Claire Lommé, professeure de mathématiques en collège jusqu’en juillet dernier, est aujourd’hui coordinatrice ULIS. Elle partage son expérience avec les lecteurs et lectrices du Café pédagogique. Aujourd’hui, elle évoque les conseils de classe.
Cette semaine commencent les conseils de classe, dans le collège dans lequel je suis coordinatrice ULIS. C’est une expérience très différente de ce que j’ai vécu les années précédentes : les élèves du dispositif sont répartis dans 7 classes, mais je n’en ai jamais plus de 4 dans la même classe. Je vais donc aller de conseil en conseil, pour être présente lors de l’étude des cas de celles et ceux que je fais travailler dans le dispositif au quotidien.
C’est un moment important pour moi, que je ne veux pas manquer : je vais pouvoir, en étant présente, participer avec l’équipe d’enseignants de la classe d’inclusion, compléter leurs observations en apportant les éléments que j’ai récoltés de mon côté. C’est l’occasion de renforcer les liens et les échanges. Je vais en apprendre plus au sujet de ces jeunes gens, en particulier quant à leurs postures et comportements dans les différentes disciplines. J’ai déjà le retour des collègues AESH, mais plus je dispose d’informations, mieux c’est. Ma présence aux conseils de classe est importante aussi pour les élèves : ils et elles verront ainsi que les enseignants de leur classe de référence et la coordinatrice ULIS travaillent en collaboration. Dans mon collège, c’est déjà le cas, mais je ne suis pas certaine que les élèves s’en aperçoivent. Alors autant en profiter.
La question que plusieurs collègues coordinateurs se posent, en ce moment, est celle de la synthèse portée en pied de bulletin. Dans le cas d’élèves en enseignement ordinaire, cette synthèse est souvent élaborée en amont par le professeur principal, qui la rédige avant le conseil. Ladite synthèse est discutée et amendée en conseil, avec l’ensemble des enseignants et les différents professionnels présents (Perdir, CPE, copsy, etc.), jusqu’à ce qu’un consensus soit trouvé. Pour les élèves des dispositifs ULIS collège, c’est plus variable : dans certains établissements, c’est la personne qui coordonne le dispositif qui rédige la synthèse.
On comprend facilement pourquoi cela peut sembler légitime : le coordo connaît en effet très bien l’élève, dans des domaines disciplinaires variés. Il me semblerait incongru qu’il ne soit pas associé à l’élaboration de la synthèse, d’ailleurs. Mes bilans de compétences sont prêts, ainsi que mes propres synthèses par domaines du socle. Mais ma participation se place au même niveau que celle de tous les enseignants qui accueillent l’élève. Et sur le plan symbolique, il est particulièrement important que la synthèse soit portée par le conseil de classe dans son ensemble, et avalisée par le chef d’établissement : un élève qui bénéficie du dispositif ULIS dans un collège n’est pas juste un « ULIS ». C’est un ou une élève de 5e3, de 4eA ou de 3eCurie. Son appartenance à un groupe ne se réfère pas au dispositif ULIS, mais à sa classe de référence. Mais il y a là quelque chose qui doit encore souvent être déconstruit. Les élèves qui bénéficient du dispositif ULIS ne correspondent pas à un même type d’élève, avec un même type de besoins. On n’est plus en CLIS, qui étaient des classes. On est en ULIS, et le passage du « C » au « U » (pour unité) est crucial. Dans le dispositif ULIS se croisent des individualités variées, des acquis hétérogènes, et des parcours personnels. Et même si certaines difficultés nécessitent, par moment, l’intervention d’un professeur spécialisé, ces élèves appartiennent avant tout à une classe de référence, ordinaire.
Le conseil de classe et cette histoire de synthèse est un exemple de moment-clef, parce que c’est un temps partagé par toute l’équipe éducative. Si j’élabore la synthèse, si c’est moi qui l’écris, voire qui la signe (cela se fait dans certains établissements, semble-t-il), on ne voit plus que l’élève est affecté à une classe.
J’ai écrit plus haut « sur le plan symbolique », ce qui pourrait laisser à penser que tout cela est secondaire. Pourtant, non. Penser l’inclusion c’est penser l’accessibilité avant de penser la compensation. On dépasse le symbole ou la philosophie : il s’agit de changer les regards pour changer des pratiques et donner vraiment accès. Et cela ne doit pas s’arrêter à l’école.
Claire Lommé