Mardi 19 mars, une large intersyndicale Fonction publique appelait à se mobiliser pour les salaires et contre la réforme portée par Stanislas Guerini. Si beaucoup d’enseignants et enseignantes étaient dans les cortèges marseillais et parisiens pour les salaires, nombreux aussi étaient ceux qui se mobilisaient contre le choc des savoirs. Le café pédagogique a recueilli leur témoignage.
Dans le cortège marseillais
Dans le cortège marseillais, beaucoup de militants, à l’image de Franck Nef, Professeur des écoles en brigade dans les quartiers nord de Marseille et secrétaire départemental du syndicat Snudi-FO. « Nous sommes en grève aujourd’hui avec toute la fonction publique, car nous sommes confrontés à un gouvernement qui va au bout de ses réformes telles que la loi Guerini qui veut transformer la fonction publique », explique-t-il. « La question salariale est essentielle. Le salaire au mérite, cela ne peut pas fonctionner dans une administration où les personnels sont très impliqués dans leur travail ; à l’école cette loi se concrétise par la mise en place du «Pacte ». Depuis 2000 les fonctionnaires ont perdu 28 % de leur pouvoir d’achat. Vivre décemment devient très compliqué. Nous demandons le rattrapage du terrain perdu, nous réclamons 28,5 % d’augmentation du point d’indice sans contrepartie. »
Pour Gilles Grabert, professeur d’espagnol au collège Anatole France dans le centre-ville de Marseille et secrétaire général du syndicat Sgen-CFDT Provence-Alpes, si la question des salaires est centrale, il manifeste aussi contre le choc des savoirs et le pacte. « Deux raisons me poussent à faire grève et à manifester : dire non à une nouvelle année blanche en termes de salaire. La fonction publique n’est pas une charge, c’est une richesse, un investissement de la nation pour le futur. Et pour l’école nous sommes inquiets pour la rentrée de septembre et résolument opposés au choc des savoirs, aux groupes de niveau qui vont se mettre en place et qui mobilisent la profession. Pour le Pacte, nous continuons à être contre. Cela devrait intensifier notre travail et conduire plus de collègues à l’épuisement qui sont déjà très impliqués. Travailler plus pour gagner plus ce sont les vieilles recettes de Nicolas Sarkozy qui ne fonctionnent pas. Nous demandons un salaire décent qui nous permette de bien faire notre travail ».
Dans le cortège parisien
Martial* est directeur d’école à Gennevilliers (92). Cet enseignant, « plus proche de la retraite que du début de carrière », s’inquiète. « C’est affligeant. Quand j’ai commencé à enseigner, je pouvais me faire plaisir. Ma femme – professeure d’italien – et moi pouvions emmener nos trois enfants au ski en hiver et en vacances l’été. Aujourd’hui, ma fille qui est professeure d’anglais arrive à peine à aller en vacances en été ». « Que s’est-il passé pour que nos salaires décrochent tant ? » interroge-t-il. Contrairement à beaucoup de manifestantes et manifestants que le Café pédagogique a croisés dans le cortège parisien, Martial est là « pour les salaires, c’est tout ». L’enseignant dit avoir perdu confiance dans la capacité de la société à défendre l’école publique, « nous avons perdu, je ne vois pas comment la tendance libérale actuelle pourrait être inversée… ».
Soraya*, professeure de SES, n’est pas d’accord. « Si on ne se mobilise pas aujourd’hui, ce sera trop tard. On peut encore inverser la tendance. Nos élèves ont besoin que l’on croie en eux, qu’on ait de l’ambitieux pour eux ». Jeune professeure, Soraya enseigne dans un lycée Séquano-Dionysien. Selon elle, déjà dans son établissement qui mériterait un classement en éducation prioritaire, « on voit bien qu’il y a eu de l’écrémage ». « La fin de seconde est hyper révélatrice. Les élèves des milieux les plus populaires suivent rarement mes cours », affirme-t-elle. L’enseignante fait aussi grève pour les salaires. Titulaire d’un doctorat, elle gagne 2 200 euros par mois, « pas de quoi faire des folies, une fois qu’on a payé le loyer et les charges ». « Avec un tel salaire, je n’arrive pas à m’imaginer avoir un enfant, je n’aurais jamais les moyens… ».
La CGT Éduc’Action appelle d’ores et déjà à inscrire la mobilisation dans la durée pour une obtenir « les inévitables transformations au service des personnels et des élèves avec l’abandon de la réforme des retraites et de toutes les réformes de tri social, de la réforme du lycée à Parcoursup ; des créations massives de postes dans tous les corps, la nationalisation de l’enseignement privé sous contrat, l’indexation de la valeur du point d’indice sur l’inflation et l’ouverture de négociations sur les grilles salariales« .
Alain Barlatier et Lilia Ben Hamouda