Actant la défaite de son parti, Renaissance, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et un nouveau passage aux urnes dans moins de trois semaines pour élire de nouveaux députés. L’occasion pour le Café pédagogique de revenir sur le programme de Marine Le Pen, alors candidate à la présidence.
Dans le programme du parti d’extrême droite, l’école est le lieu de la bataille idéologique : vision passéiste et rétrograde, lutte contre le wokisme, mis au pas des enseignants et enseignantes, retour de l’autorité, fin du collège unique…
La mesure 15 du programme du Rassemblement national, celle sur l’éducation, est titrée « Restaurer notre système éducatif pour qu’il retrouve sa mission de transmission des savoirs ». Quatre points illustrent cette volonté : « remettre au cœur des programmes l’enseignement du français, des mathématiques et de l’histoire ; revaloriser les salaires des enseignants et enseignantes et refonder leur formation ; rétablir l’autorité de l’institution scolaire par l’instauration d’un uniforme au primaire et au collège tout en sanctionnant les absences et les incivilités » et « supprimer la bureaucratie de l’Éducation nationale pour libérer des moyens financiers, réduire les effectifs des classes et arrêter les fermetures d’écoles ».
Dès la 5ème, davantage de sélection et moins de mixité sociale
De ce programme, on retiendra plusieurs mesures. La fin des dédoublements avec un plafonnement des effectifs par classe, 20 pour le primaire, 30 pour les collèges et les lycées. À l’école primaire, l’enseignement serait recentré sur les fondamentaux français, mathématiques et histoire et les journées rallongées d’une heure (soit 5 heures de classe en plus – alors que la France est déjà la championne du nombre d’heures de cours…). L’équipe de campagne de la candidate d’alors expliquait, lors d’une conférence de presse à laquelle assistait le café pédagogique le 14 avril 2022, qu’il « faut mettre fin à toutes ces expériences pédagogistes qui mettent en action les élèves ».
Au collège, c’est dès la cinquième que les élèves découvriraient les métiers pour une orientation vers l’apprentissage et la voie professionnelle dès 14 ans. Et pour ceux – majoritairement issus de classes populaires – qui arriveraient jusqu’en troisième, peu de chance qu’ils accèdent au lycée. L’équipe de campagne évoquait un diplôme national du brevet comme un « examen qui déciderait de l’orientation ».
« Le collège unique est une machine à échec », indiquait le programme du Rassemblement national. « Il ne permet pas de pallier les difficultés des élèves en décrochage et, pire encore, il entretient une dynamique dans laquelle les formations dispensées à partir du lycée ne sont pas en adéquation avec les besoins de l’économie. Pour redonner au collège une place centrale dans la réussite des élèves, le diplôme national du brevet deviendra donc un examen d’orientation post 3e : en fonction des résultats de l’élève et de ses bulletins scolaires, celui-ci sera orienté vers l’enseignement général et technologique, vers l’enseignement professionnel ou vers l’enseignement des métiers par l’apprentissage ».
Autoritarisme à tous le étages
Du côté de l’autorité, l’équipe de Marine Le Pen tablait sur l’uniforme au primaire et au collège et plus de sanctions (on rappelle que là encore, la France est championne en la matière). Elle annonçait aussi vouloir prendre « une loi contre l’islamisme qui aura un volet scolaire ». « Un signalement automatique au procureur de la République et une répression automatique des menées islamistes », expliquaient les proches de la candidate.
Mais quand Marine Le Pen évoque l’autorité, c’est aussi, voir surtout, sur les enseignant·es qu’elle imagine la renforcer. « Le renforcement de l’exigence de neutralité absolue des membres du corps enseignant en matière politique, idéologique et religieuse vis-à-vis des élèves qui leur sont confiés » annonçait le programme. À cette fin, le parti d’extrême droite assurait vouloir accroitre le « pouvoir de contrôle des corps d’inspection en la matière » et rendre obligatoire le « signalement des cas problématiques sous peine de sanctions à l’encontre des encadrants ». Il était aussi prévu de mettre fin aux INSPE afin que les enseignant·es soient de fidèles « exécutants de programmes politiques définis par le gouvernement » et parce que ce sont des « nids de pédagogistes ». Dans le même objectif, le Rassemblement national annonçait que « le détail des programmes et les labels validant les manuels scolaires relèveraient du ministre de l’Éducation nationale ».
Des promesses en trompe-l’œil
La candidate promettait une revalorisation de 3% tous les ans de son mandat si elle gagnait. Une mesure qui pourrait sans doute être possible avec toutes les suppressions de postes qu’occasionneraient toutes les autres mesures et avec la suppression annoncée de postes administratifs et de professeur·es qui ne sont pas devant élève.
Lors de la conférence de presse de présentation du programme de l’ex-candidate, on apprenait aussi que Marine Le Pen au pouvoir, c’était la fin de l’éducation prioritaire. Une mesure qui n’apparaissait pas dans le programme. « C’est suffisamment important pour que Marine Le Pen envisage une réforme constitutionnelle pour interdire l’éducation prioritaire », écrivait-on.
En 2022, toutes ces annonces semblaient insensées. Aujourd’hui, elles ne sont pas sans rappeler ce qui est à l’œuvre depuis maintenant six mois. Dans un article publié le 18 janvier dernier, nous montrions que les annonces d’Emmanuel Macron du 16 janvier 2024 semblaient tout droit tirées du programme du parti d’extrême droite. Quant aux groupes de niveau, c’est du programme de Reconquête – allié du RN aux prochaines élections – que Gabriel Attal s’est inspiré. Ainsi, de ce qui est à l’œuvre dans le cadre du choc des savoirs au programme du rassemblement national, il n’y qu’un pas. Mais pas n’importe quel pas. Un pas violent, xénophobe, LGBTphobe, misogyne et sexiste…
Lilia Ben Hamouda