« Défendre le droit des AESH, c’est défendre l’école inclusive », assure Manuel Guyader, AESH depuis 10 ans et responsable syndical de SUD Éducation. « On ne souhaite pas le retour des élèves en institut, on veut que l’école inclusive ait les moyens de fonctionner ». Mardi 3 octobre, il était en grève comme d’autre AESH pour dénoncer leur manque de statut et leur précarité financière. Mais tous n’ont pu participer à cette première journée de mobilisation. « Une journée de grève, pour moi, c’est un trou énorme dans mon budget. C’est l’équivalent d’une semaine de courses » nous explique Anaïs qui partage pourtant toutes les revendications portées par Manuel Guyader et la grande majorité des syndicats de l’école qui appelaient à se mobiliser aujourd’hui.
« Cette grève a lieu dans la continuité des précédentes, de celles des années précédentes », nous dit Manuel Guyader qui manifeste à Paris. Et c’est toujours pour les mêmes raisons que lui et ses collègues se mobilisent : la question de l’absence de statut pour les AESH – qui sont devenus le deuxième corps de l’Éducation nationale, mais qui restent bloqués dans la contractualisation, et les salaires.
Pourtant, la rue de Grenelle a fait un pas ces derniers mois en permettant d’une part aux AESH de signer un CDI au bout de trois ans, au lieu des six, et en réévaluant leur grille indiciaire – une revalorisation qui ne couvre pas le coût de l’inflation.
Le responsable syndical qualifie de faux semblants les différentes annonces de sortie de précarité du gouvernement. « La Cdéisation, évidemment c’est rassurant, mais ça ne change rien à la précarité. Au niveau des salaires, on est au plus bas de la grille salariale en France, puisque la grille est sans cesse rattrapée par l’augmentation du SMIC ». À cela viennent s’ajouter les temps partiels imposés, accuse-t-il. « Une majorité d’entre nous se retrouve avec des salaires qui n’atteignent même pas mille euros ». Et si le ministère a assuré que les AESH pourraient dorénavant travailler 35 heures, à travers la signature de contrats avec les collectivités pour le périscolaire dans le premier degré et la création des postes d’ARE (Accompagnant de Réussite Éducative, un savant mélange de AEH et AED), Manuel Guyader revendique un temps complet à 24 heures, « qui tienne compte des activités connexes à nos fonctions ».
Sur la question de la formation continue aussi, l’AESH a beaucoup à dire. Il dénonce le manque d’offre spécifique aux AESH sur la plupart des plans académiques de formation. « Et lorsqu’il y en a, ils et elles n’ont pas accès à l’information ». Il évoque le cas des stages MIN – stages nationaux gérés par le ministère de l’Éducation nationale, qui proposent des formations sur le handicap. « Nous avons difficilement accès à l »offre de formation. Et quand on y arrive, il n’y a pas de case AESH, on doit faire semblant d’être professeur des écoles pour s’inscrire. On doit s’acharner pour avoir accès à notre de droit à la formation. C’est aberrant, ça dénote un mépris pour notre métier ». Quant à la formation initiale de 60 heures, le syndicat SUD éducation demande qu’elle soit mise en place partout, que le contenu soit pertinent et qu’elle ait lieu avant la prise de poste, « aujourd’hui, elle s’étale sur deux ans ».
Concernant les PIAL, l’élu syndicat estime que c’est un « outil de gestion par le bas ». « On gère en fonction des moyens et pas des besoins ».
Sylvie était aussi de la manifestation parisienne. 17 ans qu’elle est AESH. Elle est passée par tous les statuts, CUI, contrats renouvelés tous les ans… aujourd’hui elle est en CDI. Elle a été de toutes les batailles, celles pour gagner des primes – « perdues ensuite » précise-t-elle. « Aujourd’hui, je me bats pour un statut et pour la fin des temps partiel imposés ». Et Sylvie est en colère. 17 ans d’ancienneté et pas plus de 1 000 euros par mois – avec les primes. « J’ai une fille étudiante. Et je ne peux plus lui payer le coiffeur qu’une fois par an, et c’est juste une coupe ». Malgré sa colère, « le mépris du gouvernement », Sylvie ne raccrochera pas le tablier. Son métier, elle l’aime. Elle y croit.
Quand le porte-monnaie entrave la lutte
Toutes ces revendications, Anaïs les partage. Cette mère de trois enfants est AESH dans une école maternelle de Seine-Saint-Denis depuis 2015. Et elle raconte comment ses conditions de travail se sont détériorées avec les PIAL et comment l’inflation galopante l’oblige à opérer des choix lorsqu’elle fait ses courses, « beaucoup moins de viande et de petits plaisirs sucrés pour les enfants ». « Ma première année, je m’occupais d’une petite fille en Moyenne Section. Elle avait une notification de 18 heures, le reste du temps, j’aidais pour une autre élève en petite section qui n’avait pas encore de notification », nous dit-elle. « Je faisais partie de l’équipe, on discutait, on prenait le temps pendant les récréations de faire le point ». Depuis trois ans, elle s’occupe de trois enfants, l’un pour douze heures, et les deux autres six heures chacun. « Je cours d’une école à l’autre. Et j’ai de la chance, car il y en a deux dans la même école. Je n’ai plus le temps de me poser pour parler avec les maîtresses ».
Combien d’AESH était en grève hier ? Impossible d’avoir les chiffres. « Il n’y a pas de remontées académiques sur ce mouvement » nous a-t-on indiqué au ministère. Un mépris de plus?
Lilia Ben Hamouda