Mais qui sont donc les coordonnateurs et coordonnatrices de réseaux ? Pierre angulaire des réseaux d’éducation prioritaire, leurs missions restent méconnues et la reconnaissance de l’institution à leur égard tarde à venir. Lors de la rencontre organisée par l’Observatoire des Zones Prioritaires, mercredi 11 octobre, plusieurs coordonnateurs sont venus témoigner de leur expérience professionnelle.
Les coordonnateurs sont des éléments essentiels de la politique d’Éducation prioritaire déclare Michelle Coulon, membre du conseil scientifique de l’OZP. « Il nous semblait essentiel de nous retrouver aujourd’hui. Le système éducatif est bousculé par les injonctions qui elles-mêmes bousculent les missions des coordonnateurs. Et ce tumulte n’est pas terminé, les derniers discours qu’on a pu attendre nous annonce des perturbations à venir ».
Coordonnateur de réseaux, une histoire
À l’occasion de cette rencontre, Marc Douaire, président de l’association est revenue sur l’histoire de cette fonction, née de la mise en place de la politique d’éducation prioritaire en 1981 et 1982.
« La politique d’éducation prioritaire est venue en rupture avec la tradition scolaire » déclare le président de l’association. « Elle reposait sur trois principes inédits : Une politique territoriale, qui ne s’attache pas à l’école ou au collège mais à un quartier. Une politique inter-degrés, qui pense la scolarité dans une continuité. Et Une politique partenariale ; la réussite de tous ne relève pas de seule responsabilité de l’école mais de tous ceux qui ont une responsabilité éducative ».
Dans l’élan de la création de la politique d’éducation prioritaire ont été créés les animateurs de soutien – « ancêtre » des coordonnateurs de réseaux. « Ils étaient majoritairement issus du premier degré, souvent des conseillers pédagogiques ». En 1989 et 1990 nait la politique de la ville, elle relance la politique d’éducation prioritaire qui s’articule dorénavant à la politique de la ville. « De cette articulation sont dégagées des actions qui renforcent et officialisent la politique des zones d’éducation prioritaire » continue Marc Douaire. « Un conseil de zone est créé avec un responsable et un coordonnateur dans toutes les zones d’éducation prioritaire. Ils sont 555 ». Une période assez faste se souvient-il. « Tout était à construire. On avait carte blanche pour monter des projets. C’était le bon côté mais en même temps on découvrait l’ampleur de la tâche ».
Alors que lors de la création de la mission, le coordonnateur était « une sorte de militant pro éducation prioritaire », grand connaisseur du système éducatif et hyper dynamique, le rapport Catherine Moisan de 1997 « Les déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation prioritaire » (qui fait le point sur les projets de zone, le pilotage, les moyens affectés, les structures pédagogiques, les familles et les partenaires) vient demander la professionnalisation de la fonction. A l’occasion du rapport, l’inspectrice générale révèle les mauvaises conditions matérielles dans lesquelles évoluent les coordonnateurs. Pas de lettres de mission, ni cahier de charges, ni bureau, ni ordinateur… Des problématiques qui perdurent encore aujourd’hui selon les témoignages des coordonnateurs et coordonnatrices présents.
En 2005, les coordonnateurs deviennent des secrétaires de comité. « Un changement mal vécu par la profession » souligne Marc Douaire. En 2013, la loi de Refondation redonne sa place aux coordonnateurs de réseaux. « S’il y a pas de coordonnateur, il n’y a pas de projets et donc pas de réseaux ». « Mais compte-tenu de leur faible nombre, peu s’en soucient » conclut le président de l’OZP.
État des lieux de la profession
Afin de préparer cette rencontre, l’OZP avait diffusé un questionnaire à destination des coordonnateurs de réseaux. 49 ont répondu. 88% des coordonnateurs ayant répondu sont issus du premier degré. 60% assurent la coordination d’un seul réseau et deux tiers sont complétement déchargés.
Si six coordonnateurs sur 10 ont un bureau au collège, 1 sur 10 n’en a pas du tout révèle l’enquête. 20% des répondants n’ont pas signé de lettre de missions censées définir les périmètres de leur fonction. Sur leur place dans le réseau, 80% déclare avoir des réunions ponctuelles avec les deux pilotes (IEN et principal du collège), ou trois lorsqu’ils exercent en REP+ (un IA IPR en plus).
Les sondés avaient la possibilité de laisse des remarques. La notion de lien revient très souvent. « Le lien avec les collègues, avec les partenaires, avec les pilotes, avec les écoles, avec d’autres coordonnateurs. Créer du lien apparaît comme le cœur de la mission », explique Anne Armand. La chercheuse, membre du conseil scientifique de l’OZP, note une « tension » dans l’activité de coordonnateur. « Une tension entre aller dans les classes, créer des outils pédagogiques et à l’autre bout du prisme, ne pas être un conseiller pédagogique de circonscription ». Une tension que reconnaissent les coordonnateurs et coordonnatrices présents à la rencontre.
« On a du mal à définir la dimension pédagogique de nos missions » témoigne une coordonnatrice. Pour une autre, « c’est la pédagogie, le cœur de nos fonctions ». « Je vais dans les classes, je monte des projets ». D’autres s’inquiètent des demandes récurrentes de l’institution, « on nous parle constamment d’indicateurs, il faut remplir des tableaux… ».
Beaucoup s’inquiètent aussi de la pérennité de leur poste. « Quel est notre avenir ? Allons-nous disparaître ? » interrogent plusieurs participants. « Nous sommes même les grands oubliés de la revalorisation » s’indigne l’une d’entre eux. « Pas surprenant que l’on oublie une catégorie si petite, dans un métier flou et à la confluence de plusieurs systèmes. Ce n’est pas nouveau, depuis que la mission existe, ce sont les coordonnateurs de réseau sont les oubliés du système » explique Michèle Coulon. « L’horizontalité du réseau s’oppose à l’organisation du système qui est descendant, particulièrement en ce moment. Le coordonnateur est à contre-courant du système tel qu’il est prévu. Il est autre part, autre chose. C’est ce qui crée les tensions et l’intérêt de la fonction ».
Il semble difficile de délimiter les frontières de la fonction. Y aurait-il autant de modalités de coordination de réseaux que de coordonnateurs ? Une force revendique certains puisque cela laisse beaucoup d’autonomie. Une faiblesse répondent d’autre, le manque de clarté de leurs missions les met en difficulté.
Lilia Ben Hamouda