Après six mois d’existence, qu’en est-il du Pacte ? Au ministère, silence radio. À part l’annonce de Gabriel Attal en décembre dernier qui assurait qu’un enseignant sur trois avait signé, aucune information ne fuite rue de Grenelle – malgré nos sollicitations. Au SE-Unsa, on a décidé de demander aux équipes pédagogiques d’en faire le bilan. Et ce bilan, il est plus que mitigé selon le syndicat. « La Montagne n’a pas accouché d’une souris, mais d’un ragondin coûtant 1 milliard d’euros », estime Gilles Langlois, secrétaire national chargé de l’enquête. « C’était prévisible, dans tous les cas de réformes prévues contre les personnels, il n’y a toujours qu’une issue : l’échec ».
Entre le 8 décembre et 3 janvier, les professeurs, CPE et psychologues de l’Éducation nationale ont été invités – via leur boite mail professionnelle – à répondre à une enquête sur le pacte, à l’initiative du SE-UNSA. « Nous sommes dans un contexte assez inédit, avec trois ministres en quelques mois » a déclaré Élisabeth Allan-Moreno, secrétaire générale. « Le dialogue social en est durement affecté. Pour autant, nous avons besoin de réponses. Notamment sur la question du Pacte auquel est dédiée une enveloppe d’un milliard d’euros. Il est essentiel pour nous de connaitre la réalité de sa mise en œuvre. Nous exigeons aussi de la visibilité sur son avenir : sera-t-il reconduit ? Avec quels moyens dans ce contexte d’austérité ? ».« Combien de personnels ont accepté de signer ? Pour quels types de missions ? Combien auraient aimé, mais n’ont pas pu ? Ce sont autant de questions pour lesquels on attend des réponses », ajoute la responsable syndicale. Et ces questions, le SE-Unsa n’est pas le seul à les poser. Interrogée à plusieurs reprise la rue de Grenelle se défile, pour l’instant rien à déclarer. Pourtant, les remontées de terrain existent, soutient Élisabeth Allan-Moreno. « On sait que les rectorats et les directions académiques ont demandé des remontées ». « Le gouvernement a du mal à reconnaitre son échec », affirme Gilles Langlois, secrétaire national chargé de piloter l’enquête sur le Pacte. « Les silences sur la question, de la part d’un gouvernement qui est dans l’hyper communication, en disent long ».
« Sans chiffres ni appréciation plusieurs mois après rentrée, dans un contexte de dialogue social défaillant, de dépenses inutiles, voire contreproductives – particulièrement celle du choc des savoirs, dans le contexte d’une politique éducative qui dessert nos élèves et nos personnels, notre enquête prend encore plus de sens », estime la secrétaire générale. Le syndicat, qui se défend de présenter les résultats d’un sondage, explique qu’il s’agit avant tout « d’une photographie à l’instant T, d’un état des lieux ».
Le pacte, un élément fracturant de la communauté éducative
C’est dans ce contexte que 3 478 personnels ont répondu à l’enquête, dont 37% ont adhéré au Pacte, principalement professeurs (58% de PE, 38% de professeur·es du second degré).
« L’un des premiers enseignements, c’est la perception différente du Pacte en fonction de l’adhésion ou non », explique Gilles Langlois. « Ceux qui ont adhéré, 37% des répondants, ont moins repéré de tension au sujet de la répartition des briques de pacte et pensent que la répartition s’est faite équitablement ». Pour autant, les résultats montrent que dans au moins un établissement sur 5, des tensions ont été perçues dans la mise en place.
Si les enseignants n’ont pas signé, c’est pour 9 sur 10 d’entre eux par principe ou conviction. Dans la même proportion, 90% des non-signataires du dispositif estiment que leur quantité de travail est « déjà trop importante ». Malgré leur refus de signer le pacte, et donc de bénéficier d’une rémunération complémentaire, 85% d’entre s’estiment insatisfaits de leur rémunération.
Du côté, des pactés, s’ils ont adhéré, c’est pour 7 d’entre eux pour des motifs financiers et 66%, car les briques proposées correspondent à des missions qui étaient déjà exercées, mais non rémunérées.
Une des inquiétudes des syndicats lors de la mise en place du pacte était l’augmentation des inégalités hommes-femmes – les femmes étant généralement moins enclines du fait de leurs responsabilités familiales à accepter des missions complémentaires, les résultats de l’enquête du SE-Unsa montrent au contraire une surreprésentation féminine dans les pactés. « Les femmes sont dans des situations financières plus fragiles, cela pourrait expliquer le phénomène » selon Gilles Langlois. « Le fait que des femmes signent beaucoup n’est pas une bonne nouvelle, il y a d’autres moyens de travailler l’égalité salariale », complète Élisabeth Allan-Moreno.
L’enquête interrogeait aussi l’impact du dispositif sur le travail collectif. « Si les personnels pactés ne se sentent pas moins disponibles, les non pactés les décrivent quant à eux moins comme disponibles ». Et si près de 35% des personnels pactés se déclarent plus fatigués, les femmes sont plus nombreuses à l’être.
La dernière partie du questionnaire proposait aux répondants une expression libre, un champ dont ils se sont massivement emparés selon le SE-Unsa. « On note une extrême dispersion des appréciations », explique Gilles Langlois. « Si la perception du pacte est certes mitigée, elle reste très majoritairement négative. Il est pointé comme un élément fracturant la communauté éducative, en particulier chez les professeurs. Il n’est bénéfique ni pour les élèves ni pour les personnels ».
« On a toujours dit que ce n’est pas le bon outil. Pour le système éducatif, ce n’est pas une bonne chose », a conclu Élisabeth Allan-Moreno. « On n’a pas voulu appeler au boycott pour ne pas arriver à cette rupture dans les équipes. Et on ne pouvait pas jeter l’opprobre sur ceux qui ont besoin de prendre des briques ».
Lilia Ben Hamouda