Si la droite semble plutôt satisfaite des annonces de Gabriel Attal, les syndicats ne décolèrent pas. Pour Les Républicains, le ministre ne va pas assez loin, pour une grande majorité des syndicats – en tout cas les plus représentatifs, il va trop loin. Méthodes du passé, insincérité, danger démocratique… sont les qualitatifs usités par les représentants syndicaux.
Guislaine David, porte-parole de la FSU-SNUipp, se dit catastrophée, « ce n’est pas avec des méthodes du passé que l’on changera l’école et que l’on réduira les inégalités scolaires » nous dit-elle. « La recherche, et notamment le CNESCO, a montré qu’à niveau égal, le redoublement était plus souvent proposé aux élèves de milieu défavorisé. C’est donc un facteur de creusement des inégalités. Les mesures annoncées organisent le tri social à l’école ». Quant à la légitimité de la consultation des enseignants, la responsable syndicale questionne le dispositif. « Le lien était public et on pouvait participer autant de fois que l’on voulait… ». « Notre ministre organise une réforme en profondeur du système au détriment des élèves et des enseignants », conclut-elle.
« Quand on met en cohérence tout ce patchwork d’annonces, on est face à un renoncement à l’augmentation générale de qualification » alerte Sophie Vénétitay du Snes-FSU. « D’un point de vue démocratique, c’est très grave. Le ministre met en place une réforme qui va aggraver les fractures, qui va à assigner les élèves à leur position sociale et donc nourrir un ressentiment social. Dans le contexte de crise démocratique actuel, c’est inquiétant, c’est presque jouer aux apprentis sorciers avec notre démocratie ».
Sur le brevet sésame du passage au lycée, la secrétaire générale du Snes-FSU déplore le message envoyé aux élèves. « On leur dit que potentiellement leur scolarité va s’arrêter là, à la fin de la troisième ? On ne sait rien – et le ministre n’a pas l’air d’en savoir plus – sur les prépas lycée… Pour nous qui portons l’idée que tous les élèves peuvent atteindre l’un des trois lycées, c’est problématique ». « La disparition des correctifs académiques fait disparaitre les péréquations et accroitre les inégalités », complète-t-elle. « Ce n’est pas le choc des savoirs, mais le choc des annonces qui va être confronté au réel. Un réel sans ambition pour l’école, sans moyens ».
« C’est déplorable. Autant le fond est déplorable, autant la forme l’est aussi » s’agace Elisabeth Allan-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. « Il y a une forme d’insincérité. Dans sa lettre, il embarque les enseignants dans son projet comme si nous étions demandeurs de cette révolution, comme si on partageait ses constats. Il présente certaines mesures comme reconnaissant l’autorité et le travail des personnels, alors que ses objectifs ne sont pas partagés par les enseignants et enseignantes. Lorsqu’il parle de redonner le pouvoir sur le redoublement, ce n’est pas une demande des collègues. Quand il dit qu’on aura la main sur les résultats, sans correctifs, on sait au contraire que ces derniers sont indispensables. Comment savoir si notre notation est juste, si notre notation ne risque pas d’avantager ou désavantager les élèves ? On a besoin de réfléchir en collectif, la disparition des correctifs empêche ces temps d’échanges entre professionnels. Les décisions sont toujours mieux prises en équipe, dans le collectif ».
D’un point de vue plus général, la secrétaire générale voit dans toutes ces annonces que le « parcours de l’élève est dorénavant sanctionné ou conditionné, cela renvoie une image d’une école qui est davantage là pour montrer à l’élève ce qu’il ne sait pas faire plutôt que ce qu’il sait faire ». « C’est très destructeur en matière d’estime de soi. C’est tout de même assez contradictoire avec tout le discours du ministre en la matière », ajoute-t-elle. Quant aux manuels scolaires labélisés, pour Élisabeth Allan-Moreno, c’est priver les enseignants de la possibilité d’adapter leur pédagogie aux besoins des élèves.
Seul syndicat à afficher sa satisfaction, le Snalc. « Mettre en œuvre des groupes à effectifs réduits, revenir à des programmes annuels à l’école et au collège, redonner un pouvoir de décision aux professionnels que nous sommes et prévoir une propédeutique à l’entrée au lycée pour les élèves n’ayant pas obtenu le brevet sont des mesures qui correspondent à des attentes majoritaires de la profession et à des demandes du SNALC (….) De même, notre projet de collège modulaire, qui fête ses 10 ans, a visiblement été lu pour la première fois par notre administration », écrit-il dans un communiqué.
Quant à la sphère politique, c’est par la voie de Max Brisson que la droite se dit plutôt satisfaite même si elle estime que Gabriel Attal ne va pas assez loin. Si ces mesures vont dans le bon sens, elles « ne suffiront pas si elles ne sont pas accompagnées d’une réforme en profondeur de la formation des professeurs, en particulier celle du premier degré qui doit être séparée de celle du second degré, et de la restauration des moyens l’autorité des professeurs, qui doivent également disposer de plus d’autonomie et de liberté » déclare le secrétaire national Les Républicains.
Lilia Ben Hamouda