Et si la musique permettait d’améliorer considérablement le climat scolaire et les conditions d’apprentissage ? C’est le pari de Cédric Chabot et Stéphane Lecomte, enseignants à Rezé. Depuis plus de huit ans, ces enseignants initient leurs élèves aux percussions brésiliennes. Un projet aux multiples bénéfices.
Cédric Chabot enseigne dans une grande école primaire de seize classes de l’agglomération nantaise, à Ragon. Et depuis 2015, ses élèves vivent au rythme de la Batucada. « Tout a débuté par une rencontre avec un autre enseignant, Stéphane Lecomte, qui m’a proposé de travailler ensemble dans une école de notre secteur », nous raconte-t-il. « Nous avions tous les deux un parcours non linéaire ayant respectivement la musique comme point central. Ce collègue ayant entre autres styles musicaux approfondi les percussions brésiliennes, nous avons eu l’idée de former, dans le cadre de l’éducation musicale, une batucada rassemblant l’ensemble des élèves de CM2 de notre école ».
Et ce projet, ce n’est pas seulement par amour de la musique que le musicien amateur l’a lancé, c’était avant tout pour aider ses élèves dont beaucoup sont en difficulté scolaire. Difficultés basées sur un manque d’attention en classe, des tensions fortes entre élèves pour des raisons multiples liées à l’historique du quartier, le peu d’ouverture aux autres cultures, la difficulté à générer une dynamique collective positive… Autre enjeu pour l’enseignant, améliorer la réputation d’école dans le secteur. « L’idée était d’explorer la pratique instrumentale collective afin de voir quels effets cela pouvait avoir sur les élèves et l’école » nous confie-t-il.
Une pratique aux bénéfices multiples
Quand on lui demande pourquoi la Batucada, l’enseignant nous répond : « pourquoi pas ? ». Selon lui, la bateria – appelée communément batucada en France qui est une formation collective de percussions brésiliennes – a de multiples atouts. « Individuellement, l’intérêt de la pratique d’un instrument est réduit voir ennuyeux – à part pour les plus passionnés. C’est par la superposition de tous les instruments par accumulation que cette musique prend tout son intérêt et sa puissance. L’individu se met donc au service du collectif pour le plaisir de tous, comme en sport collectif ».
« L’intérêt de développer une telle pratique est multiple » aoute Cédric Chabot. « Cela permet de réunir tous les élèves autour d’un projet collectif visant à la réalisation d’une prestation publique qui valorisera le travail de chacun, de développer l’entraide et le respect d’autrui, de développer la culture de l’effort individuel au bénéfice du collectif. Les élèves s’ouvrent aussi à d’autres cultures, développent un esprit collectif et restaurent l’image individuelle de chacun, celle de l’école et celle du quartier… Et puis, la pratique instrumentale individuelle à l’école, c’est un vrai atout qui permet de cesser de se restreindre à la seule activité d’écoute et d’analyse de supports musicaux ».
Si les débuts furent laborieux, « on a commencé pour une bonne partie avec des instruments fabriqués à la main avec des objets de récupération », ils ont pu ensuite grâce à des campagnes de financement participatif réunir suffisamment de budget pour que chaque enfant de CM2 de l’école puisse disposer d’un authentique instrument.
Outre les élèves, l’équipe pédagogique s’est aussi prise de passion pour la Batucada. « Simultanément à nos premières mises en place d’une batucada d’enfants avec nos classes de CM2 au sein de l’école, nous avons aussi formé une bateria d’adultes regroupant les enseignants et les ATSEM de l’école – le groupe Jack Mailloche qui existe depuis 2007. Cette formation a dès le début illustré ce que pouvait donner cette musique pour les enfants – nous jouions lors de la fête de l’école et lors du vide grenier de l’école. Durant les premières années, les adultes répétaient aussi le vendredi sur le temps de la pause méridienne, ce qui fait que les élèves de l’école nous entendaient jouer chaque semaine ».
L’an dernier, ce sont 65 enfants qui ont pratiqué la Batuta. Cette année, à la suite d’une baisse d’effectif, ils sont 50. Des élèves qui n’ont pas peur de jouer devant un public averti ! Ils se produisent lors de la fête de la musique dans le cadre de la liaison école-collège et au sein du centre la Balinière – en lien avec l’école de musique de Rezé , lors du spectacle de fin d’année et cette année, ils se sont même produits au lycée international Nelson Mandela de Nantes lors d’une journée interculturelle…
Une association pour toucher encore plus d’enfants
Et comme si tout cela ne suffisait, Cédric Chabot a décidé de créer une association pour permettre à tous les élèves de participer – de 9 à 13 ans, hors temps scolaire. « Nous avons constaté que d’une part, certains élèves étaient frustrés de ne pouvoir continuer cette pratique instrumentale en quittant l’école et que d’autre part, seule une extrême minorité de nos anciens élèves se tournaient par la suite vers les structures culturelles de proximité pour poursuivre une pratique instrumentale. Si les enfants du quartier n’allaient pas à la culture, alors nous allions amener la culture à eux au sein même du quartier. Nous souhaitions aussi garder nos anciens élèves dans une dynamique positive et créatrice – éviter à certains, comme nous avons pu le constater par le passé, de « mal tourner » ».
Au regard du coût de l’ensemble des instruments et de leur renouvellement et entretien, l’adhésion n’est pas gratuite mais l’association a, pour certains cas particuliers, dérogé à la règle en abaissant les montant de l’adhésion voire assuré la gratuité de certains enfants au regard de notre connaissance de la situation familiale particulièrement démunie.
Lilia Ben Hamouda