Jeudi 14 mars, de nombreux enseignants et enseignantes de Seine-Saint-Denis étaient en grève à l’appel de l’intersyndicale éducation du département. Rassemblés devant la direction académique, c’est en chantant qu’ils ont crié leur colère, leur demande d’un plan d’urgence pour le 93 et le refus du choc des savoirs. Moins nombreux que la semaine dernière, le rectorat annonce 5% de grévistes dans le premier degré et 12 dans le second – contre 40% selon les syndicats, ils et elles n’en étaient pas moins motivé·es. Marie, Alain et Nadia expliquent les raisons de leur colère.
« Ce mouvement me fait du bien, terriblement de bien », nous confie Marie*, professeure d’arts plastiques dans un collège de Saint-Denis. « Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un tel élan dans les salles de profs. Attal et Oudéa-Castéra ont au moins ce mérite : ils ont réveillé nos consciences et mis à jour un sentiment diffus que l’on ressentait. Le sentiment que nos élites, nos politiques, là-haut dans leurs bureaux au mieux, parlent de ce qu’ils ne connaissent pas, au pire, ont un projet de destruction de l’école publique et l’émancipation qu’elle permet ».
Pas très loin, dans le cortège qui s’est rassemblé devant la DSDEN de Seine-Saint-Denis, Alain manifeste avec son fils de huit ans – dont la maîtresse est en grève. « Je suis là en tant qu’enseignant, mais aussi, voire surtout, en tant que parents. J’habite la Seine-Saint-Denis, pourquoi mes enfants n’auraient pas le droit d’être dignement scolarisés ? J’utilise le mot dignement en pesant mes mots. Par ce que faire travailler des élèves dans des salles non chauffées, avec des fuites d’eau, des rats parfois, ce n’est pas digne. En tout cas, ce n’est pas digne de notre République. Sans compter que si un professeur a le malheur d’être absent, ben y a pas cours… ».
Beaucoup font aussi le lien entre qualité d’enseignement dégradé et choc des savoirs. À l’image de Nadia, professeure de mathématiques à Stains. « Tout est lié. En gros, nos élèves vivent dans des conditions difficiles, sont scolarisés dans des écoles insalubres et ne bénéficient pas de tous les temps d’enseignement qui leur est dû… Et aujourd’hui, on nous explique que ça ne suffit pas de les reléguer entre eux dans des écoles pourries, on nous dit qu’il faut aussi les trier pour récupérer ce qu’on peut encore sauver. Nos politiques sont à vomir. Et nos concitoyens, nos collègues qui ne se bougent pas, qui ne dénoncent pas le sont tout autant ! ». La colère de Nadia, beaucoup la partagent. Même si l’ambiance est bon enfant.
Il souffle un vent de colère en Seine-Saint-Denis. Un vent de colère contagieux, plusieurs autres départements lui emboitent le pas… La rue de Grenelle semble en avoir conscience après avoir refusé pendant près de trois semaines de recevoir l’intersyndicale, elle a fini par leur accorder une audience ce jour. Malgré cette annonce, 300 professeur·es réuni·es en assemblée général ont décidé de voter la grève le 21 mars – en plus de celle du 19 – et appellent à « monter à Matignon ».
Lilia Ben Hamouda