La table ronde sur l’intelligence artificielle au 12ème Forum des Enseignants Innovants de Poitiers a rassemblé 4 enseignants qui utilisent l’IA en classe. Animés par Jean-Michel Le Baut du Café pédagogique, les échanges permettent d’entrevoir les possibles de ces technologies mais aussi les nouveaux défis qui s’annoncent aux enseignants. Un focus a également été fait sur MIA seconde, l’application qui sera disponible pour tous les élèves de 2nde en septembre 2024 en maths et en français.
Que faire de l’IA en classe ?
Claire Doz, enseignante de français à la cité scolaire de Paul Valéry, a testé le tableau de bord de la solution Adaptiv’Langue. « Pour faire des groupes, l’outil nous fait gagner du temps. Par contre, ce qui m’inquiète, c’est que le prof de français soit catalogué seulement prof de grammaire et d’orthographe ». L’enseignante explique son tâtonnement à bien utiliser l’outil d’IA au service de son objectif principal « faire mieux lire et faire mieux écrire. ». En parallèle, dans un projet en classe de 1ère, Claire Doz fait concevoir des autoportraits vidéos d’Arthur Rimbaud. « L’IA anime la photo et les élèves écrivent le portrait du poète » avec les citations classées par Chat GPT.
De son côté, Lætitia Allegrini, professeur en lycée professionnel engage ses élèves en CAP à concevoir une unité conversationnelle pour utiliser une machine. « Dans le cadre de leur chef d’œuvre, ces chatbot peuvent répondre à des besoins en fournissant des instructions, des consignes de sécurité, des vidéos de gestes techniques, des conseils pour code erreurs. Ces unités conversationnelles fonctionnent avec l’utilisation de mots clés ».
Après avoir fait eux-mêmes leur base de données sur le jeu pierre-feuille-ciseau, les élèves de Frédéric Delanoue, professeur de technologie et de NSI, ont crée un algorithme et en ont fait un jeu pour y jouer contre l’ordinateur. « Mais avec l’algorithme et la base de données étaient figées ! ». Dans un second temps, ses élèves ont cherché une application utile avec l’IA. « Ils ont choisi la rééducation post-AVC. Des contacts ont été pris au niveau de l’ARS ».
Quel regard critique sur l’IA ?
« L ‘Unesco préconise de montrer aux élèves comment fonctionne l’IA pour leur montrer que ce n’est pas une boîte magique », rappelle Sébastien Chabaud du lycée Léon l’africain de Casablanca. « Si l’on fait rentrer de mauvaises informations dans l’IA, alors elle pourra être raciste, homophobe et sexiste ».
Pour développer l’esprit critique de ses élèves, l’enseignant a conçu un géographe virtuel. « Ce bot répond à des questions de géopolitique que je n’ai pas le temps de traiter en classe. Les élèves doivent alors confronter ce que dit l’IA à d’autres sources d’informations ».
A quand l’application MIA pour les lycéens ?
Annoncée officiellement par le ministre Gabriel Attal, l’application nommée MIA seconde sera proposée à tous les élèves entrant au lycée à la rentrée 2024. Initialement prévue pour octobre 2023, l’application et sa base de 20 000 exercices en maths et en français seront hébergées en France chez Docaposte. « L’outil est une rencontre entre l’intelligence artificielle et les sciences cognitives » indique Thierry de Vulpillières, cofondateur de la société Evidence B. « 200 000 lycéens testeront l’application en février 2024. Après une étude d’impact, ce seront tous les élèves de seconde qui y auront accès en septembre ».
Concrètement, après les tests de positionnement effectués à la rentrée, les élèves seront sollicités pour effectuer des exercices adaptés à leur niveau. « L’application propose aussi test de profilage en 15 questions pour avoir la compréhension la plus fine de l’élève ». Un travail en binôme sera aussi possible avec la nouvelle application avec un mode duo. « Il s’agit d’un algorithme d’apprentissage par renforcement », indique Thierry de Vulpillières. « Il existe des algorithmes qui n’enferment pas du tout les élèves mais qui font progresser. Ces algorithmes sont établis par des experts de la discipline ».
Pour terminer la conférence, Jean-Michel Le Baut pose la question de la triche avec l’IA. « Par exemple pour un exposé, l’IA me donne toutes les informations et certaines IA peuvent même concevoir le diaporama complet. Comment évaluer ? ». Claire Doz conseille d’évaluer les traces et la démarche des élèves. « J’aime quand les élèves me présente les outils qu’ils utilisent et la démarche qu’ils effectuent. Ce n’est pas évident à corriger », concède l’enseignante. Des captures d’écran pour voir l’évolution du travail de l’élève peuvent être une solution. Lætitia Allegrini conseille les enseignants de conditionner l’IA pour élaborer leur grille d’évaluation. « Finalement, on a un travail à imaginer avec les élèves sur comment améliorer les productions ratées de l’IA ? », conclut Jean-Michel Le Baut.
Julien Cabioch