Dans une lettre adressée aux recteurs le 28 mars et dans un « plan de préparation RH de la rentrée 2024 », documents que le Café pédagogique s’est procuré, la Direction générale des ressources humaines du ministère de l’Education nationale invite les recteurs à « favoriser le recours aux professeurs des écoles pour l’enseignement des lettres et mathématiques en 6ème et 5ème dans le cadre de la mise en place des groupes ». Une nouvelle campagne de détachement sera lancée en avril. Le ministère fait aussi, pour la première fois, un pont d’or aux retraités. Enfin, il favorise les contractuels en leur proposant des postes à leur gré. Faute de moyens, mais aussi peut-être par choix, le ministère efface peu à peu la distinction entre 1er et 2d degrés, fonctionnaires et contractuels…
Les solutions innovantes de Boris Melmoux-Eude
« L’enjeu cette année est d’autant plus important que la mise en place des groupes en mathématiques et en français appelle une anticipation plus forte encore des recrutements et le recours à des solutions innovantes afin de couvrir les besoins supplémentaires induits« , explique le directeur général des ressources humaines, Boris Melmoux-Eude, dans une lettre adressée aux recteurs le 28 mars que le Café pédagogique s’est procuré. Les solutions innovantes sont décrites dans un « plan de préparation RH de la rentrée scolaire 2024« , également lu par le Café pédagogique.
« La forte tension sur la ressource enseignante que nous connaissons appelle un travail de préparation rigoureux en vue de la rentrée 2024 afin de disposer du nombre de personnels suffisant dès le jour de la rentrée« , reconnait le plan de préparation. Il invite à « calibrer au plus juste l’apport nécessaire en ressources humaines » et à « assurer un pilotage fin des départs » pour anticiper les besoins. Cela se traduira notamment par un encadrement plus strict du mouvement. Un calendrier strict est aussi imposé pour la construction des emplois du temps « au 30 juin au plus« .
Une nouvelle campagne de recrutement de PE pour les collèges
Mais la décision la plus importante concerne le recours aux professeurs des écoles. « Dans le cadre de la mise en œuvre du choc des savoirs, nécessitant la constitution de groupes, des besoins disciplinaires importants sont identifiés en lettres et en mathématiques. Afin d’accompagner les académies dans la recherche d’enseignants dans ces deux disciplines, une campagne complémentaire de détachement du corps de professeur des écoles vers le corps des professeurs certifiés est organisée par la DGRH début avril. Les académies auront la possibilité de réaliser une campagne de communication et de recrutement de professeurs des écoles volontaires pour un détachement dans les deux disciplines ciblées en direction des professeurs des écoles issus des départements de leur académie… des professeurs des écoles actuellement en disponibilité pour convenance personnelle« . Autant dire que la campagne ordinaire de janvier 2024 n’a pas couvert les besoins de la rentrée.
Des retraités payés au plus fort pour revenir dans l’enseignement
Le ministère va aussi « favoriser le recours aux professeurs retraités » avec un gros avantage financier à la clé. « Un peu plus de 1 000 enseignants de lettres et de mathématiques sont partis à la retraite au cours de la précédente année scolaire, sur l’ensemble du territoire. Afin de mobiliser ce vivier habituellement peu enclin à se réinvestir, les académies pourront leur proposer un temps d’intervention limité dans le temps, mais assorti d’une rémunération attractive (maintien de l’indice de fin de carrière- avec une limitation à l’indice brut 1015 et majoration) ». Les rares retraités qui poursuivaient dans l’enseignement étaient jusque-là payés comme contractuels.
Le ministère va aussi faire appel aux professeurs associés « sans condition de diplôme, notamment pour les disciplines professionnelles« .
Des faveurs aux contractuels pas aux admis sur listes complémentaires
Toute une série de mesures concerne aussi les contractuels que le ministère veut « fidéliser« . Il est question de « proposer un contrat sur zone de remplacement de leur choix pour chaque contractuel enseignant recruté à l’année ; proposer la signature d’un contrat en juin avec mention de l’affectation sur une zone de remplacement ainsi que de l’établissement de rattachement administratif ». Le ministère veut aussi attirer de nouveaux contractuels en leur proposant « des conditions plus attractives ». Ainsi en français et maths sur Créteil et Versailles les contrats pourront démarrer au 1er juin. Il sera possible de » proposer une rémunération à un indice supérieur à l’indice minimum en fonction de l’expérience professionnelle détenue, de la rareté de la discipline ou de la spécificité du besoin à couvrir« .
Des dispositifs qui contrastent avec la gestion des admis sur listes complémentaires. « Les listes complémentaires doivent être établies en tenant compte de la qualité des candidats mais également de la capacité d’accueil dans les académies« , écrit en gras le ministère. « Si les exercices 2022 et 2023 ont permis une très large mobilisation des listes complémentaires, l’exercice 2024 pourrait s’avérer plus tendu en raison des contraintes qui pèsent sur le schéma d’emploi de certaines académies et appelle une attention toute particulière sur leur constitution« .
Abattre les cloisons entre les corps dans la panique
En difficulté pour préparer la rentrée, le ministère veut limiter l’embauche de fonctionnaires. Il privilégie le recours aux enseignants du 1er degré pour assurer l’enseignement des groupes de français et maths en collège. Il appelle les retraités à revenir et mise sur les contractuels. Au delà des craintes exprimées et du manque de moyens que montrent ces documents, l’Education nationale transforme aussi les métiers de l’enseignement en abattant les limites entre les corps et les statuts.
François Jarraud