Le niveau des collégiens français s’affaisse t-il ou se redresse t-il ? Les résultats de Pisa 2022, la grande étude internationale portant sur les jeunes âgés de 15 ans, seront connus mardi 5 décembre et le Café pédagogique en rendra compte dans la matinée. Aujourd’hui, on peut revenir sur les résultats de Pisa 2018 pour estimer les chances d’une amélioration et celles d’une aggravation du décrochage. Et, comme les maths sont la discipline reine de l’édition 2022 de Pisa, on peut aussi revenir sur Timss 2019. Que nous ont-ils appris de l’Ecole française ? Les gouvernements Macron ont-ils tenu compte de ces enseignements ?
La bonne nouvelle de Pisa 2018
Pisa 2018 a été plutôt une bonne nouvelle. Après des années de chute en maths et en sciences, 2018 voit un léger redressement. Les résultats de la France se situent dans la moyenne des pays de l’OCDE, et même un peu au dessus de la moyenne. En compréhension de l’écrit, l’épreuve phare de ce Pisa 2018, la France a 493 points, soit mieux que la moyenne de l’Ocde(487 points). Elle est au même niveau que l’Allemagne, le Portugal ou la République tchèque. En maths, la France obtient 495 points, légèrement au dessus du niveau de l’OCDE (489 points). On est au même niveau que l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Australie. En sciences, dernier domaine évalué, on obtient 493 points contre 489 pour la moyenne Ocde. Dans ces 3 domaines le score de 2018 est stable depuis 2003 en lecture et maths, 2000 pour les sciences. Tout au plus relève-t-on une légère baisse de niveau des meilleurs élèves en sciences. Globalement la baisse des résultats qui était apparue sur la première décennie est enrayée, y compris en maths.
Et ses limites…
La mauvaise nouvelle c’est que pour autant les inégalités sont toujours là. D’abord inégalités scolaires. Comme en 2015 on compte environ 20% d’élèves en grande difficulté contre 10% de jeunes très performants. C’est un peu moins de jeunes ne difficulté que la moyenne de l’OCDE mais des pays comme le Royaume Uni ou l’Irlande en ont nettement moins. Le quart des élèves français les plus faibles sont au niveau de la Turquie quand le quart le plus fort se hisse à celui de la Finlande ou du Canada. Surtout ce qui caractérise la France c’est le lien entre inégalité scolaire et sociale. » La France est l’un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socio-économique et la performance dans PISA est le plus fort avec une différence de 107 points entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé. Cette différence est nettement supérieure à celle observée en moyenne dans les pays de l’OCDE (89 points)« , écrit l’OCDE. 107 points c’est presque trois années de scolarité d’écart. Seuls Israël ou le Luxembourg font pire.
Le désastre de Timss 2019
En 2019, l’enquête TIMSS, portant sur les maths, est plus sévère pour la France. En 4ème, la France a un score de 483 points ce qui nous met en dessous des moyennes de l’OCDE et de l’Union Européenne (511). Seuls la Roumanie, dans l’UE, et le Chili, dans l’OCDE, font pire que nous. On trouve un très faible nombre d’élèves très bons : 2% (contre 11% dans l’UE) ou de niveau élevé : 17% (contre 34% dans l’UE). Nos élèves ont presque une année de retard par rapport à leurs camarades des autres pays européens ou de l’OCDE. Par rapport à 1995, avant dernière année de participation de la France dans TIMSS en 4ème, la chute est très brutale : en 1995 les collégiens français avaient un score moyen de 530 points !
Quels facteurs pèsent sur le niveau des jeunes Français ?
Que pointaient les équipes de Pisa et de Timss ? D’abord le lien entre inégalités sociales et niveau des élèves français. » Environ 20 % des élèves favorisés, mais seulement 2 % des élèves défavorisés, sont parmi les élèves très performants en compréhension de l’écrit en France (au niveau 5 ou 6) pour des proportions respectives de 17 % et 3 % en moyenne dans les pays de l’OCDE« , écrivait l’OCDE, organisatrice de Pisa. En France joue aussi la très forte concentration des élèves défavorisés dans les mêmes établissements. C’est aggravé par la montée de la pauvreté dans le pays. En 2018 l’OCDE notait que l’Ecole avait réussi à maintenir le niveau scolaire malgré la hausse de la population située sous le seuil de pauvreté de 13% en 2004 à 14% en 2017. TIMSS a établi le lien entre le niveau en maths et l’équipement éducatif des familles. Entre le collège qui compte très peu d’élèves défavorisés et celle qui en compte beaucoup l’écart est de 510 à 463 points en 4ème, soit plus d’une année d’enseignement.
L’OCDE recommandait davantage de mixité sociale dans le système éducatif. « »Il faut éviter de créer des établissements scolaires très défavorisés » disait l’Organisation. « La plupart des pays qui allient équité et performance scolaire sont des pays où les écarts entre établissements sont faibles ».
Qu’ont fait les ministres d’E. Macron ?
G Attal devrait s’exprimer juste après la publication des résultats de Pisa. Il ne manquera probablement pas de pointer l’effet du covid. Celui-ci a affecté le lien entre les familles et l’Ecole.
Mais, depuis Pisa 2018 et Timss 2019, on ne constate pas d’améliorations sur des points essentiels et qui touchent à la politique éducative. Les orientations, sous N Vallaud Belkacem, pour mettre davantage de mixité sociale dans les collèges et lycées ont été stoppées par JM Blanquer. Pap Ndiaye a tenté de relancer la dynamique, par exemple en signant un accord peu contraignant avec l’enseignement catholique. Il semble que ce soit la raison de son éjection si l’on en croit les propos de G Attal contre le collège unique et en faveur de classes de niveau. Il n’y a pas eu davantage d’efforts pour réduire la pauvreté. Elle se maintient à près de 15% de la population.
Pire, depuis 2018 les créations de postes pour assurer les dédoublements dans le premier degré sont financées par des suppressions de postes équivalentes dans le second degré, particulièrement en collège. Il est à craindre que ces suppressions de postes aient des effets négatifs sur les résultats des jeunes testés dans Pisa, ceux qui sortent du collège.
Il n’y a pourtant pas de fatalité dans les mauvais résultats de Pisa. Dans certains pays, Pisa a poussé des gouvernements à des réformes d’ampleur avec des résultats visibles dès 6 ans et nettement au bout de 10 ans. On connait l’exemple de l’Allemagne où le Pisa Choc a eu de l’effet même sur un système éducatif totalement décentralisé. En France, 6 ans après l’arrivée d’E Macron au pouvoir, les réformes éducatives défilent. On saura mardi 5 décembre si elles ont eu de l’effet. Rendez-vous à 11 heures…
François Jarraud