Comment s’emparer de la régulation des « désordres » et des « comportements inappropriés » en classe de primaire pour construire aussi des savoirs ? C’est la question que posent Rémi Bonasio, Bruno Fondeville et Gwenaël Lefeuvre dans leur ouvrage « L’enseignant face aux désordres en classe ». Durant trois années, optant pour une démarche de recherche intégrée à la pratique, ils ont observé et analysé, dans trois écoles primaires, la mise en place de dispositifs de gestion de classe historiquement affiliés pour certains au courant de pédagogies « nouvelles », puis l’expérimentation d’un « prototype de régulation différent » coconçu avec les équipes enseignantes. Ils invitent à ne plus opposer enjeux de gestion de classe et enjeux disciplinaires, et proposent de dépasser, à la manière d’un tableau de Soulages, « la face sombre » des désordres « pour en comprendre l’épaisseur », car si ceux-ci « représentent de réels obstacles à l’enseignement », ils peuvent aussi « constituer une matière à travailler », et être vus « comme des opportunités d’enseignement et d’apprentissage »…
Votre ouvrage s’intitule L’enseignant face aux désordres dans la classe. Qu’entendez-vous par « désordres dans la classe » ?
Les désordres dans la classe renvoient à des situations où émergent des comportements ou attitudes d’élèves qui perturbent le fonctionnement ordinaire de la classe. Nous n’avons pas cherché à identifier et à catégoriser de manière a priori des désordres scolaires, mais nous sommes partis de l’analyse de l’activité des enseignants. Ces désordres peuvent être provoqués par un élève, plusieurs élèves ou bien plus largement par le collectif de la classe. Dans notre ouvrage, nous rendons compte de plusieurs exemples de désordres comme le bavardage, les disputes, la bagarre, la moquerie, la manière de se parler, le retour agité en classe, la prise de parole intempestive, les problèmes d’usage du matériel, etc. Nous nous sommes rendu compte que les désordres évoqués par les enseignants ne sont pas illimités et indéterminables.
Il existe plusieurs types de désordres qui renvoient à des comportements perçus comme inappropriés par rapport aux normes attendues du champ scolaire, ce que certains appellent les compétences liées au « métier » d’élève. Nous pouvons citer par exemple la prise de parole intempestive, les problèmes de gestion du matériel, le bavardage, les problèmes liés au retour en classe, etc. D’autres types de désordres comme la bagarre, mal se parler, la moquerie, sont des comportements jugés inappropriés du point des normes sociétales qui dépassent celles du champ scolaire à proprement dit et qui existent dans l’expérience enfantine à l’école et dans d’autres espaces sociaux (la famille, le quartier, les activités de loisirs dans les clubs, etc.). Dans le cadre de cet ouvrage, nous sommes intéressés aux activités de régulation de ces types de désordres lorsque les enseignants les traitent de manière différée et non immédiate avec les élèves, notamment dans le cadre de dispositifs mobilisés en classe affiliés ou non aux pédagogies nouvelles.
Votre étude s’est déployée sur trois écoles primaires dans lesquelles les enseignant.es mettent en œuvre des dispositifs affiliés au courant de pédagogies « nouvelles », coopératives ou institutionnelles : qu’ont de particulier ces pédagogies, en particulier dans l’approche des désordres en classe ?
Effectivement, certains des dispositifs auxquels nous nous sommes intéressés sont affiliés à ces courants pédagogiques (en premier lieu le conseil d’élèves). Ils ont pour caractéristiques, en ce qui concerne la régulation des désordres, de considérer qu’elle peut être une occasion d’apprentissage pour les élèves. Dans ce sens, les enseignants cherchent à responsabiliser les élèves en les faisant participer à la prise en charge des problèmes générés par ces désordres. Ils ont alors tendance à adopter une posture de retrait, jugée favorable à l’expression et à la prise d’initiatives des enfants.
