Si le Café pédagogique a largement évoqué les groupes de besoin/niveau, nous avons surtout donné la parole aux chercheurs et chercheuses, aux responsables syndicaux. Aujourd’hui, c’est le témoignage d’une enseignante qui est à l’honneur. Aujourd’hui, Marie, professeure de mathématiques dans un collège depuis plus de vingt ans, ressent colère, tristesse et amertume. « ‘’L’école de la confiance’’ … des mots rien que des mots », écrit-elle.
Tristesse et amertume
Cela fait des années que notre métier est délaissé, que nous attendons d’être entendus, valorisés et reconnus. En bonne élève que j’ai toujours été, je me suis gentiment révoltée, offusquée mais aujourd’hui mon amertume est trop grande, jamais je ne me suis sentie autant déconsidérée.
Le pacte l’an passé, le choc des savoirs cette année, je ressens un profond mépris de la part de ce gouvernement qui sous couvert de revalorisations et de projets dans l’intérêt des élèves, mais des bons élèves, procède en fait à un démantèlement de l’école publique par des réformes pernicieuses.
L’intérêt de l’élève n’est-il pas qu’on lui offre une école bienveillante et enrichissante ? Bienveillance est un mot en vogue dans la bouche de notre gouvernement sans en comprendre le sens profond alors je préciserai : une école qui réduit les inégalités, qui propose un cadre serein où la coopération fait la part belle à la compétition, une école où on apprend à vivre ensemble, à faire de la différence une richesse, une école où les enseignants sont formés et reconnus.
Plutôt que de proposer des réformes injustes et déconnectées qui vont cloisonner les élèves et générer du stress, ne serait-il pas préférable de leur garantir d’apprendre dans des classes moins chargées, avec des enseignants à même d’enseigner à tous et chacun des savoirs et savoir-être fondamentaux ?
« L’école de la confiance » … des mots rien que des mots. Vous nous faites confiance pour être de bons fonctionnaires qui fonctionnent mais du reste il n’en est rien. Notre expertise a-t-elle si peu de valeur ?
Je suis en colère car j’aime profondément mon travail et vous le détruisez en lui ôtant tout ce qui en fait l’essence.
Je refuse de trier les élèves, je refuse de travailler sur des supports formatés, je refuse d’être contrainte de suivre à la lettre une progression qui m’empêcherait d’adapter mes séances aux besoins des élèves et de la classe, qui ne me permettrait pas de permuter deux notions ou finalement de m’attarder plus longuement sur une autre, je refuse de faire une croix sur tout ce que j’essaie de mettre en place depuis des années, je refuse de perdre ma liberté pédagogique, je refuse de cautionner un tri qui va accroître les inégalités sociales, je refuse d’être en concurrence avec mes collègues, je refuse de mettre en concurrence les élèves.
Mon travail perd sens et je vous en veux terriblement car j’aime enseigner mais je crains que l’école qui se profile ne soit plus celle à laquelle je crois et si je ne crois plus, quelle enseignante vais-je devenir ? une simple exécutante…vous n’aurez plus ma docilité.
Ce gouvernement est hors sol et ignore tout de la réalité de notre beau métier…enfin je préfère croire que c’est son ignorance qui justifie une telle déconnexion et incompétence, sinon les mots ne seraient pas assez forts pour dire ce que j’en pense. D’ailleurs pourrais-je seulement dire ce que j’en pense ? Il semblerait que la liberté d’expression dérange parfois nos élites, élites qui mènent bien au-delà des frontières de l’école, un projet inquiétant et délétère pour notre société.