Qui trop embrasse , mal étreint ? Le rapport des députées Graziella Melchior (Renaissance) et Francesca Pasquini (écologiste) sur « l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques » apporte des informations uniques sur le bâti scolaire. Mais en voulant s’attaquer à cette question globale sous tous ses angles, les députées n’évitent pas la multiplication des propositions. Avec pas moins de 109 recommandations les points forts se noient dans les points de détail. Au final, peu de mesures concrètes sur les points les plus urgents. Malgré la gravité de la question, les injonctions pointilleuses envoyées aux équipes éducatives sur des détails risquent d’être mal accueillies.
Une véritable situation d’urgence
« Les bouleversements climatiques se traduisent en France par une augmentation générale de la température ainsi que par des canicules plus nombreuses, pouvant désormais être observées dès le mois de juin et jusqu’au mois de septembre, et empiétant donc sur le calendrier scolaire« , écrivent les rapporteures. « Météo France considère que les vagues de chaleur font partie des « évènements climatiques les plus préoccupants au regard de la vulnérabilité de nos sociétés et de l’augmentation attendue de leur fréquence et leur intensité au XXIe siècle ». Toujours selon Météo France, « leur fréquence et leur intensité devraient augmenter au cours du siècle, avec un rythme différent entre l’horizon proche (2021-2050) et la fin de siècle (2071-2100). La fréquence des événements devrait doubler d’ici à 2050. En fin de siècle, ils pourraient être non seulement bien plus fréquents qu’aujourd’hui mais aussi beaucoup plus sévères et plus longs, avec une période d’occurrence étendue de la fin mai au début du mois d’octobre »« . Or quand il fait trop chaud (au delà de 28°C) ou trop froid, les performances scolaires diminuent. La loi, pour le moment , n’impose aucune limite en ce domaine.
Un bâti scolaire vétuste
« Le parc global est en mauvais état« . La question du bâti scolaire est celle où les députées étaient attendues. Elles constatent la rareté des informations sur ce sujet. La suppression de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements scolaires et son remplacement par un simple bureau du ministère n’y est pas pour rien. Les députés soulignent la rareté des informations sur l’état du bâti scolaire et sur son adaptation au changement climatique alors que le risque climatique est très important.
Les rapporteures estiment que 10% du parc de bâtiments scolaires est vétuste et seulement 14% est adapté au changement climatique (bâtiments basse consommation). La moitié du parc remonte à avant 1914. Cela pèse déjà sur les finances locales . Ainsi la facture énergétique des lycées des 11 régions françaises est passée de 271 millions en 2021 à 388 millions en 2022.
Pas d’obligation immédiate pour le bâti scolaire
La rénovation de tous les bâtiments scolaires couterait environ 50 milliards, sans compter les aménagements des alentours (comme la généralisation des cours vertes « oasis »). En 2023, l’Etat a lancé un Plan Vert de 2 milliards. Les rapporteures soulignent la complexité d’accès aux sources de financement pour les petites collectivités locales et aussi leurs difficultés pour s’emparer de dossiers techniques.
Les rapporteures font pas moins de 24 recommandations sur le bâti scolaire. Elles demandent de recenser les établissements les plus menacés, de rendre obligatoire le diagnostic de performance énergétique pour tous les locaux scolaires et d’établir un diagnostic précis sur les besoins de rénovation du parc avec un plan dès 2024 « confort d’été » pour rafraichir les bâtiments scolaires. Elles souhaitent aussi végétaliser toutes les cours de récréation (1er et 2d degré) et multiplier les capteurs de Co2. On ne voit pas, avec ces recommandations, comment la situation réelle des bâtiments scolaires pourrait s’améliorer concrètement à court terme alors que l’urgence est là. Enfin si : les rapporteures recommandent d’allonger les vacances d’été…
Des recommandations tous azimuts
Mais les rapporteures ne s’en tiennent pas au bâti. La grande masse des recommandations concerne des points que beaucoup jugeront moins urgents. Les députés multiplient les recommandations pédagogiques. Elles s’occupent aussi des transports scolaires, des cantines, des ampoules, de l’eau de pluie, du tri etc.
Concernant la pédagogie, les députées rendent hommage aux changements de programme de 2020 et 2023, alors même que certaines disciplines, les SES par exemple, les jugent insuffisants. Les rapporteures demandent « une évaluation sur la mise en œuvre, à tous les stades de la scolarité, de l’éducation au développement durable« . Elles veulent que chaque écolier participe « à un projet éducatif lié à une thématique environnementale dès la maternelle, chaque année en primaire, puis a minima une fois au collège et une fois au lycée » avec une validation de parcours en 3ème et demandent des référents EDD dans chaque école et établissement. Elles demandent une demi-journée par semaine obligatoire de classe dehors au primaire chaque semaine. C’est une pluie d’injonctions sur les équipes éducatives. Et ce n’est pas terminé !
Car il y a aussi des recommandations pour les transports et l’alimentation. Le rapport veut rendre le vegan obligatoire avec deux menus végétariens par semaine et une alternative végétarienne chaque jour. De même les établissements scolaires seront incités à faire des plans mobilités et à favoriser le vélo.
La question environnementale est bien une question globale. Et le rapport voit tous les aspects de la question. Mais finalement il échoue à définir un plan d’action simple sur le bâti scolaire et respectueux des personnels.
François Jarraud