Pas peur des questions vives ? L’Apses, l’association des professeurs de SES, organise le 25 mars à Paris un colloque sur « les SES face aux enjeux écologiques ». Il vise à aborder les questions écologiques en relation avec les sciences économiques et sociales. Raphaëlle Marx, professeure de SES à Paris et co-organisatrice du colloque, précise les enjeux pour les SES.
Reproblématiser les programmes de SES
« On a alerté sur les insuffisances du traitement des questions environnementales dans les nouveaux programmes de 2019 », rappelle Raphaëlle Marx. « Cela s’est confirmé avec leur mise en oeuvre ». Globalement les nouveaux programmes ne proposent qu’un item en 2de sur les limites de la croissance et un chapitre en terminale axé sur les seules politiques publiques. « Il y a un biais dans les programmes. Ils ne permettent pas de débattre des questions environnementales », ajoute Raphaëlle Marx. « Notamment de la croissance et des perspectives de dépassement de la croissance économique ». Raphaëlle Marx rappelle ce sujet donné au bac : « vous montrerez que le progrès technique permet de dépasser les limites écologiques de la croissance ».
« On n’aborde pas de front le débat sur le progrès technique », explique Raphaëlle Marx. « Il nous semble important de faire de cette question une question de science sociale. L’urgence écologique nous oblige à repenser des connaissances transmises en classe. Il faut reproblématiser les programmes à cette aune ».
Débattre de la science économique et des questions de nature
Les professeurs de SES n’ont pas peur de soulever des questions vives. « Cela fait partie de la culture de la discipline », explique Raphaëlle Marx. « Les élèves doivent être outillés intellectuellement en terme citoyens pour avoir du recul sur les choix politiques nécessaires ». Poser ce débat est aussi vu comme un moyen de lutter contre l’éco anxiété.
Le colloque du 25 mars réunit des économistes connus (Eloi Laurent de l’OFCE, Hélène Trodjman , Gael Plumecocq par exemple). « On attend qu’ils posent la question de comment la science économique peut aborder les questions de nature », explique Raphaëlle Marx. « Considère-t-on l’environnement comme une externalité des marchés ou comme une partie intégrante du modèle ? Comment aborder la production dans un contexte de transfert des activités de production ? »
Quel modèle de production pour quelle justice sociale ?
Une autre table ronde fait le lien entre justice sociale et environnementale. « On ne peut pas déconnecter la justice sociale, déjà présente dans les programmes, des effets inégaux dela crise écologique », explique Raphaëlle Marx. « Dans la transition écologique des emplois sont supprimés. Comment compenser ? Quelle classe sociale doit faire des efforts ? Comment les inégalités vont-elles se reconfigurer ? »
Une autre table ronde porte sur le modèle de production. « Les universitaires portent plutôt des modèles de post croissance », explique Raphaëlle Marx. « On est dans les programmes. On enseigne le modèle de progrès technique. On attend des universitaires d’autres possibilités. Comment la production peut s’organiser pour répondre aux besoins ».
Une troisième table ronde réunit économistes, politistes et sociologues. « On souhaite relier question environnementale, action collective et action publique », explique Raphaëlle Marx. « Cela renvoie au chapitre sur l’engagement politique et apporte un renouvellement ». L’Apses en attend aussi une autre façon de poser la question des communs et de l’action de l’Etat face aux enjeux écologiques.
Le colloque va t-il faire évoluer les programmes ? « La question écologique est discutée partout et elle devrait éveiller l’intérêt », dit Raphaëlle Marx. « A l’Apses on demande un allègement des programmes. Mais on souhaite aussi une refondation avec des programmes par objet avec une réflexion problématisée. Le colloque s’inscrit dans cette dynamique ».
Propos recueillis par François Jarraud
Inscription au colloque du 25 mars
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