« Chaque jour porte pour vous son lot de casseroles. Devant vous il n’y a qu’une porte de sortie. Prenez-la ». Dure journée pour la ministre de l’éducation nationale ce 6 février. Alors que des enseignants défilent contre sa politique, qu’un ex-ministre lorgne son poste et qu’elle est donnée partante, elle doit répondre aux questions des députés en séance et commission. Mais tout ruisselle sur la ministre qui lâche quelques annonces notamment sur le Pacte, les remplacements, les SES, les enseignements artistiques et l’éducation sexuelle. Des annonces faites avant ses valises.
Une ministre très près de la porte…
Rarement un ministre de l’éducation a été autant attaqué en commission de l’éducation de l’Assemblée nationale. Le 6 février, Amélie Oudéa-Castéra répond aux questions d’une cinquantaine de députés. Elle le fait alors qu’une deuxième journée de grève en une semaine secoue le ministère. Juste après le départ tonitruant d’un recteur. Et alors que son sort se décide à l’Elysée et que la probabilité de son départ se transforme en quasi-certitude.
« Cette audition est particulière tant la situation est critique« , dit d’emblée Annie Genevard (Les Républicains). Elle évoque « le périmètre déraisonnablement élargi » de la charge ministérielle, les grèves, les bruits qui courent. « Tout cela rend impossible votre tâche. Nous avons entendu votre feuille de route . Mais tout est dans la capacité d’exécution. Pensez vous être à même de pouvoir exercer votre fonction ? » Plus bref, le député PS Arthur Delaporte pose la même question : « Vos réponses engagent-elle le gouvernement ? ». La députée écologiste Francesca Pasquini est plus directe. » Chacune de vos prises de parole est comme un coup de poignard dans le dos (des enseignants). Chaque jour porte pour vous son lot de casseroles. Devant vous il n’y a qu’une porte de sortie. Prenez-la« .
Mais tout ruisselle sur Amélie Oudéa Castéra. Elle ne répond évidemment pas à ces questions. Imperturbable, elle continue ses explications avec sa diction particulière où elle articule chaque syllabe, comme si l’interlocuteur avait du mal à bien comprendre la pensée ministérielle…
Des annonces cette semaine sur les remplacements
Interrogée sur son rapport à l’enseignement privé, A Oudéa-Castéra explique qu’elle va veiller à la mixité sociale dans les établissements privés. Elle annonce la création d’une base de données « pour avoir la transparence sur l’accès à ces établissements et l’évolution de la mixité ». Elle veut aussi veiller à la hausse du nombre d’établissements offrant une contribution familiale modulée. Cela renvoie à l’accord conclu entre P. Ndiaye et le secrétariat général de l’enseignement catholique. Un accord aussi peu contraignant qu’une base de données…
La ministre est aussi interrogée sur les remplacements où elle proclame « des résultats probants » avec un triplement des heures remplacées et la hausse des formations hors temps scolaire. « On doit aller plus loin et je ferai cette semaine des propositions« , dit la ministre. Mais sera-t-elle encore là ?
Le Pacte évalué le 14 février
De nombreuses questions ont porté sur les groupes de niveau. Pour la ministre il s’agit « de remettre en marche l’ascenseur scolaire » et « surtout pas de mettre fin au collège unique« . « Nous dotons les établissements de moyens supplémentaires pour leur mise en place à hauteur de 2330 ETP« , précise la ministre. Problème : les groupes devraient consommer 7700 postes. Et de partout arrive la rumeur des DHG, des suppressions de dédoublements et des options. A Oudéa-Castéra a une carte dans sa manche : elle annonce un « Dgesco Tour » pour aider les établissements. Le choc des mots… Quant au Pacte, elle annonce son évaluation le 14 février. Si la ministre est là…
Théâtre, enseignements artistiques, SES et éducation à la sexualité
Emmanuel Macron avait annoncé des cours de théâtre dans les établissements. « Nous ouvrirons des clubs de théâtre pour les collégiens« , dit A Oudéa-Castéra. « Nous ferons dans un second temps en sorte que l’Education artistique et culturelle permette un meilleur ordonnancement pour ne pas perdre en musique et en arts plastiques ». Cela semble confirmer que les moyens des futurs clubs de théâtre seront pris sur ceux de l’éducation musicale et des arts plastiques.
Un vif échange a eu lieu sur l’éducation à la sexualité. Elle est dénoncée par la députée RN Julie Lechanteux. « Laissez nos enfants tranquilles« , dit-elle. » Aurez vous le courage de lutter contre une gauche extrémiste qui gangrène l’enseignement ? » De son côté, Fatiha Keloua Hachi (PS) demande à la ministre quand elle va publier le nouveau programme remis par le Conseil supérieur des programmes. « Voulez vous l’enterrer ?« . « On a demandé des évolutions qui vont se poursuivre » répond la ministre. Fatiha Keloua Hachi, membre du CSP, affirme que le CSP n’est pas saisi d’une réécriture de son programme. Le ministère céderait-il à l’extrême droite sur cette question ?
Une discipline d’enseignement a plus de chance. Saisie par deux députés sur l’infaisabilité des programmes de SES de terminale , A Oudéa-Castéra annonce « qu’une réflexion sera engagée sur le contour de ces programmes« . Mais visiblement pas avant la fin de l’année. Et probablement sans elle…
François Jarraud