L’AFEF – Association Françaises pour l’Enseignement du Français – lance un appel à résister à la déconstruction de l’école. Pour ce faire, elle propose un premier temps d’échange à tous les acteurs et actrices de l’école le mercredi 13 décembre prochain. Viviane Youx, présidente de l’association explique aux lecteurs et lectrices l’objet de cet appel.
Vous lancez un appel à résister. De quoi s’agit-il?
Il s’agit, pour l’AFEF, de mobiliser le plus grand nombre d’acteurs de l’éducation afin de réfléchir ensemble à l’état de l’école, parce que nous croyons à la force du collectif. Notre réflexion sera plus nourrie et approfondie si nous nous réunissons : associations de spécialistes, syndicats, chercheurs, formateurs, professeurs, parents d’élèves, inspecteurs, chefs d’établissement, tous les acteurs de la communauté éducative… À l’instar du séminaire de réflexion que nous avions initié en novembre 2020 sur le numérique éducatif et qui avait rassemblé un large collectif autour d’une réflexion de grande puissance, nous souhaitons rassembler à nouveau un collectif pour repenser l’école et réaffirmer les valeurs de l’humanisme.
Le terme de résistance est assez fort. L’état de l’école est-il si inquiétant ?
Les enseignants et enseignantes souffrent, depuis plusieurs années. L’assassinat terroriste de Dominique Bernard, après celui de Samuel Paty, a encore accentué leur mal-être. Il s’agit d’une lame de fond qui se creuse d’année en année. Les personnels d’éducation dans leur ensemble se sentent dévalorisés, ils ont été régulièrement attaqués depuis plusieurs années par un autoritarisme qui a considérablement réduit le rôle des corps intermédiaires, et une politique d’économies qui prive le système des moyens nécessaires à son fonctionnement. L’Université est dans un état catastrophique qui creuse les inégalités sociales et envoie ceux qui ont les moyens vers des institutions privées. Le nombre de démissions de professeurs et de stagiaires augmente, des postes d’enseignants ne sont pas pourvus, le métier n’attire plus. La formation est fortement menacée. Il est urgent de repenser le cœur du métier d’enseignant, et les valeurs de l’école.
L’un des points du sommaire est « Le diagnostic docteur! Avant de proposer faire l’état des lieux s’impose ». Qu’en est-il ?
Nous assistons à une valse de programmes et de mesures jamais évalués. Les évaluations nationales ne sont pas conçues pour aider les enseignants et enseignantes à ajuster les apprentissages à leurs élèves. Les programmes des cycles 2-3-4 de 2015 ont été en partie réécrits en français et mathématiques, sans évaluation préalable, par décision ministérielle, et par exemple « l’étude de la langue » qui avait été pensée dans une progression tout au long du socle commun a perdu toute sa cohérence. Les travaux de la recherche, indispensables pour penser la didactique des disciplines et la pédagogie, sont ignorés, méprisés. Une réécriture de programmes ne peut pas se faire dans la précipitation, sans évaluation, par une simple consultation par questions fermées des enseignants. La consultation des associations par la DGESCO et l’Inspection générale s’est montrée ouverte et bien renseignée, mais nous ne savons pas si les décisions politiques tiendront compte des rapports de la Mission « Exigence des savoirs ».
Que reprochez-vous à la manière de faire du ministre?
Nous sommes partagés. Nous constatons une plus grande écoute, sans comprendre quels effets pourront avoir nos demandes et observations. Le questionnaire pour les enseignants et enseignantes, envoyé précipitamment, ne respecte aucune condition d’un remplissage et d’un traitement efficaces. Et si nous partageons certaines idées générales annoncées par le ministre, comme une attention à l’écriture, la lutte contre les inégalités sociales à l’école, les annonces rapides, apparemment destinées au grand public, posent des dictats, sur des classes de niveau par exemple, dont nous ignorons si sera possible une discussion appuyée sur la recherche.
Vous invitez enseignants, enseignantes, associations à se saisir de cet appel pour un grenelle alternatif de l’école. Qu’en escomptez-vous?
Nous cherchons à constituer un collectif qui pourra être force de contreproposition. Durant cette année scolaire, ce collectif élaborera des propositions pour une école humaniste. L’AFEF propose un texte « École en danger : résistons, tous ensemble ! » accessible en ligne.
Le premier rendez-vous aura lieu en ligne le 13 décembre, le collectif réuni décidera de la suite du processus et d’autres dates de rendez-vous.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
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