Quelle Ministre sera Nicole Belloubet ? interroge Yannick Trigance. La « pédagogiste » qui « ironisait sur « les fariboles sur la restauration de l’autorité ou le port de la blouse » ou s’inscrira-t-elle « à plein et sans état d’âme dans la politique éducative ultra-libérale mise en place depuis 2017 » ?
C’est sans doute l’une des raisons qui a amené le Président de la République à l’appeler pour remplacer l’éphémère Amélie Oudéa-Castéra dont les déclarations successives et ses propos sur l’école publique ont profondément blessé l’ensemble de la communauté éducative.
Si le parcours politique de Madame Belloubet a amené bien des observateurs à lui accoler souvent l’étiquette « d’idéologue de gauche », seul l’avenir, sa feuille de route et ses décisions nous diront ce qu’il en est réellement.
Convenons toutefois que les propos de Gabriel Attal sur France 2 à l’endroit de sa nouvelle ministre le soir même de sa nomination n’augurent rien de particulièrement rassurant.
En déclarant que « l’on peut avoir pris des positions par le passé et avoir évolué. La première condition pour mes ministres, c’est d’être totalement alignés », le Premier ministre annonce clairement les choses : Nicole Belloubet n’a d’autre choix que celui de s’inscrire à plein et sans état d’âme dans la politique éducative ultra-libérale mise en place depuis 2017.
En rajoutant le même soir que « les groupes de niveau vont se mettre en place, les organisations syndicales sont opposées, mais j’assume de dire que cette mesure est nécessaire », Gabriel Attal (qui rappelons-le a annoncé emporter avec lui la cause de l’école lors de son départ pour Matignon) enfonce le clou et ne laisse aucune marge de manœuvre à sa nouvelle ministre de l’Éducation nationale, quand bien même, elle a pris soin dans son discours d’installation d’éviter le terme « groupes de niveaux ».
Que deviendront par conséquent les convictions de la ministre qui en 2016 ironisait sur « les fariboles sur la restauration de l’autorité ou le port de la blouse » ? Taxée par le passé de « pédagogiste », aura-t-elle le courage et la volonté politique de remettre en cause le « choc des savoirs » et son train de mesures conservatrices, inefficaces et porteuses de séparatisme et de régressions que sont le redoublement, les classes « prépa-lycée », l’uniforme et le placement dans des internats des élèves « sur la mauvaise pente » ?
Tiendra-t-elle compte des récents votes du Conseil Supérieur de l’Éducation qui, à une écrasante majorité, ont rejeté un chapelet de mesures aggravant les inégalités, le tri social et les conditions de travail des enseignants ?
Sera-t-elle en mesure d’obtenir les moyens nécessaires au rétablissement des conditions de la réussite pour tous les élèves de notre école publique, et qui aujourd’hui font cruellement défaut : remplacements, formation continue, accueil des élèves porteurs de handicap, diminution des effectifs dans les classes, dotations horaires en collèges et lycées, revalorisation effective des enseignants ?
Des réponses à ces questions dépendra la capacité de la nouvelle ministre à rétablir une crédibilité, une relation de confiance et de travail avec les enseignants, les familles, les élèves et l’ensemble de la communauté éducative.
Il y va de l’avenir de notre École publique.
Yannick TRIGANCE
Conseiller régional Ile-de-France
