La FSU-SNUipp, premier syndicat des enseignants et enseignantes du premier degré, a déposé 102 alertes sociales, une par département. L’objectif de ces alertes? Alerter sur la forte dégradation des conditions de travail des professeurs des écoles et des AESH. L’inclusion, qui se fait sans moyens ni formation spécifique, est une des premières raisons du mal-être des écoles soutient le syndicat. « Les personnels demandent non pas un choc des savoirs mais des actes forts » tacle Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat. Elle répond aux questions du Café pédagogique.
La totalité des sections départementales de votre syndicat lance une alerte sociale. Que se passe-t-il ?
Les conditions de travail se dégradent partout, dans tous les départements et souvent pour les mêmes raisons. Et si les conditions de travail se dégradent, c’est parce que les conditions d’enseignement sont elles aussi dégradées. Notamment sur la question du manque de moyens alloués à l’inclusion.
Depuis plusieurs semaines, on voit exploser le nombre de fiches du registre sécurité et santé au travail. Des fiches, qui permettent d’alerter la hiérarchie lorsque des situations sont explosives, rédigées par les enseignants et enseignantes du premier degré. Dans celles-ci, les professeurs des écoles déclarent se sentir dépassés face à des élèves qui « explosent », qui vont mal et pour qui la réponse pédagogique est inadaptée.
L’école inclusive a généré l’embauche de beaucoup d’AESH, mais sans qu’elles – ce sont très majoritairement des femmes – ne soient ni accompagnées, ni outillées, ni formées. Les AESH sont nécessaires aux besoins des élèves, mais leur manque de formation les empêche de répondre aux nécessités de l’école inclusive. Les gouvernements successifs ont fait le choix de la quantité au détriment de la qualité.
Dans le même temps, on a supprimé les RASED – réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, on n’a pas réduit les effectifs et on n’a pas recruté plus de psychologues de l’éducation nationale.
On laisse les enseignants et enseignantes se débrouiller seul pour répondre aux besoins des élèves qui explosent dans le cadre scolaire, cadre qui n’est pas toujours adapté. Beaucoup de ces élèves sont d’ailleurs scolarisés en milieu ordinaire par manque de places dans les établissements médicaux sociaux qui offrent un cadre sécurisant permettant de faire progresser ces élèves aux besoins particuliers. Il manque jusque 1 000 places dans certains départements.
L’école inclusive se fait donc au rabais, avec des AESH sous-payées, pas formées et sans enseignantes ou enseignant spécialisés.
Pourquoi une alerte sociale et pas un simple préavis de grève ?
L’alerte sociale est préalable au préavis de grève. Lorsque l’on dépose un préavis de grève, l’administration n’est pas tenue de répondre à nos interpellations, dans le cas d’une alerte sociale, elle a trois jours pour le faire.
Concrètement, dans les départements, les Dasen doivent recevoir les représentants syndicaux de la FSU-SNUipp. Ils ont trois jours pour répondre aux questions posées dans l’alerte sociale. La discussion permettra, soit de trouver des solutions, soit pas. Mais cela aura le mérite de mettre en lumière les difficultés quotidiennes des écoles.
Si nous faisons le choix de ces alertes, c’est parce que certaines écoles, qui ne reçoivent aucune réponse aux situations explosives auxquelles elles sont confrontées, ont dû aller jusque se mettre en grève. Et au niveau ministériel, les réponses ne sont pas là.
C’est-à-dire ? Le ministre annonce pourtant l’acte 2 de l’école inclusive…
L’acte 2 de l’école inclusive ne prévoit nullement de répondre à ces problématiques. L’acte 2 va même renforcer la situation actuelle en mettant en place des structures qui n’aideront pas forcément les élèves.
Je pense notamment à la fusion des AESH et des AED qui deviendraient des ARE – Assistants pour la réussite éducative. Ce choix nie les spécificités du métier d’AESH, et d’AED aussi d’ailleurs. Cela ne facilitera pas l’inclusion des élèves dans les classes.
Avec le Pacte est née la mission Référent Handicap. Ce n’est pas une enseignante ou un enseignant par circonscription sans décharge et souvent non spécialisé qui peut résoudre les difficultés auxquelles font face les collègues. Dans cet acte 2, il n’y a aucune réponse aux besoins du retour d’enseignantes et enseignants spécialisés. Et puis, on ne peut évoquer un Acte 2 en supprimant simultanément 1 702 postes.
Quand on regarde l’enquête de Benjamin Moignard et Éric Debarbieux, on voit bien que l’inclusion des élèves à besoins particuliers est une des premières difficultés que rencontrent les enseignants et enseignantes.
Alors quand on entend le ministre parler de choc des savoirs ou préparer des annonces pour le 5 décembre qui feront encore reposer sur les professeurs les difficultés des élèves et le fait d’y remédier, on lui répond qu’il y a d’autres solutions.
Lorsque l’on réduit les effectifs par classe, on sait que l’enseignant ou l’enseignante pourra mieux accompagner ses élèves, on sait que cela apaise le climat scolaire et que cela a une incidence sur les faits de harcèlement en milieu scolaire…
Il existe un levier pour améliorer les conditions de travail des enseignants et les conditions d’apprentissage des élèves, mais ce n’est pas dans cette direction que se dirige le ministre.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda