenant à Paris. Je trouve important de leur offrir cette possibilité ».
Le parcours est celui de touristes, mais de touristes avides de culture. Passage par les Champs-Élysées, la tour Eiffel , le Trocadéro, le Louvre et à sa Joconde… « Ils et elles veulent tous voir ça, je n’ai pas vraiment le choix ! ».
Un voyage ludique
Le côté ludique de cette sortie, l’enseignant l’assume. « J’aspire à enrichir leur bagage culturel tout en faisant en sorte que cela ne soit pas vu comme une contrainte. Ainsi, j’ai pris l’habitude d’organiser des jeux lors de ce séjour, sous forme de défi. Par exemple, à Beaubourg, ils doivent deviner quelle est mon œuvre préférée tout en argumentant ! Pas simple sur le principe, mais celles et ceux qui me connaissent et qui ont compris comment je fonctionnais arrivent toujours à me surprendre. Cette année, au Musée du Louvre, je me suis servi du roman Les yeux de Mona, de Thomas Schlesser afin de réaliser une sorte de jeu de piste. Jeu que je devrais perfectionner et simplifier l’année prochaine ! Certains élèves ont d’ailleurs mis beaucoup de cœur à l’ouvrage pour essayer de trouver les œuvres décrites, je pense notamment à Amandine pour ne pas la citer ! Ces différents « jeux » me permettent de faire le lien avec leur programme de français en terminale sur le thème du jeu : Le jeu : nécessité, futilité ». Mais les liens avec le programme ne sont pas la priorité de l’enseignant. « Autant je relie toujours mes projets littéraires à mes programmes de français, autant là, pour le voyage à Paris, je suis plus souple, je veux avant tout qu’ils passent un bon moment ! Cela étant dit, le programme de français insiste sur le fait que notre enseignement doit favoriser la rencontre avec les arts, en ce sens les visites du Louvre et de Beaubourg par exemple, participent directement à cet enrichissement culturel prôné par l’éducation nationale. Ce voyage participe aussi à la construction de la citoyenneté des élèves en donnant la possibilité de découvrir des lieux du patrimoine français. L’année dernière, mes élèves ont pu visiter l’Assemblée nationale, un lieu emblématique de la République française.
Cette visite, et d’autres d’ailleurs, sont en lien avec les cours d’EMC de leur cursus. Aussi, il m’arrive d’organiser des visites de musées ou expo selon mes idées ou opportunités. J’ai par exemple le souvenir de l’exposition Mental désordre, à la Cité des sciences, sur les troubles psychiques… une thématique en lien avec les programmes d’ASSP. J’ai pu également les emmener au Musée national de l’histoire de l’immigration ». « L’avantage avec Paris, c’est qu’il y a toujours la possibilité de trouver une expo en lien avec le programme d’un des professeurs accompagnants : français, histoire, géographie, les différentes matières professionnelles… », ajoute-t-il.
Un coût certain
Quant au coût du voyage, il peut être important pour certaines familles. « J’ai toujours demandé 150 euros par élève, mais depuis cette année, je demande 160 euros, ce qui peut représenter un frein pour certaines familles ». Afin d’anticiper cette charge financière, c’est dès la fin de première que le projet est présenté. « Je fais parvenir une fiche d’informations en fin de première afin de présenter le projet, et aussi de « conseiller » quant aux possibilités de financement du voyage. Je propose des paiements échelonnés afin de diminuer la charge de cette dépense. Et j’insiste sur le fait que l’implication des élèves dans le financement de ce projet peut également faire partie de la construction de leur autonomie. D’ailleurs, depuis la rentrée 2023, les PFMP des élèves de bac pro sont rémunérés, ce qui peut permettre aussi d’atténuer le coût du voyage ». Et pour les familles très en difficulté, notamment aux familles bénéficiant d’un allégement de scolarité – le lycée est privé, Yann Casey essaie, dans la mesure du possible, de trouver un compromis avec l’établissement pour que les frais soient diminués. « Mon objectif est vraiment d’emmener tous mes élèves, je ne veux surtout pas que l’argent soit un frein pour une famille – J’ai moi-même connu ça au collège ! ».
Ce voyage, Yann Casey, ses collègues et les élèves s’en souviennent longtemps. « Nous avons tous – profs et élèves – de beaux souvenirs. C’est ce qui rend ce voyage toujours aussi plaisant pour moi, malgré ma fatigue au bout des deux premiers jours ! De nombreux éclats de rire égrènent ces journées, des interrogations, de la curiosité lors de nos déambulations sur tel ou tel monument, rue, artiste… D’ailleurs, lorsque je revois un ancien élève, en général, il faut peu de temps avant qu’il mentionne une anecdote liée à ce voyage ».
Les voyages scolaires restent souvent un souvenir fort de la scolarité. Fin d’année, début ou même dans le courant de l’année, les élèves apprennent beaucoup de cette expérience. Pour certain·es, ce sera trouver sa place parmi ses pairs, pour d’autres, se réconcilier avec la figure enseignante. Une expérience importante qui demande énormément de temps, d’énergie et de disponibilité aux enseignantes et enseignants et qui est rarement reconnue par l’institution.
Lilia Ben Hamouda
Quelques témoignages d’élèves du voyage de cette année :
« Merci pour ce voyage incroyable, malgré la pluie ! Je connaissais déjà Paris, mais le faire avec vous tous m’a fait découvrir la ville à nouveau. C’était un peu comme si je découvrais Paris pour la première fois. Nous avons fait des choses variées, nous sommes passés d’œuvres anciennes à des œuvres modernes. Tout était très intéressant et en deux jours, nous avons pu faire les monuments principaux de la ville. »
Noély
« Le voyage à Paris a été pour nous tous un moment pour nous ressourcer, ça a permis de créer des liens entre les élèves et les profs. Ça a aussi marqué la fin des années lycée. »
Layana
« J’ai apprécié ce séjour à Paris, car nous avons passé du temps et appris à connaître nos professeurs sous un autre angle que les cours. C’était un bon moment de divertissement. Ce voyage va beaucoup me marquer. »
Louise
« Ce que j’ai bien aimé de ce voyage, c’était la sortie nocturne au Trocadéro pour voir la tour Eiffel s’illuminer de mille feux »
Alix
« Ce n’est pas la première fois que j’allais à Paris, mais j’ai trouvé cette fois-ci encore meilleure que les précédentes. Cela a été enrichissant.
J’ai notamment apprécié de filmer ce voyage afin que l’on puisse tous garder un souvenir de ce séjour. »
Haila
« J’ai beaucoup aimé ce voyage. Juste avant le départ, notre professeur de français avait réalisé un programme qui me semblait cool mais un peu fatiguant avec toute la marche qu’il avait prévu, mais une fois sur place, la marche n’était plus un problème, car j’ai adoré jouer à la touriste, visiter les lieux emblématiques, comme le Sacré-Cœur, le Louvre (monument incroyable !)…
Etant déjà allée à Paris de nombreuses fois, je n’avais jamais visité ces monuments-là, c’est pourquoi j’y ai pris beaucoup de plaisir malgré le temps assez pluvieux qui c’était présenté à nous.
Séjour super, avec une bonne ambiance au sein du groupe, on en a tous bien profité et on a bien rigolé !! »
Megane
« C’était ma première fois dans la ville de Paris. J’ai beaucoup aimé visiter les musées, les ruelles, et surtout la tour Eiffel.
Je garde en souvenir le bateau mouche avec la rencontre de jeunes coréens (Ils m’ont appris à dire « Je m’appelle »). »
Manel