À Paris, comme en Seine Saint Denis qui exige un plan d’urgence, la mobilisation est forte depuis le retour des vacances de février . Le 12 mars, 25 collèges parisiens ont participé à l’opération collèges déserts, organisés par les parents d’élèves. L’académie de Paris conjugue la mobilisation contre la perte des moyens de l’école publique – la suppression de 125 postes dans le 1er degré et de 128 dans le 2d degré – avec la mobilisation contre la réforme du « choc des savoirs ». Les représentants de parents d’élèves sont vent debout contre la mise en place de groupes de niveaux au collège. Des réunions publiques, des rassemblements devant les rectorats ou le ministère, avec le soutien des élus de la gauche et des écologistes, des opérations pochoirs sur les trottoirs aux abords des établissements scolaires, des banderoles, des courriers collectifs, des tractages sur les marchés dans l’Est parisien sont organisés pour informer et alerter le grand public sur la réforme du collège. L’inquiétude est grande pour celles et ceux qui dénoncent une politique de destruction de l’école publique. Pourtant, malgré les préconisations de la recherche, l’opposition de l’ensemble des professionnels comme des parents d’élèves, le texte officiel a été publié dimanche 17 mars 2024.
Les parents d’élèves dans la lutte : des démarches collectives pour rejeter en bloc un projet de réforme.
Une demande d’audience collective sur la mise en place des groupes de niveau des fédérations de parents comme des établissements est envoyée au rectorat. Les CA (Conseil d’administration) ont largement voté des motions contre DHG et la réforme du choc des savoirs. Que ce soit pour les parents ou les équipes pédagogiques, la démarche collective est soulignée et souhaitée pour mener un combat qui se veut le plus large et commun possible. Sortir les revendications de la salle des professeurs, rassembler les équipes, les familles pour rejeter cette réforme et vision de la société est le moteur de ces collectifs. Une tribune publiée dans le Monde du 5 mars a été signée par plus de 300 professeurs et parents, dont la plupart en REP. Dans une autre tribune, citoyenne, des parents d’élève d’une école citent le pédagogue Célestin Freinet « le devoir des pédagogues n’est point de plaire aux puissants du jour, notre tâche est autre, on nous l’a toujours affirmé : elle est de former des citoyens conscients. Eh bien : nous prenons notre rôle au sérieux !» Les équipes pédagogiques expriment une fatigue face aux réformes successives, et exigent « un choc des moyens pour l’école et des salaires pour tous les personnels » à l’instar des parents d’élèves du collège Charles Péguy du 19e arrondissement de Paris où Gabriel Attal a lancé le choc des savoirs pour qui « les moyens financiers diminuent pour détruire l’école publique à petit feu. »
Un mot d’action : unis pour une école de toutes et tous, pour l’école publique
La FCPE parisienne a fait une demande d’audience collective des parents signée par plus de 100 établissements, collèges et écoles pour afin d’exprimer leur son désaccord avec la réforme du « choc des savoirs » qui « instaurerait des groupes de niveaux (…) obligeant à trier les élèves durant leur scolarité au collège, et ce dès leur entrée en 6e (…) cette réforme remet directement en cause l’école de la réussite pour tous les enfants sans discrimination, une école où ils et elles grandissent et apprennent à vivre tous ensemble dans des classes hétérogènes. »
Les parents ont également exprimé leur inquiétude du devenir des élèves en situation de handicap, qui pourraient être regroupés et catégorisés. Pour la FCPE de Paris, « le dialogue social, la confiance nécessaire à ce type d’exercice, n’est plus de mise dans l’académie de Paris ». Son président, Martin Raffet le rappelle, « la baisse démographique à Paris, comme partout en France, est une réalité que nous devons transformer en chance», il salue les équipes pédagogiques qui aujourd’hui « pallient les manquements de l’institution ». La FCPE réclame « la suppression au prorata de la représentativité à Paris, ce qui impliquerait 100 suppressions de postes » – et non les 50 actuels, elle a adopté un vœu pour que les DHG des établissements privés sous contrat soient communiqués.
Opération collèges déserts : une démarche commune entre familles et équipes pédagogiques
25 collèges parisiens ont participé le 12 mars à une opération « collèges déserts » pour exiger l’abandon de la réforme du collège. « Comme le prouvent les études les plus sérieuses, c’est l’hétérogénéité des niveaux des élèves qui permet l’émulation et la progression » . Trier les élèves des 11 ans, les enfermer dans des cases de bons ou mauvais élèves, c’est écrire leurs destins à leur place en les orientant dès leur plus jeune âge. Nous parents FCPE du collège Péguy, demandons l’abandon de la réforme et le déblocage de moyens à la hauteur des enjeux pour permettre le bien-être et la réussite de nos enfants. Nous nous associons aux enseignants et demandons aux parents de ne pas envoyer les enfants au collège mardi 12 mars!»
Dans plusieurs collèges, ce fut succès. Aucun élève ne s’est présenté, à l’image du collège Pailleron du 19e arrondissement. Les professeurs du collège Dolto dans le 20e arrondissement expliquent et veulent s’adresser à tous les citoyens « Nous sommes attaché·e·s à l’École publique, nous défendons son projet : accueillir et scolariser partout tous les élèves sans distinction, être ambitieux pour chacun·e, combattre résolument les déterminismes sociaux et assurer l’égalité entre les élèves ».
Si les quartiers populaires, les établissements parisiens REP se mobilisent particulièrement, c’est car leurs élèves issus des familles des classes populaires seront les premiers pénalisés par cette réforme. Réforme qui représente un projet de « contre-démocratisation scolaire », décrit par l’historienne Laurence De Cock. Ce sont bien les enfants des quartiers populaires et des familles les plus fragiles qui souffriront le plus des effets des réformes annoncées, comme Jean-Paul Delahaye l’analyse dans son ouvrage « l’école n’est pas faite pour les pauvres ».
Djéhanne Gani