Et si ce gouvernement maitrisait l’art des annonces non suivies d’effets ? Dans cette tribune, l’historien Claude Lelièvre revient sur la promesse présidentielle de septembre 2017 : « En 2024, la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé, avant ses 25 ans, six mois dans un autre pays européen ».
« En 2024, la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé, avant ses 25 ans, six mois dans un autre pays européen ». C’était noir sur blanc dans le fameux discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe du 26 septembre 2017. On est en 2024 . On attend une explication sur ce qu’il en est advenu puisque le président de la République va à nouveau prononcer un grand discours sur l’Europe ce 25 avril 2024.
Au milieu de l’avalanche des annonces qui ne cessent de proliférer à propos de l’éducation et de l’École (et dont on peut se demander souvent à quoi elles engagent), il devrait être incontournable de rendre compte (voire de rendre des comptes) sur les propositions passées importantes sous peine de perdre toute crédibilité.
Dans son discours du 26 septembre 2017, Emmanuel Macron, avait été très net voire péremptoire : « Erasme, dont on disait qu’il était le précepteur de l’Europe, affirmait déjà qu’il fallait demander à chaque jeune de ’’parcourir le continent pour apprendre d’autres langues’’ et ‘’ se défaire de son naturel sauvage’’ […] Notre fragmentation n’est que superficielle. Elle est en fait notre meilleure chance. Et au lieu de déplorer le foisonnement de nos langues, nous devons en faire un atout ! L’Europe doit être cet espace où chaque étudiant devra parler au moins deux langues européennes d’ici 2024. Au lieu de regretter le morcellement de nos contrées, renforçons les échanges ! En 2024, la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé, avant ses 25 ans , au moins 6 mois dans un autre pays européen »
Des propos en l’air, sans vraiment envisager qu’ils aient une véritable suite ? Pas vraiment semble-t-il…
Car huit mois plus tard, en réponse à une question posée le 16 mai 2018 par la députée Modem Marguerite Deprez-Audebert sur la façon de « donner envie d’Europe à notre jeunesse », le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer répond qu’il a déjà élaboré une « stratégie avec le Chef de l’Etat » dont l’axe central est qu’ « à l’horizon 2024, chaque étudiant devra parler deux langues européennes en plus de la sienne » et que « la moitié d’une classe d’âge devra avoir passé au moins 6 mois dans un autre pays européen que le sien » .
Plus précisément, Jean-Michel Blanquer indique qu’il a fixé comme objectif pour l’année scolaire 2018-2019 que « 12% des élèves du second degré, soit 700 000 élèves effectuent un séjour à l’étranger ».
Par ailleurs, l’une des « 9 propositions principales pour une Renaissance de l’Europe » a pour titre: « Nous ouvrirons Erasmus à tous les collégiens et apprentis ». Ce n’est pas rien non plus a priori. Et cela se décline plus précisément dans une brochure de trente pages par: « notre priorité sera d’ouvrir Eramus à tous, des collégiens aux apprentis. Plus de 80 000 Français ont bénéficié du programme Erasmus en 2018, dont la moitié d’étudiants. Nous voulons multiplier leur nombre par 5 d’ici 2024« .
Dans les deux pages de cet opuscule consacrées à « unir autour de l’identité européenne », il n’y a rien d’autres que cela concernant les séjours en Europe. Le nombre de 5 fois en 2024 le nombre de Français ayant bénéficié en 2018 du programme Erasmus (80 000) est à hauteur de 400 000, une bonne moitié d’une classe d’âge (soit ce qui avait été fixé comme objectif par Macron et Blanquer: « en 2024 , la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé au moins 6 mois dans autre pays européen »).
Mais, dans les faits, en dehors de ces proclamations datant des années 2017-2018, que s’est-il vraiment passé ? Quid de ces perspectives initialement réitérées ? Où en est-on ? Que veut-on ? Que croire ? Qui croire ? On attend une réponse claire du président de la République lors de son prochain discours sur l’Europe.
Claude Lelièvre