Il est cependant important de bien saisir la place que nous donnons à cette référence dans notre travail pour éviter tout malentendu. Notre approche, centrée sur l’appropriation des dispositifs de régulation des désordres par les enseignants, nous amène à resituer et questionner la référence à l’éducation nouvelle. En effet, si cette référence est explicitement présente chez certains enseignants qui revendiquent une proximité voire un militantisme proche des courants pédagogiques initiateurs (ex. ICEM), d’autres mettent en place ces dispositifs en s’émancipant (partiellement ou totalement) de leur ancrage historique et culturel, assumant de ce fait des formes de bricolage, d’hybridations dans la mise en œuvre. Il s’agit pour nous de différentes formes d’appropriations de ces dispositifs sur lesquelles nous ne portons pas de jugement a priori. Notre analyse ne vise pas à identifier des bonnes ou mauvaises appropriations en référence à ces normes pédagogiques, mais plutôt à expliquer en quoi les caractéristiques de ces dispositifs (et notamment leurs références à l’« éducation nouvelle ») représentent des ressources et des contraintes dans l’activité des enseignants confrontés aux désordres en classe.
Vous avez observé et analysé dans ces classes plusieurs dispositifs caractéristiques de ces pédagogies nouvelles, pour certains d’ailleurs plus largement inscrits dans la culture enseignante, tels que le conseil d’élèves, la fiche de réflexion, et la ceinture de comportement. Quels sont les objectifs et enjeux communs à ces dispositifs ?
À vrai dire, alors même que nous y accordions une attention particulière du fait de la demande des acteurs qui les mettaient en œuvre, notre enquête nous a amenés à sortir des dispositifs inscrits dans la mouvance de l’éducation nouvelle, du moins à élargir le spectre de nos analyses. En effet, nous avons constaté l’existence d’autres dispositifs ayant des caractéristiques similaires pour ce qui est de la régulation des désordres, mais qui ont un caractère plus transparent du fait qu’ils font partie intégrante de la culture des enseignants et ne font pas l’objet d’une attention particulière : nous pensons ici à la rencontre individuelle avec un élève par exemple. Quelles sont les caractéristiques communes de tous ces dispositifs que nous regroupons ? L’enseignant tente d’y réguler un désordre de manière différée (dans le sens où du temps s’est écoulé entre le moment d’émergence du désordre et celui de sa régulation) et il associe cette régulation d’intentions éducatives en responsabilisant l’élève, en le faisant participer à la réflexion sur ce qui a posé problème dans son comportement, et en l’associant à l’élaboration de solutions à envisager.
D’autres dispositifs, relevant des mêmes objectifs et enjeux, sont aussi utilisés, mais comme transmis « sous le manteau ». On pense en particulier à l’échelle de comportement. D’où vient cette difficulté à communiquer sur de tels dispositifs, et pourquoi estimez-vous si important de « les sortir de leur clandestinité » ?
L’échelle de comportement est effectivement emblématique de ces dispositifs que beaucoup d’enseignants utilisent, mais dont ils minimisent et taisent parfois la mise en œuvre, surtout si elle se déploie au sein d’une culture professionnelle sensible aux pédagogies « nouvelles ». Les enseignants auprès de qui nous avons travaillé font l’expérience de leur efficacité quant à la régulation des désordres tout en les dévalorisant sur le plan éducatif, avec le sentiment qu’ils obéissent à une logique comportementaliste. Cette apparente contradiction provient selon nous d’une adhésion des enseignants aux normes éducatives contemporaines qui ont tendance à valoriser les démarches pédagogiques privilégiant l’expression des élèves, leur réflexivité, leur participation, et en creux à dévaloriser les dispositifs et plus globalement les gestes professionnels qui privilégient d’autres dimensions de la régulation des désordres : efficacité sur le court terme, explicitation des attentes en termes de comportements, etc. Tout fonctionne comme si les enseignants avaient intégré ces normes et se sentaient de ce fait démunis lorsqu’il s’agit de justifier d’un point de vue éducatif cette part de leur pratique qui leur apporte une satisfaction sur le plan pragmatique, mais dont ils sont peu fiers. De ce fait, ces dispositifs font l’objet d’une transmission « sous le manteau », plus ou moins assumée entre enseignants, dans les établissements ou sur des sites internet spécialisés.
