« Le café pédagogique » entreprend une publication hebdomadaire du podcast Docs sur l’Éduc réalisé par Alain Barlatier, documentariste et ancien enseignant à Marseille. Docs sur l’Éduc, c’est un podcast en construction sur la pratique des métiers de l’éducation dans les quartiers populaires, sur l’histoire et les perspectives de l’éducation prioritaire. Il présente un regard croisé de chercheur·es, de militants syndicaux, de professeur.es et personnels exerçant en éducation prioritaire à Marseille et dans la région. Chaque semaine Alain Barlatier présentera un épisode de cette série que vous pourrez écouter directement à partir de notre site. Aujourd’hui, il donne la parole à Laurent Tramoni, professeur de mathématiques au collège Vieux-Port à Marseille (classé REP+) et militant syndical. Il s’agit, pour commencer, de faire un rapide historique de l’Éducation Prioritaire en France.
Depuis la fin des années 80, le budget de l’éducation est et reste le premier budget de la Nation. Pour l’année 2023, il se montait à 82 milliards d’euros (hors enseignement supérieur) pour un budget global de l’État de 432 milliards. Malgré cela, la France excelle dans le domaine des inégalités scolaires qui sont souvent le reflet des inégalités sociales. Marseille, dont près de 25 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté en est un exemple frappant.
C’est pour réduire ce grand écart scolaire que le dispositif « éducation prioritaire » a été imaginé en 1981 par le ministre de l’éducation de l’époque Alain Savary. Il s’agissait selon une vision humaniste de la politique et de la société de « donner plus à ceux qui en avaient le plus besoin », de réduire le nombre d’élèves dans les classes, de travailler en petits groupes pour tenter de résoudre la fracture scolaire afin de répondre d’une façon globale aux défis nouveaux de qualification de la population.
Pour cela il a bien fallu créer les postes d’enseignant·es et de personnel nécessaires, mettre en place des formations spécifiques, imaginer une pédagogie adaptée à un public en difficulté, fidéliser les personnels sur leur établissement ou école pour limiter un turn-over préjudiciable à l’obtention de ces objectifs.
Ces mesures ont concouru à la démocratisation de l’enseignement et à l’ouverture du second degré à un public scolaire qui s’en tenait éloigné (« 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat »)
Mais ces objectifs n’ont pas tous été atteints, loin s’en faut et restent toujours d’actualité.
Cela fait plus de 40 ans que ce dispositif existe. Il a été maintes fois remanié, mais force est de constater que le dualisme scolaire perdure et sans doute s’approfondit, malgré une massification de la scolarisation des adolescent·es et l’augmentation du taux d’accès et de réussite au baccalauréat.
La répartition des bacheliers entre baccalauréats général, technologique et professionnel est aussi le résultat de cette fracture dans un contexte où la voie d’excellence reste le bac général, où les mathématiques restent la discipline dominante renforcée par la dernière réforme du lycée. L’enseignement professionnel quant à lui attend toujours d’être valorisé et ce ne sont pas les dernières mesures annoncées qui vont y contribuer.
Ancien enseignant, l’auteur revient sur son terrain professionnel d’origine
Ce podcast se situe à la croisée de l’apport de la recherche en sciences sociales et sciences de l’éducation avec la riche expérience des praticien·nes de l’éducation prioritaire. Les propositions provenant des personnels, visant à améliorer le système éducatif sont rarement prises en compte. Pourtant elles relèvent du débat public et de l’engagement social.
Les sciences sociales et en particulier la sociologie appliquée au domaine de l’éducation permettent une approche globale du sujet et sont complémentaires de la démarche des sciences de l’éducation.
L’ambition de ce travail documentaire est de mettre en perspective ces deux disciplines et d’aborder de l’intérieur du système la réalité des métiers de l’éducation.
La parole de personnels du premier degré et du second degré exerçant ou ayant exercé en éducation prioritaire (comme c’était le cas pour les lycées), permet d’aborder le sujet sur le plan des pratiques pédagogiques adaptées à ce public scolaire.
Les apports des autres catégories de personnels membres de la communauté éducative (personnels de direction, assistantes sociales, AED, AESH, personnels de santé et d’orientation, agents régionaux des lycées…) sont aussi déterminants pour la formulation de propositions alternatives. Ces personnels font partie, dans la plupart des cas, de catégories hautement qualifiées et sont très souvent engagées au travers de leur pratique dans la réussite de tous les élèves de l’école publique.
L’auteur les questionne en tant que professionnel·les et aussi citoyen·nes sur les propositions qu’ils/elles ont à faire pour rendre le système plus efficient, permettant de résorber les écarts et inégalités scolaires existants et contribuer à la démocratisation de l’enseignement.
Pourquoi Marseille et pourquoi l’éducation prioritaire ?
Marseille est un condensé des problèmes politiques et sociaux que connait notre pays. De ce point de vue, la tentation d’en faire un laboratoire précurseur de politiques nationales est bien présente. Elle est d’ailleurs contenue dans le programme présidentiel « Marseille en grand, l’école du futur ».
En tant qu’observateur de la vie politique et sociale locale, l’auteur a entrepris depuis plusieurs années un travail de documentation et de recherche sur ce qu’est et ce que pourrait devenir la deuxième ville de France. Cette réflexion sur le volet éducatif en fait partie.
Il est impossible de parler du système éducatif à Marseille, sans aborder centralement l’Éducation prioritaire, compte tenu de la place qu’elle y occupe : 29 collèges (sur 56) sont classés REP ou REP+, soit la majorité́ des collèges publics de la ville, il en est de même pour 325 écoles du département.
Trois lycées généraux et technologiques émargeaient au dispositif éducation prioritaire ainsi que neuf lycées professionnels, essentiellement dans les quartiers nord de la ville et dans la vallée de l’Huveaune.
Marseille, ville du grand écart social mêlant extrême richesse et extrême pauvreté
Pour les Bouches du Rhône (à Marseille, le phénomène est accentué) le niveau de vie des plus modestes est inferieur à la moyenne nationale, alors que celui des plus aisés se situent au-delà de celle-ci. En 2020 plus de 6.200 ménages marseillais ont payé l’ISF (la moyenne de leur patrimoine était de 1,67 million d’euros), alors qu’un quart de la population phocéenne vit sous le seuil de pauvreté. Dans les 1er, 2e, 3e, 14e et 15e, arrondissements les taux de pauvreté sont supérieurs à 39 %. Ces cinq arrondissements figurent parmi les quinze communes (ou arrondissements municipaux pour Paris, Lyon et Marseille) les plus pauvres du pays. La pauvreté se situe dans les zones les plus densément peuplées alors que la partie sud de la ville et les communes limitrophes y échappent.
Pour écouter le premier Podcast d’Alain Barlatier, c’est par ici
si vous souhaitez le contacter directement, c’est à cette adresse : barlalain@gmail.com