Les très mauvais résultats de Pisa 2022 reflètent aussi une dégradation du rapport à l’Ecole. De nombreux enseignants nous en avaient parlé. L’OCDE l’établit. L’indiscipline est plus forte dans l’Ecole française que dans les autres pays. Les outils numériques n’arrangent pas les choses. Pire encore : l’OCDE confirme un éloignement de certains parents par rapport à l’Ecole.
Moins d’anxiété et plus de bonheur
Commençons par les bonnes nouvelles. Si les élèves français sont plutôt heureux dans leurs établissements, note l’OCDE. » L’échelle de satisfaction de la vie mesurée par le PISA 2022, va de 0 à 10. Un élève est considéré comme satisfait à l’égard de sa vie s’il se situe entre 7 et 10 sur l’échelle de satisfaction de la vie… La satisfaction des élèves en France, avec un score moyen de 6,77 sur 10, se situe au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE (6,75 sur 10) ». A noter quand même la hausse du pourcentage d’élèves se déclarant insatisfaits de leur vie : 16% en 2022 contre 7% en 2015. Mais cela concerne 18% des élèves en moyenne dans l’OCDE en 2022.
« Les élèves en France sont plutôt heureux dans leurs établissements scolaires », poursuit l’OCDE. « Ils déclarent par exemple qu’ils entretiennent de bonnes relations avec leurs camarades de classe. En 2022, 80 % des élèves en France ont déclaré se faire facilement des amis à l’établissement (moyenne de l’OCDE : 76 %) et 73 % se sentir à leur place à l’établissement (moyenne de l’OCDE : 75 %). En revanche, 15 % d’entre eux déclarent se sentir seuls à l’établissement et 25 % se sentir comme des étrangers à l’établissement ou exclus de certaines choses relatives à la vie de l’établissement (moyenne de l’OCDE : 16 % et 17 %). Par rapport à 2018, le sentiment d’appartenance des élèves à leur établissement s’est amélioré en France ». C’est d’autant plus notable que 9% des élèves français déclarent avoir sauté un repas chaque jour ou presque chaque jour au cours du mois précédant l’enquête. Un nombre plus important que la moyenne OCDE (8%).
La principale bonne nouvelle c’est la baisse du niveau d’anxiété en maths. » En 2003 et 2012, les deux années avant 2022 où les mathématiques étaient le domaine principal du test PISA, les élèves de 15 ans en France étaient parmi les plus anxieux des pays de l’OCDE vis-à-vis des mathématiques. La situation est différente en 2022 avec cette fois un niveau d’anxiété au niveau de la moyenne OCDE », note l’Organisation.
La fuite des parents ?
Mais la médaille a son revers. Plus d’élèves se sentent perdus quand ils essaient de résoudre un problème en maths (43% en 2012 et 46% en 2022). Seulement cela les tracasse moins. « Une moins forte proportion d’élèves en 2022 (par rapport à 2012) s’inquiètent souvent en pensant qu’ils rencontreront des difficultés en cours de mathématiques (59 % en 2022 contre 65 % en 2012). Ils sont également moins nombreux en 2022 à s’inquiéter à l’idée d’avoir de mauvaises notes en mathématiques (64 % en 2022 contre 73 % en 2012) et à être tendus quand ils ont un devoir de mathématiques à faire (34 % en 2022 contre 51 % en 2012) », note l’OCDE.
Un des apports de Pisa 2022 c’est de montrer que le rapport à l’Ecole change aussi chez les parents. » Les données PISA recueillies auprès des principaux/proviseurs montrent que le pourcentage de parents impliqués dans l’établissement et l’apprentissage a considérablement diminué entre 2018 et 2022 dans de nombreux pays/économies. C’est également le cas en France. En 2022, 24 % des élèves étaient scolarisés dans des établissements dont le directeur a déclaré qu’au cours de l’année scolaire précédente, au moins la moitié de toutes les familles ont discuté des progrès de leur enfant avec un enseignant de leur propre initiative (et 43 % à l’initiative de l’enseignant). En 2018, le chiffre correspondant était de 36 % (et 62 %) », note l’OCDE. Or cette évolution a un impact sur les résultats qui est constaté par l’OCDE. Des enseignants nous signalent que des parents refusent de prendre l’établissement au téléphone. C’est confirmé par Pisa.