Ce statut particulier de l’échelle de comportement peut aller jusqu’à une forme de « clandestinité ». Cela nous parait problématique sur le plan du développement professionnel des enseignants, car ces dispositifs ne peuvent pas réellement faire l’objet de débats professionnels alors même qu’ils font partie intégrante de la culture des enseignants. Pour pouvoir les discuter, encore faut-il accepter leur existence et ne pas les rejeter a priori sous prétexte d’une non-conformité aux doxas éducatives dominantes. Les opposer de manière simpliste aux dispositifs inscrits dans l’éducation nouvelle sous prétexte qu’ils seraient irréconciliables sur le plan des valeurs éducatives limite fortement leur mise en discussion et peut générer une forme de tabou au sein des équipes pédagogiques et plus généralement de la profession.
Revenons sur le conseil d’élèves. À l’occasion d’une séance à laquelle vous assistez, un élève demande à obtenir « la ceinture jaune de comportement ». Un échange s’établit alors dans le groupe classe afin d’apprécier le bien-fondé de cette requête. Très majoritairement lors du débat, les élèves jugent celle-ci illégitime, à juste titre vous expliquera ensuite l’enseignante. Pourtant au moment du vote, inversion de tendance, et le conseil accède à la demande de l’élève. Cet exemple, sans remettre en cause le bien-fondé du dispositif, va être l’occasion d’en interroger les modalités pour en tirer quelques enseignements. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
Cet épisode est en effet emblématique de la difficulté qui se pose aux enseignants. Dans la situation que vous évoquez, nous sommes dans une classe de CP-CE1. Donc il y a cet échange entre les élèves au sujet de la demande d’un élève qui souhaite obtenir la ceinture jaune de comportement. On y voit des conduites langagières assez remarquables, la plupart d’entre eux argumentent assez finement les raisons pour lesquelles ce changement de ceinture leur apparait saugrenu. Et elles sont nombreuses ! Cet élève prend le matériel des autres sans leur demander, bavarde de manière incessante, fait du chantage à ceux qui refusent de lui montrer leurs réponses sur l’ardoise lors d’exercices scolaires. L’affaire est mal engagée. Mais lorsque la décision est soumise au vote par le président de séance, tous les élèves se montrent favorables à sa demande. La scène est cocasse : il y a comme un plaisir jubilatoire à lever la main, les enfants semblent tout heureux de participer ensemble à ce moment solennel.
Comment expliquer cette rupture entre le contenu des échanges et l’orientation du vote ? Juste avant celui-ci, un élève était intervenu pour émettre une hypothèse : et si l’attribution de la ceinture jaune le conduisait à changer son comportement ? Est-il possible que ce dernier argument ait mis tout le monde d’accord sans même avoir été discuté ? Faut-il voir dans ce vote un acte collectif de solidarité envers cet élève ? Peut-on enfin penser que les élèves dissocient le temps préparatoire à la délibération du vote lui-même, comme s’il n’existait pas de lien entre les deux ?
Lors de l’entretien d’auto-confrontation que nous avons réalisé avec l’enseignante, celle-ci exprimera son embarras : privilégier la participation des élèves à la vie de la classe la conduit à ne pas intervenir sur la décision prise par les membres du conseil. Mais ses interrogations restent nombreuses. N’est-il pas important de faire identifier aux enfants le principe de cohérence entre l’orientation prise par les échanges et le vote ? Quels enseignements les enfants vont-ils tirer de cette séance ? Qu’en auront-ils compris ? Cette décision ne risque-t-elle pas de mettre à mal l’essence même des ceintures de comportement ? Bref, elle est partagée sur la posture à tenir. Elle privilégie la participation des élèves, mais se rend bien compte des problèmes soulevés par ce parti pris.
Vous évoquez d’ailleurs à de nombreuses reprises ce dilemme culpabilisant auquel sont confronté.es les enseignant.es sur la place à tenir dans ces dispositifs. Opter pour une posture de retrait en donnant la priorité à la participation des élèves ? Intervenir lorsque cette posture est contreproductive en usant de son droit de veto ? Vous proposez plutôt de dépasser cette opposition. À quelles pistes de réflexion vos observations et analyses vous ont permis d’arriver sur cette question ?
