Refuser les amendements votés en séance par l’Assemblée et faire passer ceux qui n’ont même pas été discutés, c’est légal avec le 49-3. Mais est-ce démocratique ? C’est la question posée après le dépôt, le 7 novembre, d’un 49-3 sur la loi de finances 2024. La santé scolaire fait les frais du nouveau texte déposé par le gouvernement. La revalorisation des infirmières et des médecins scolaire disparaît. Par contre, le gouvernement retient un amendement non discuté mais vivement soutenu par Brigitte Macron…
Un nouveau 49-3 sur le budget 2024
« Des milliards d’euros de dépenses ont été ajoutées hier. Nous présentons un budget ambitieux avec les investissements nécessaires pour chacune de nos politiques publiques. Je pense à nos investissements pour l’Ecole« . Une nouvelle fois E. Borne est montée à la tribune de l’Assemblée nationale, le 7 novembre au soir, pour engager la responsabilité du gouvernement sur le budget. Le budget 2024 de l’Education nationale, qui avait été discuté le 3 novembre, est réécrit dans un nouveau texte déposé par le gouvernement.
Un tri parmi les amendements déposés
Du texte débattu par l’Assemblée le 3 novembre, un seul amendement est retenu par le gouvernement dans la nouvelle rédaction du projet de loi de finances. L’amendement du député modem Erwan Balanant (n°1863), soutenu par le ministre prévoit de financer des brigades anti-harcèlements pour 30 millions. Cet amendement est retenu.
Le texte déposé par le gouvernement comprend aussi des amendements qui n’ont même pas été discutés par l’Assemblée. Ainsi l’amendement du député écologiste Jean-Claude Raux (n°2235) qui ajoute 800 000 € pour les territoires éducatifs ruraux. C’est aussi le cas de l’amendement de la députée Les Républicains Emilie Bonnivard qui demande 3 millions pour financer des voyages scolaires (25 centimes par élève !).
Le choix de Brigitte…
L’amendement du député Renaissance Michel Lauzanna (n°2513) bénéficie d’une haute protection. « C’est un amendement important car il permet de poursuivre le programme TED-i, lancé et marrainé par la première dame, Brigitte Macron« , expliquait Gabriel Attal. Il est inclus (pour 1.5 million) dans le texte gouvernemental post 49-3 bien que les députés ne l’aient pas discuté.
La santé scolaire n’est pas une priorité
Par contre, le gouvernement ignore des amendements adoptés en séance par l’Assemblée. C’est le cas des amendements de la députée PS Fatiha Keloua Hachi (n° 1235 et 1237) qui dégagent 60 millions pour revaloriser les infirmières et les médecins scolaires. « Alors que la France ne compte déjà qu’un médecin pour 12 572 élèves et 1 infirmier pour 1 600 élèves, les effectifs de ces personnels de santé de l’Éducation nationale sont en chute libre« , relève F Keloua Hachi. « Depuis 2017, on compte 355 médecins (soit 30 %) et 956 infirmiers (soit 11 %) en moins dans le milieu scolaire« . Pour rendre ces métiers plus attractifs, elle a obtenu de l’Assemblée une revalorisation de 5%. Malgré l’opposition du ministre, l’Assemblée a voté à une écrasante majorité ces deux amendements (50 voix pour, 1 contre). Pour rien, puisqu’au final le gouvernement ne les retient pas.
L’école inclusive non plus
Deux autres articles avaient été modifiés en commission. L’article 54 prévoyait la suppression du fonds de soutien aux activités périscolaires pour les communes restées à 4.5 jours de classe par semaine. Le gouvernement accepte de repousser d’un an la suppression du fonds.
La Commission des Finances avait voté la suppression de l’article 53 qui crée les PAS. Devant la croissance des demandes d’AESH, le ministère a d’abord créé, sous JM Blanquer, les PIAL pour gérer en pool les AESH attribués par les médico-sociaux des MDPH. Le gouvernement veut aller plus loin en confiant l’attribution des AESH à une nouvelle structure, les pôles d’appui à la scolarité (PAS) ce qui redonne la main à l’Education nationale sur une ressource humaine qu’elle finance mais qu’elle n’attribue pas. Cette perspective a rencontré une très forte résistance en Commission des finances, même auprès des partis présidentiels. Grâce au 49-3, le rejet probable de l’article 53 est évité et les PAS vont voir le jour.
Au final, si l’Assemblée ne censure pas le gouvernement, comme cela est probable, la loi de finances supprimera 2700 postes d’enseignants, alors même que la Commission de l’Education a voté leur rétablissement. Elle laissera la santé scolaire sombrer au point qu’il n’y aura bientôt plus de médecin scolaire. Et elle démontrera que dans notre démocratie, l’exécutif c’est aussi le législatif…
François Jarraud
Le budget de l’Education en débat à l’Assemblée