Quel bilan de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale ? Pas brillant, voire inexistant selon les organisations syndicales. Si toutes reconnaissent qu’il était un excellent communicant, roi des « déclarations chocs », toutes estiment que son passage éclair à la tête de l’un des ministères les plus importants ne laissera d’autres traces que ces mêmes déclarations. Il avait promis en septembre dernier qu’il y aurait un « avant » et un « après » dans bien des domaines, tels que celui des remplacements des absences d’enseignants et enseignantes, force est de constater que ce n’est guère le cas.
C’est un mélange « d’amertume, de colère et de fatigue » que ressent Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU à la suite de la nomination de Gabriel Attal à Matignon. Elle retient l’image d’un homme « pressé qui s’est servi de l’école comme d’un tremplin ». « Je n’ai pas réussi à dormir la nuit dernière. J’en ai profité pour réécouter le discours que Gabriel Attal lors de la passation avec Pap Ndiaye. Il évoquait le ministère de l’Éducation nationale comme un ministère que l’on n’accepte pas par calcul, par ambition, ou stratégie. Il déclarait que la fonction de ministre de l’Éducation nationale ne peut être acceptée qu’avec envie et passion. Finalement, c’était du vent, le tourbillon de ses annonces médiatiques lui a servi à se construire une stature politique », nous confie-t-elle. « Il aura réussi à être le ministre de l’opinion publique, pas celui des personnels de l’éducation ».
« On aura un quatrième ministre en deux ans, cela montre la très grande désinvolture d’Emmanuel Macron pour le ministère de l’Éducation nationale, le ministère de l’avenir de la jeunesse ». « Combien de ministres va-t-il falloir pour que le Président prenne la mesure de la crise de l’éducation nationale, qui est dans un état de préeffondrement, à l’image de ce qui se passe à l’hôpital public ? » interroge la responsable syndicale.
Ce que retiendra la FSU-SNUipp, syndicat majoritaire des enseignants et enseignantes du premier degré, du ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, c’est « une ambition personnelle forte, plus forte que celle de servir l’Éducation ». C’est un ministre qui « n’a pas été un ministre de l’Éducation Nationale, mais un ministre de l’opinion publique ». « Durant ces cinq mois, il a tenu un discours traditionnel pour séduire un électorat de droite voire d’extrême droite » tacle le syndicat qui estime que tous les chantiers engagés l’ont été « contre les organisations syndicales majoritaires dont la FSU-SNUipp et donc contre la profession ». « Vouloir réformer l’école en quelques mois était un objectif bien prétentieux. Gabriel Attal aura non seulement méprisé l’expertise des enseignantes et enseignants, mais il aura aussi fait vivre un rythme effréné à l’école, surfant sur tous les sujets polémiques qui pouvaient le rendre populaire : port de l’abaya, tenue vestimentaire imposée, retour du redoublement. Des prétendues vérités ont été affirmées par le ministre, totalement déconnectées de la réalité du terrain. Or, l’Éducation a besoin de temps long, de se nourrir du terrain, de l’ensemble des travaux de la recherche et non d’une politique à court terme avec une succession de ministres et leurs lubies », ajoute le syndicat. Pour Guislaine David, porte-parole, le « passage éclair de Gabriel Attal ne lui aura servi que de marche pied à un avenir politique ». « On s’en doutait, mais on n’imaginait pas que cela serait si fulgurant ».
Pour le Se-Unsa, même si les désaccords avec Gabriel Attal étaient nombreux – la politique éducative restant celle de Macron, ce énième changement déstabilise encore un peu plus l’école. « Pour un président qui annonçait que l’école était sa priorité, ce nouveau départ et la nomination d’un troisième ministre en quelques mois est assez significatif de l’intérêt qu’il porte réellement à l’un des ministères les plus importants de notre Nation », nous dit Élisabeth Allan-Moreno. « On ne voulait pas changer de pilote une fois de plus, même si on ne voulait pas garder Gabriel Attal à tout prix, mais il faut reconnaître qu’il connaissait ses dossiers ». La secrétaire générale du syndicat regrette aussi que l’un des deux chantiers lancés par l’ancien ministre soit menacé par son départ. « Si on se serait bien passé de son chantier « Choc des savoirs », celui de l’attractivité est menacé. Le « choc des savoirs », c’est la feuille de route d’Emmanuel Macron, donc le prochain ministre continuera. Pour l’attractivité, qui est un chantier urgent – recrutement, revalorisation, formation…, c’est plus compliqué. Attal avait le poids politique pour aller chercher l’argent nécessaire… ».
Alors que le nouveau Premier ministre réaffirmait que « l’école est la mère de nos batailles », que l’école serait une de ses priorités à la tête du gouvernement lors de la passation avec Élisabeth Borne, quel sera le prochain ou la prochaine ministre de l’Éducation ? L’annonce devrait se faire dans les prochaines heures. Mais, d’ores et déjà, nous pouvons être assurés qu’il n’y aura pas de bonne surprise. La politique en matière d’éducation ne changera pas sous ce gouvernement…
Lilia Ben Hamouda