Ce dilemme mérite d’être resitué dans l’histoire même de ce type de dispositifs. Restons sur l’exemple du conseil d’élèves. Il faut relire l’ouvrage de Catherine Pochet et Fernand Oury (Qui c’est le conseil ?) sous cet angle. C’est saisissant : le témoignage de Pochet sur sa pratique du conseil pendant une année scolaire est traversé par ce dilemme. Elle est sans cesse confrontée à des problèmes identiques à ceux que nous avons observés : les échanges qui s’enlisent, des enfants qui profitent de leur fonction dans le conseil pour infléchir les décisions pour leurs propres profits, etc. D’ailleurs, au cours du premier semestre, elle décidera de reprendre en main le conseil, et les verbatims des différentes séances montrent qu’elle assure une fonction centrale à certains moments. Oury l’interpelle à plusieurs reprises sur ce sujet. Il ne faut pas oublier que le conseil d’élèves s’accompagne dans la pédagogie institutionnelle des années 1970 d’une critique virulente de « l’école caserne ». Le caractère vertical et supposé arbitraire de la relation maître-élève y est sans cesse dénoncé. Au risque d’un impensé sur la fonction de transmission jouée par l’enseignant. Cette fonction est rendue invisible parce que les enjeux de cette relation sont exprimés en termes de pouvoir et de domination de l’enfant.
Nous pensons que le dispositif tel qu’il est transmis aujourd’hui est porteur de cette histoire, et avec elle d’une défiance envers les interventions de l’adulte. Quand on regarde les prescriptions qui entourent le rôle de l’enseignant dans le conseil d’élèves, on voit bien qu’elles « contiennent » la place de l’enseignant, comme si les prescripteurs craignaient qu’elle ne déborde. À l’issue de cette recherche, nous pensons que les médiations de l’enseignant ne peuvent pas se réduire à une fonction de clarification des échanges. Elles devraient traduire aussi une fonction de transmission assumée permettant à de jeunes enfants d’être accompagnés dans la résolution des problèmes difficiles qu’ils ont à traiter dans un conseil. Mais les enseignants ne s’y sentent pas toujours autorisés. Nous pensons que pour dépasser ce dilemme, il est nécessaire de réintroduire une réflexion sur le rôle des médiations de l’enseignant pour aider les élèves à comprendre les enjeux qu’ils discutent dans un conseil.
Une autre difficulté rencontrée est liée à ce que l’on appelle « le double agenda », pourriez-vous revenir sur cette notion et expliquez pourquoi selon vous le désordre ne fait pas forcément obstacle à un apprentissage réussi, et peut même devenir une opportunité d’enseignement-apprentissage très efficace ?
Le double agenda désigne la cohabitation de deux préoccupations présentes chez tous les enseignants : gérer les apprentissages et gérer la classe (notamment réguler les désordres). Dans cette perspective, les désordres sont un parasitage à l’enseignement/apprentissage, qu’il convient de réduire au plus vite. La régulation des désordres revient alors à créer/rétablir les conditions propices à l’enseignement des contenus académiques. Nous ne pouvons que reconnaitre que cette perspective, ainsi posée, constitue un fondement de la pratique des enseignants. Cependant notre travail nous amène à discuter cette séparation nette entre gestion de classe et gestion des apprentissages.
En effet, réguler les désordres nécessite, à un certain niveau que nous mettons en évidence au travers des dispositifs investigués, de penser un enseignement porteur de contenus spécifiques. Par exemple, un enseignant qui a pour intention de prendre un temps avec ses élèves pour poser un problème de « bavardage » en classe en générant des échanges sur le problème posé et les solutions à envisager a tout intérêt, selon nous, à penser et anticiper un contenu spécifique au problème comme il le ferait dans une discipline académique comme les mathématiques : qu’est-ce qu’un bavardage ? Quelles sont les possibles solutions à envisager pour régler le problème ? Autant d’éléments sur lesquels l’enseignant doit à avoir une longueur d’avance sur ses élèves quand bien même il souhaite s’appuyer sur leurs interventions. Dans cette perspective, réguler les désordres devient bien un enseignement spécifique.
