Mardi 2 avril, c’était la troisième journée de mobilisation des enseignants et enseignantes. S’ils et elles étaient un peu moins nombreux que le 19 mars, la mobilisation dans les collèges ne faiblit pas, voire augmente, 36% de professeurs étaient grévistes selon le Snes-FSU (14,94% selon le ministère, des chiffres qu’il faut prendre avec des pincettes comme l’expliquait le Café pédagogique). En grève depuis le 26 février, ce sont les Séquano-Dionysiens qui étaient à la tête du cortège parisien. Et ils n’en démordent pas, ils ne reprendront le chemin de l’école que lorsque le gouvernement aura débloqué des fonds pour un Plan d’urgence pour le 93 et aura abandonné son choc des savoirs.
« Du pognon pour le 93 !», scandaient les manifestants et manifestantes parisen·nes. Bernard est l’un d’entre eux. Professeur de français dans un collège « insalubre » de la Seine-Saint-Denis, il nous confie sa colère. « On savait que nos élèves apprenaient dans des conditions indignes, on s’y était presque fait. Mais notre chère ex-ministre, Amélie Oudéa-Castéra nous a permis de relever la tête et de dire non. Elle a mis sous les projecteurs ce deux poids deux mesures permanent de nos dirigeants. Et ce n’est pas que la bande à Macron ! Cette destruction de l’école publique a commencé bien avant, là les choses s’accélèrent ». Et l’enseignant promet, « jamais, ô grand jamais, nous n’accepterons de trier nos élèves ! ».
Marielle est une toute jeune retraitée. Elle était cheffe d’établissement jusqu’en juillet dernier dans l’académie parisienne. Elle assure qu’elle aurait utilisé tout l’attirail juridique à disposition des chefs d’établissements pour ne pas mettre en place cette réforme « honteuse », « qui signe un retour en arrière de cinquante ans ». En se référant à l’article de Jean-Paul Delahaye, publié dans le Café pédagogique, elle exhorte ses anciens collèges « à ne pas participer à ce massacre de notre système scolaire ».
Pour Marianne, professeure des écoles en Seine-Saint-Denis, le gouvernement joue à un jeu dangereux. « Comment voulez-vous que nos élèves se sentent appartenir à notre République ? », lâche-t-elle. « On a des élèves qui vont en cours avec des rats. Des rats ! On a des élèves qui ont des sceaux dans leur salle de cours, dans les couloirs, car il y a des trous dans le plafond. On a des élèves qui restent en cours en doudoune parce qu’il fait 8 degrés dans le collège ou le lycée. Comment voulez-vous qu’ils soient disponibles pour apprendre ? ». « Et ce qui m’écœure le plus, c’est que tous les enfants n’ont pas le même traitement. On fait ça à des gamins de pauvres, dont les conditions ne sont déjà pas faciles… On n’arrivera plus à faire nation après ça. Le sentiment d’abandon restera, et ce vide, j’ai peur que ce soit les obscurantistes qui l’occupent », souffle Marianne.
Les enseignantes et enseignants rencontrés montrent le malaise d’une profession en quête de sens. Une réforme contraire à leurs valeurs, le manque de moyens, le manque de reconnaissance, le « manque de tout » selon Bernard… sont autant de raisons qui justifient leur colère.
Lilia Ben Hamouda