En 2022, le ministère de l’Éducation nationale, à travers son locataire Pap Ndiaye, promettait un choc d’attractivité pour les métiers de l’enseignement. Si le choc n’a pas eu lieu lors des concours de recrutement des métiers du professorat 2023, il n’aura sans doute pas lieu non plus sur les concours 2024. « Revalorisation historique », pacte… n’auront pas eu l’effet escompté. Dans le second degré, c’est même l’effet inverse avec 77 inscriptions de moins pour les différents Capes. Comparés à 2019, les concours de professeur des écoles attirent 24% de candidat·es en moins, pour le second degré, c’est 38% de moins.
Le nombre de candidat·es inscrits aux concours du professorat sont sortis. Discrètement. Pas de communiqué de presse, pas d’annonce de l’ancien locataire de la rue de Grenelle, il fallait chercher pour trouver trace de leur publication. À croire que Gabriel Attal ne souhaitait pas entacher son court passage au ministère de l’Éducation nationale par le peu de résultats de la politique du gouvernement en matière d’attractivité pour les métiers de l’enseignement.
Dans le premier degré
Dans le premier degré, on note un très léger regain d’intérêt avec 56 343 candidat·es inscrits aux concours externes lors de la campagne qui a été rallongée d’un mois (jusqu’au 7 décembre au lieu du 7 novembre initialement). C’est 197 inscriptions de plus qu’en 2023, soit 0,35% de hausse. Sur les concours internes, là encore les chiffres sont stables (+0,55%). Seul bémol, le nombre de candidat·es au concours interne exceptionnel, voie d’entrée pour les contractuel·les, avec 30% de postulant·es en moins. « Le nombre d’inscrits est globalement stable et ne montre toujours pas le choc d’attractivité promis », commente Guislaine David, porte-parole de la FSU-SNUipp, premier syndicat des enseignants et enseignantes du premier degré. « Sur les académies déficitaires, ce nombre est en baisse et le concours exceptionnel pour les contractuels mis en place l’année dernière ne trouve pas son public. Ces éléments ont de quoi nous inquiéter ».
Malgré leur relative stabilité, ces chiffres sont donc loin d’être rassurants. Pour comparaison, en 2019, ils étaient 24% de plus à tenter le concours de professeur des écoles. En 2024, avec des chiffres équivalents, à la dernière rentrée, nombreuses étaient les classes sans professeur. Job dating, annonces Pôle emploi ou Le bon coin n’y ont rien fait. Encore aujourd’hui, beaucoup d’élèves se retrouvent sans enseignant lorsque le leur est absent. À Ecouen (Val-d’Oise), par exemple, des grandes sections-Cp n’ont pas eu classe deux jours par semaine de septembre à janvier (un poste vacant jusqu’aux vacances d’octobre puis un congé maternité jusqu’en décembre…).
Dans le second degré
Pour les concours externes du Capes 2024, 20 755 candidatures ont été enregistrées. En 2023, c’était 20 832. Soit 77 candidats de moins sur un an. En 2019, le nombre d’inscrits aux différents concours des Capes atteignait 33 490, soit 38% de plus qu’aujourd’hui.
Dans le détail, les disciplines en tension le resteront pour cette nouvelle édition des concours du professorat. En mathématiques, on dénombre 2092 inscriptions, ce sont 88 candidats de plus que l’an passé (3 004) et 1 427 de moins qu’en 2019 (4 519). En lettres modernes, ce sont 79 inscriptions supplémentaires par rapport à 2023 (on passe de 2 026 à 2 115) mais 1 321 de moins qu’en 2019. L’allemand, les lettres classiques et la physique-chimie restent dans la même dynamique et continuent de beaucoup moins attirer. Pour l’allemand, on passe de 475 en 2019 à 212 en 2023, pour les lettres classiques, de 211 à 93 et pour la physique-chimie, de 2 022 à 1 106.
Sophie Vénétitay souligne, elle aussi, le raté du choc d’attractivité promis. « Ces chiffres laissent à penser qu’il sera toujours aussi difficile de faire le plein du côté des concours » déclare la secrétaire générale du Snes-FSU. « Plutôt que de faire de grandes déclarations sans effets, il faudrait se mettre vraiment au travail. Salaires et conditions de travail sont les clés pour mieux recruter. On ne recrute pas par un coup de baguette magique, ou par quelques grand discours ». « C’est le ministère de l’Éducation nationale et non le ministère de la magie », ironise-t-elle.
De fait, depuis 2020, les métiers de l’enseignement n’attirent plus. En 2020, le faible nombre d’inscrits était imputable au Covid. En 2022, c’est par le passage du concours en deuxième année de Master que le ministère justifiait le manque de candidat·es. Une justification qui ne tient plus. Comment une telle défection s’explique-t-elle alors ? Les principaux syndicats estiment que la solution se trouverait sans doute dans de meilleures rémunérations et conditions de travail…
Malgré le faible de nombre d’inscrits, lors de la présentation du nombre de postes offerts aux concours, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, estimait que « l’hémorragie était stoppée». Il se targuait aussi d’avoir réussi à négocier une rallonge budgétaire pour limiter le nombre de fermetures de postes. Pourtant, l’hémorragie est toujours d’actualité. Quant au nombre de postes supplémentaires, sans candidats, la promesse ne coûte pas grand chose…
Lilia Ben Hamouda