Rares sont les énarques à la tête de la rue de Grenelle nous apprend Claude Lelièvre, Amélie Oudéa-Castéra, la deuxième femme ministre de l’Éducation nationale en est une. « On verra si elle laissera (…) un nom dans l’histoire. Elle a déjà fait quelque bruit avec l’explication ahurissante pour une ministre en charge de l’Éducation nationale donnée au placement de ses enfants dans l’établissement privé huppé et très conservateur ‘’Stanislas’’ » ironise l’historien.
Amélie Oudéa-Castéra n’a pas reçu en charge le ministère de l’Éducation nationale en dépit du fait qu’elle était déjà en charge de la Jeunesse, des Sports et surtout des Jeux olympiques et paralympiques, mais au contraire parce qu’elle l’était.
On avait déjà vu le périmètre du ministre de « l’Éducation nationale » Jean-Michel Blanquer s’agrandir à la « Jeunesse » le 16 octobre 2018 (avec sous son giron la nomination de Gabriel Attal, secrétaire d’Etat à la « Jeunesse »), puis en plus le 6 juillet 2020 aux ‘’Sports’’ (avec sous son giron la nomination de Roxane Maracineanu, ministre chargée des «Sports »). On avait déjà vu un ministère (dirigé par Lionel Jospin) dénommé « ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et des Sports » (du 12 mai 1988 au 22 juin 1988) puis « ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports » (du 28 juin 1988 au 15 mai 1991). Mais cette fois-ci, c’est l’Éducation nationale qui est ajouté au périmètre ministériel de la « Jeunesse, des Sports, et des Jeux olympiques»
Amélie Oudéa-Castéra n’est pas choisie pour contribuer au traitement effectif des problèmes de fond de l’Éducation nationale, mais pour qu’ils soient abordés dans la sphère politico-médiatique dans le contexte de Jeux olympiques, dans une atmosphère ‘’patriotique’’ en symbiose avec le « réarmement civique » prôné par le Chef de l’État Emmanuel Macron. Avec les ‘’valeurs’’ ad hoc : le dépassement de soi, le goût de l’effort, la discipline, la compétition avec ses hiérarchisations distinctives et méritocratiques dans une effervescence ‘’patriotique’’. On peut compter sur Amélie Oudéa-Castéra pour cela. Et Emmanuel Macron – qui a été dans la même promotion qu’elle à l’ENA – compte sur elle.
Onze des 31 ministres de l’Éducation nationale ont été professeurs. Il est remarquable qu’ils soient tous agrégés : quatre agrégés – du supérieur – en droit ou sciences politiques ; trois agrégés de lettres classiques, un agrégé de philosophie, deux agrégés d’histoire et un agrégé de géographie. Tout se passe comme s’il était hors de question que des enseignants d’un autre « rang » puissent être à la tête du ministère de l’Éducation nationale. Mais pour les non-enseignants, la licence (le plus souvent de droit) peut manifestement suffire, et elle est d’ailleurs le diplôme le plus souvent détenu dans ce cas de figure.
Mais on observera aussi les limites de la place des agrégés. D’un côté, onze agrégés et quatre énarques parmi les 31 ministres de l’Éducation nationale. De l’autre côté, à l’inverse, dix énarques (dont deux sont en même temps agrégés de lettres, Laurent Fabius et Alain Juppé) et l’agrégé de lettres classiques Georges Pompidou, parmi les 26 Premiers ministres. Ce n’est pas le même équilibre tout au sommet du gouvernement. Sans compter celui à la tête de l’État : un seul agrégé (Georges Pompidou) contre quatre énarques parmi les huit présidents de la cinquième République.
Cela fait seulement la quatrième fois qu’un(e) énarque est ministre de l’Éducation nationale (parmi les 31 ministres de l’EN qui se sont succédé sous la Cinquième République) : après Alain Peyrefitte, Jean-Pierre Chévènement, puis Lionel Jospin. On verra si Amélie Oudéa-Castéra, la deuxième femme ministre de l’Éducation nationale, laissera comme eux un nom dans l’histoire. Elle a déjà fait quelque bruit avec l’explication ahurissante pour une ministre en charge de l’Éducation nationale donnée au placement de ses enfants dans l’établissement privé huppé et très conservateur ‘’Stanislas’’ . Et on va voir l’assomption de sa partition ‘’olympique’’ dans le ‘’réarmement civique’’ et la ‘’régénération’’ prônées par le chef de l’État Emmanuel Macron.
Claude Lelièvre