Alors que le Sénat voit dans la loi de Finances 2024 « l’ère des déficits extrêmes », il pointe aussi le coût des pensions des fonctionnaires. Le déficit de leur régime de retraite augmente fortement en 2024 pour s’inscrire à 2.5 milliards. La raison est simple : la très faible revalorisation salariale des fonctionnaires. Le Sénat traditionnellement hostile aux revalorisation et qui vient d’adopter la baisse du nombre de fonctionnaires est pris à son piège.
2 milliards de déficit en 2024
« Les dépenses du régime de retraite de la fonction publique d’État connaîtront de nouveau en 2024 une croissance dynamique, estimée à 3,2 milliards d’euros« , relève la sénatrice centriste Sylvie Vermeillet , rapporteure de la mission « régimes sociaux de retraite » pour le Sénat.
La raison en est simple : la revalorisation des pensions décidée par le gouvernement à hauteur de 5.3% en 2024 augmente beaucoup plus vite que celle des salaires avec une revalorisation du point d’indice de 1.8% seulement en 2024.
« Dans ces conditions, et en dépit de la réforme paramétrique de 2023… l’équilibre du régime de retraite des fonctionnaires de l’État n’est pas assuré« , déplore S Vermeillet. Selon son rapport, le déficit annuel du régime de retraite de la fonction publique d’Etat coutera 2.5 milliards en 2024, 3.7 en 2025 et 4.6 en 2026. Dans ce déficit, les personnels de l’Education nationale sont au premier plan, puisque ce ministère compte à lui seul la moitié des fonctionnaires d’Etat. Le coût des retraites des personnels de l’Education nationale représente 22 milliards.
La réforme des retraites n’a rien réglé
Pour S Vermeillet, la réforme des régimes de retraite décide en 2023 n’a rien réglé malgré l’augmentation de l’âge de départ en retraite. Certes les flux de départ devraient diminuer de 10% en 2024.Cela représentera 182 millions d’économies en 2024, soit 0.35% des dépenses.
Mais la réforme a introduit aussi des effets pervers. « A long terme, l’effet de la réforme sur la revalorisation des pensions moyennes se traduit par un effet global de renchérissement des dépenses du régime à partir de 2045 et que ce surcoût est estimé à 544 millions d’euros par an en 2050. Ce surcoût est lié au fait qu’à long terme, le montant moyen des pensions à verser sera augmenté par l’allongement de l’âge de départ, les agents publics bénéficiant d’un traitement plus favorable au moment de leur départ lorsque ce départ intervient plus tard« . Ainsi en 2050 la réforme aboutira à un surcoût de 508 millions, très loin du déficit attendu. En 2035, la réforme devrait permettre 1.2 milliard d’économies mais cela représentera moins de la moitié du déficit attendu. « Par conséquent, la rapporteure spéciale souligne que la réforme paramétrique de 2023 ne permettra en aucun cas d’équilibrer à elle seule le régime de la fonction publique d’État dont le déficit devrait s’aggraver en 2024« .
Le Sénat pris au piège du blocage de la masse salariale
Il est intéressant de noter que la rapporteure pointe du doigt le fait que les pensions augmentent plus rapidement que les salaires de la fonction publique. Car la majorité sénatoriale dénonce depuis des années la hausse des salaires des agents de l’Etat. Au point de demander le blocage de la masse salariale des agents publics. Plus récemment, le Sénat a modifié la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 pour y inscrire une baisse de 5% du nombre de fonctionnaires. De quoi faire faire un nouveau bond au déficit du régime des retraites…
François Jarraud