Ce travail mené avec les enseignant.es a donc permis de dégager plusieurs potentielles difficultés liées à ces dispositifs, ressources efficaces par ailleurs. D’où le projet d’expérimentation d’un « prototype de régulation différent, basé sur une démarche d’enquête », coconçu avec les enseignant.es, et présenté dans la dernière partie de votre ouvrage : comment pourrait-on le caractériser ?
La première partie de l’ouvrage met en effet en évidence la manière dont les dispositifs font ressources pour les enseignants dans leurs activités et, par la même occasion, génèrent un certain nombre d’obstacles. Nous pouvons mentionner les incertitudes des enseignants sur la posture à tenir dans l’animation de ces dispositifs, comme nous l’avons décrit précédemment avec le conseil d’élèves. Un autre obstacle que nous avons identifié est lié à l’accompagnement des élèves dans un travail de distanciation et de réflexivité sur la spécificité de chacun des désordres et leurs résolutions. Dans ces dispositifs, les intentions des enseignants sont de créer les conditions pour que les élèves prennent conscience des conditions d’émergence d’un désordre scolaire, des effets problématiques de ce désordre (sur soi, les autres, le fonctionnement de la classe) et de se projeter sur des solutions pour le résoudre. Les résultats montrent que la réalisation de ces intentions ne va pas de soi, tout particulièrement quand les problèmes traités concernent des situations conflictuelles entre pairs. Enfin, la dernière difficulté repérée dans l’appropriation de ces dispositifs par les enseignants est qu’ils sont parfois démunis pour mobiliser et élaborer des références communes avec le collectif d’élèves pour décrire, comprendre et trouver des solutions relatives aux situations de désordres. Discuter avec les élèves des désordres scolaires, des conditions de leurs émergences et des solutions pour les résoudre, provoquent la mobilisation, de la part des élèves, d’une pluralité de référentiels culturels qui peuvent parfois être en décalage avec l’univers de référence de l’école.
C’est donc à partir de ces différents obstacles analysés que nous avons conçu et expérimenté, avec les enseignants d’une école, une démarche pédagogique qui pose les bases d’un guidage assumé de l’activité des élèves pour décrire et comprendre un désordre donné et pour identifier et expérimenter une ou plusieurs solutions possibles susceptibles de résoudre les problèmes associés à ces désordres. Cette démarche, qui s’appuie sur le processus d’enquête défini par Dewey (1938), vise ainsi à donner des repères aux enseignants pour accompagner l’activité des élèves tant sur le plan de la logique d’investigation que sur celui des contenus à transmettre pour les aider à problématiser et à résoudre une situation de désordre. Nous avons traduit cette démarche sous la forme d’un prototype de séance d’enseignement qui a été expérimenté, pendant trois ans, par plusieurs enseignants d’une école et dont nous avons analysé leur appropriation.
Finalement, cette démarche d’enquête, démarche au départ collective, semble avoir été intériorisée et utilisée au quotidien, non seulement par les enseignant.es, mais aussi par les élèves. L’aviez-vous anticipé ? Et diriez-vous au final que ce dispositif de régulation des désordres a réussi à ouvrir la voie à de véritables situations d’apprentissage, réconciliant enjeux de gestion et enjeux disciplinaires ?
Nous restons modestes sur les apprentissages générés par le dispositif du fait que nous ne nous sommes pas spécifiquement intéressés à l’activité des élèves (ce que nous faisons actuellement dans le prolongement de notre étude). Nous pouvons cependant mettre en évidence des changements évidents de postures chez les enseignants avec lesquels nous avons travaillé, dont nous pensons qu’ils sont propices à la construction d’apprentissages chez les élèves : anticipation de la définition des désordres, de leur interprétation et des solutions envisagées. Mieux préparés à ces échanges, nous constatons que les enseignants guident l’activité des élèves de manière plus précise et savent se saisir des réflexions des élèves pour mieux faire progresser la compréhension des désordres qui sont traités et pour affiner les solutions qui seront expérimentées pour les résoudre.
Propos recueillis par Claire Berest
L’enseignant face aux désordres en classe – Appropriation de dispositifs à l’école primaire, Rémi Bonasio, Bruno Fondeville et Gwenaël Lefeuvre – Editions PUR – Collection « Paideia » – ISBN : 978-2-7535-9418-0