Quel est l’intérêt pédagogique du voyage scolaire ? Edinson Tarazona partage avec nous son projet de voyage avec sa classe de première qui partirait l’an prochain découvrir le Pérou. Professeur d’espagnol depuis dix ans, dont huit en tant que contractuel, il est aussi docteur en sociololinguisme. Un bagage académique qui lui permet de construire son projet autour de la langue espagnole, certes, mais aussi sur l’apport culturel et social de ce type d’échange.
Un parcours riche
Edinson Tarazona a un parcours riche des métiers de l’Éducation dans l’Education nationale: arrivé en France de Colombie en 2009, il a été assistant de langue à Arpajon (91), AESH, AED, professeur d’espagnol dans l’académie de Paris et de Lyon, essentiellement en collège. Toutes ces missions et fonctions l’ont familiarisé avec le système éducatif français. En Colombie, il avait déjà eu l’expérience de l’enseignement. Edinson est heureux de toutes ces expériences, utiles pour la gestion de classe, mieux comprendre les élèves et savoir «communiquer» avec eux.
Après avoir passé le concours en 2021, effectué son stage à Montpellier, il est à présent affecté dans un premier poste fixe dans l’Ain, un lycée international près de Genève où il prend beaucoup de plaisir avec des élèves qui ont un bon niveau. Il a beaucoup aimé, donné et appris dans ses affectations précédentes, notamment en éducation prioritaire. Mais il se dit «fatigué des collèges REP» et est très heureux de son affectation en lycée dans un établissement qui compte 3300 élèves avec des sections internationales et sportives.
Edinson évoque cependant les difficultés pragmatiques liées à son affectation dans la Cité Scolaire Internationale, ses difficultés de trouver un logement dans un secteur où les logements manquent ou sont très chers. Les enseignants se retrouvent dans les logements d’urgence où ils doivent partager un lieu de vie avec des personnes dans des situations sociales, économiques et personnelles complexes. Beaucoup de professeurs (16, fin septembre) manquaient à l’appel à la rentrée ce qui a fait l’objet de reportages sur le manque d’enseignants, sur la chaîne BFMTV et dans Le Monde, précise-t-il.
Edinson a encore de nombreux projets professionnels, il envisage de passer l’agrégation, il a déjà obtenu la qualification nécessaire à être candidat sur les postes de maître de conférences. Il espère ensuite obtenir un poste à l’université, mais avant cela, il a encore des projets pour ses élèves du secondaire.
Un projet de mobilité au Pérou avec une association
Edinson Tarazona a pour projet d’organiser un séjour au Pérou pour ses élèves. Il considère ce séjour comme un «voyage linguistique, mais aussi une expérience».
Son projet s’écoule sur deux années, la première consiste «à amener les élèves vers une maîtrise de la langue espagnole à travers le partage avec des hispanophones.» Pour Edinson, ce «n’est pas qu’un simple échange», mais «une expérience de vie» pour ses élèves à qui, il souhaite apporter ce qu’il a lui-même connu dans sa ville où adolescent, il a participé à des actions dans les quartiers défavorisés de sa ville. Il souhaite reproduire cela au Pérou et travailler avec une association qui prend en charge des enfants des quartiers défavorisés de Lima. Il veut proposer 15 jours d’activités ludiques avec les enfants de l’association afin que les élèves français apprennent et pratiquent l’espagnol par le jeu, le sport, et des activités manuelles avec des enfants. Ce travail avec les enfants les place dans le rôle de «grand frère», «je pense qu’il faut donner des responsabilités à nos adolescents pour qu’ils se rendent compte des réalités».
Le voyage comme expérience de partage et d’aide pour comprendre la réalité d’autres pays
Avec ses élèves de 1re, il veut travailler les aspects linguistiques, travailler l’oral et en Terminale, les élèves partiraient 3 semaines, 2 semaines d’activités avec l’association et 1 semaine de découverte du pays et de la civilisation péruvienne.
Pour lui, est centrale la dimension de «l’échange social, linguistique, culturel avec des enfants pour parfaire l’espagnol et l’ouverture à l’empathie, la culture, le partage des connaissances, pour comprendre la réalité d’autres pays.»
«En Europe, on ne se rend pas compte de certaines réalités. En cours de langue on peut toucher certains points et apporter le changement, c’est autre chose». Avec ce projet, Edinson veut permettre aux élèves du lycée de «partir en voyage, pour visiter et s’amuser, mais aussi pour aider et partager des moments importants avec d’autres personnes ». Un tel voyage permet d’essayer de comprendre l’autre, sa façon de vivre, et d’apporter autre chose. Il insiste sur l’échange avec les natifs, «on est professeur de langue: la meilleure façon d’apprendre, c’est de communiquer, de se lancer».
Le travail avec l’association permet d’échanger avec des enfants, cela change les élèves de posture et de position, c’est une «nouvelle façon d’apprendre et d’appréhender la langue. C’est aussi apprendre l’empathie, se mettre à la place de l’autre» pour des élèves qui vivent dans un milieu plutôt aisé, à proximité de la Suisse.
Le voyage scolaire est en effet bien plus qu’une expérience scolaire, n’est-il pas apprentissage (inter)culturel, linguistique et social: l’ouverture et connaissance de soi comme de l’autre par excellence?
Djéhanne Gani