Samedi 2 décembre dernier, l’OZP organisait la journée d’étude : « L’école est-elle un service public ou est est-elle au service des publics ? ». L’occasion pour l’observatoire des Zones Prioritaires, référence en matière de politique d’éducation prioritaire, de donner la parole à différents chercheurs. Le Café pédagogique vous propose un court compte-rendu de cette journée riches en échanges.
La publication des IPS des écoles et collèges a permis à chacun de constater la réalité des formes de séparatisme social développées entre l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat mais également au sein même de l’enseignement public. Cette publication a donné lieu à l’expression, largement relayée médiatiquement, de tous ceux qui souhaitent préserver leurs avantages de classe sociale en maintenant les formes actuelles de séparatisme voire en les développant au nom de la promotion de la réussite individuelle dans un contexte de marché scolaire. Et dans le même temps, l’éducation prioritaire continue d’être dans un angle mort de la politique ministérielle.
En introduction Marc Douaire, président de l’OZP, a rappelé que depuis de nombreuses années l’association demande un bilan de la réforme de l’éducation prioritaire. En vain. Il a aussi évoqué le contexte d’après-covid qui, selon l’association, a changé le rapport des familles à l’école. « La publication des IPS a révélé la réalité de la ségrégation sociale et scolaire organisée, prive /public. Les classe sociales veulent maintenir leur privilèges pour leurs enfants » a-t-il affirmé. « L’éducation prioritaire reste un angle mort de la politique ministérielle. Depuis 2017, rien n’est dit pour une politique d’émancipation malgré des annonces quotidiennes ».
« L’École augmente-t-elle les inégalités ? »
Louis Maurin, le directeur de l’observatoire des inégalités, a souligné l’élévation massive des qualifications, l’augmentation du temps de formation des enfants d’ouvriers diplômés. Il a dénoncé la critique de la politique sociale, «erreur de la gauche» et a rappelé le taux de décrochage de la France, plus bas que la moyenne. Pour Louis Maurin, l’élève français, qui a peur de se tromper, entre tôt dans les apprentissages de la lecture et écriture et doit faire face à beaucoup d’implicite et d’évaluation. « L’École est confrontée aux inégalités sociales, à l’absence de logement des élèves, à un niveau de vie des familles qui ne progresse plus avec l’inflation » explique-t-il. « Et ces inégalités sociales ont des effets, comme le rapport de Jean-Paul Delahaye sur la grande pauvreté le montre ». «L’école est percutée par l’élément social des habitus » ajoute-t-il tout en précisant qu’il faut aussi « se méfier de l’intériorisation des inégalités, notamment dans l’orientation à laquelle les enseignants doivent donc être vigilants ».
Égalité des chances et action publique
Le sociologue Choukri Ben Ayed a quant à lui parlé des disparités territoriales en matière d’éducation et du poids des origines sociales dans les résultats scolaires, qui posent la question de l’égalité des chances et de l’action publique. La question du déploiement des moyens est donc importante a-t-il affirmé. Tout en rappelant la crainte parfois formulée contre la politique de mixité sociale qui tuerait l’éducation prioritaire. « Faudrait-il choisir entre maintenir l’éducation prioritaire ou lutter contre la ségrégation ? » interroge-t-il. « L’éducation prioritaire est vouée à disparaître, elle n’a d’ailleurs connu aucune réforme structurelle mais uniquement des circulaires. L’éducation prioritaire est donc – depuis – toujours sur la sellette. Cette situation crée de l’insécurité chez les personnels dans un contexte de mutation complexe et contraint ».
Pour Choukri Ben Ayed, l’enseignement privé est un écueil à la politique de mixité sociale, sans en avoir la responsabilité exclusive. Il rappelle notamment que certains établissements publics sont aussi rétifs à changer la carte scolaire. « C’est une question idéologique, libérale, de mise en concurrence et de libre choix », conclut-il.
« À quelles conditions, l’éducation prioritaire peut-elle contribuer à la lutte contre les inégalités ?»
L’intervention de Marc Bablet, ancien chef du bureau de l’éducation prioritaire, a permis de contextualiser la place de l’éducation prioritaire et son objectif de démocratisation scolaire. « L’éducation prioritaire a créé des dynamiques positive avec une approche holistique » a-t-il argumenté en mettant l’accent sur la question sociale et la question de classe. « La mixité travaille à donner de l’importance à chacun ».
L’ancien IA-IPR a dressé un bilan de la politique du gouvernement en faveur du privé avec la loi Blanquer 2019 qui est venue financer la maternelle de l’enseignement privé. « Au cours du temps, l’attractivité du privé s’accroît pour les familles favorisées et crée de fait un séparatisme social. Les pauvres, eux, ne choisissent pas! ». «L’OZP demande que l’éducation prioritaire soit vraiment prioritaire», a-t-il poursuivi. « Si l’Éducation prioritaire est vraiment prioritaire, alors elle devrait l’être pour tout et donc également pour les remplacements de professeurs ».
Pour l’OZP, rien n’est possible sans les acteurs de l’éducation prioritaire, ni sans une réflexion de fond partagée pour définir une politique nationale. « Nous croyons au collectif » a déclaré Marc Bablet en rappelant l’objectif d’émancipation pour tous, de la réussite de tous, de la mixité tout comme l’importance de la formation et à des contenus adaptés aux métiers. «Nous ne voulons pas d’une école qui sépare, qui stigmatise ».
Djéhanne Gani