Trop d’indiscipline
Tout cela rejoint le constat d’un mauvais climat disciplinaire en France. Il y a plus d’élèves en France qui déclarent ne pas pouvoir bien travailler durant le cours de maths (29% contre 23% dans l’OCDE). » Dans la même veine, 42 % des élèves déclarent en 2022 que leurs camarades n’écoutaient pas ce que disait le professeur (moyenne OCDE : 30 % des élèves) et 39 % que le temps d’apprentissage était réduit car l’enseignant devait attendre longtemps que les élèves se calment. après le début du cours (moyenne OCDE : 25 %). Enfin, un élève sur deux déclare en France qu’il y avait du bruit et du désordre dans la plupart ou dans tous les cours (moyenne OCDE : 30 %) ». Sur ces points on observe une dégradation depuis 10 ans. Et cela contribue à augmenter l’écart entre les établissements favorisés et les autres.
Les retards sont aussi préoccupants même s’ils sont moins nombreux qu’en 2018. » En France, seuls 13 % des élèves de 15 ans avaient séché au moins une journée entière de cours durant les deux semaines précédant le test PISA 2022, soit moins que la moyenne de l’OCDE qui est de 20 %. Cependant, 26 % des élèves en France ont déclaré avoir manqué quelques cours (moyenne OCDE : 22 %), et 50 % sont arrivés en retard à l’établissement pendant la même période (moyenne OCDE : 45 %) ».
La violence scolaire inquiète
La violence scolaire reste plus importante en France que dans la moyenne OCDE. 9% des élèves rapportent qu’ils sont fréquemment victimes de violence contre 8% en moyenne dans l’OCDE. Cela concerne plus souvent les filles que les garçons et les élèves des zones rurales que des zones urbaines.
Une intrusion mal maitrisée du numérique
L’intrusion du numérique a un impact dans tous les systèmes éducatifs et aussi en France. » En France, 30 % des élèves de 15 ans déclarent être distraits par l’utilisation d’appareils numériques (smartphones, sites web, applications) à la plupart ou presque tous les cours de mathématiques (même moyenne dans les pays de l’OCDE) et 27 % déclarent être distraits par d’autres élèves qui en utilisaient pendant les cours (moyenne OCDE : 25 % des élèves). Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux du Japon (5 % d’élèves distraits par l’utilisation d’appareils numériques et 4 % par d’autres élèves qui en utilisaient), ou de la Corée (9 % d’élèves distraits par l’utilisation d’appareils numériques par soi-même ou par d’autres élèves) », note l’OCDE.
Le numérique est-il pour autant à bannir ? L’OCDE note que l’interdiction des smartphone augmente le stress des élèves. Il évalue que la surutilisation du numérique nuit aux apprentissages. Mais que la sous utilisation est nuisible aussi.
» En France, les élèves qui ne passaient pas de temps sur des appareils numériques pour des activités d’apprentissage à l’école ont obtenu 470 points en mathématiques en 2022 (21 % des élèves étaient dans cette catégorie). Les élèves qui passaient jusqu’à une heure par jour sur des appareils numériques pour des activités d’apprentissage à l’école (36 % des élèves) ont obtenu 28 points de plus en mathématiques que les élèves qui n’y passaient pas de temps en France (moyenne OCDE : 25 points). Même en tenant compte du profil socio-économique des élèves et des écoles, l’écart est de 11 points et cette relation positive est observée en France comme dans plus de la moitié des systèmes dont les données sont disponibles (moyenne OCDE : 14 points). Cependant, toujours en France, les élèves qui passaient entre une et deux heures par jour sur des appareils numériques pour des activités d’apprentissage à l’école en 2022 (22 % des élèves) ont obtenu un score inférieur de 17 points à celui des élèves qui y passaient jusqu’à une heure par jour (moyenne OCDE : 5 points de moins), et la différence était toujours de 14 points après prise en compte du profil socio-économique des élèves et des écoles (moyenne OCDE : 4 points de moins) ».
Comment Gabriel Attal s’emparera-t-il de ces sujets ? Jusque là il a promis « le bonheur » dans les établissements. Il reste du chemin à faire…
François Jarraud