Mercredi 27 mars, Élisabeth Borne présentait le plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école. « Pour lutter contre le harcèlement, l’école est en première ligne », a déclaré la Première ministre. « Mais pour mener efficacement le combat, l’action de chacun est nécessaire : forces de l’ordre, magistrats, soignants, collectivités, acteurs associatifs, plateformes. Tous les ministères doivent venir en appui du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse ». Les objectifs du gouvernement : « 100% prévention, 100% détection, 100% solutions ». Sur le volet éducation nationale, cours d’empathie, banalisation de deux heures de cours pour la journée de lutte contre le harcèlement scolaire, généralisation du programme pHARe, des questionnaires et des personnels dédiés… ont été annoncés. Mais nulle annonce de ligne budgétaire dédiée.
« Nous devons collectivement nous hisser à la hauteur de ce fléau qu’est le harcèlement scolaire » a déclaré Gabriel Attal. « Nous l’avons dit, nous avons besoin d’un électrochoc. Ce moment, ce plan, c’est la preuve que l’électrochoc a commencé ». Le ministre évoque même un double électrochoc : la libéralisation de la parole et l’action.
S’il évoque la libéralisation de la parole, « parler c’est déjà résister », c’est parce que depuis quelques semaines, un « tsunami de témoignages » déferle dans les établissements et sur les plateformes téléphoniques dédiées, le 30 18 et le 30 20. Ils seraient trois fois plus nombreux qu’en septembre 2022.
Du côté de l’action, le ministre avait déjà dévoilé les grandes lignes du plan le weekend dernier. C’est autour de trois piliers que se déploie le plan : « 100% prévention, 100% détection-, 100% solution ».
Sur le volet prévention, l’occupant de la rue Grenelle a annoncé des cours d’empathie, « l’apprentissage du respect de soi et de l’autre, les compétences psychosociales », à l’image de ce qui se fait au Danemark où il s’est récemment rendu. Mais aussi à l’image de ce que préconisait hier Michel Develay dans les colonnes du Café pédagogique. Il souhaite que cela soit inscrit au programme dès la rentrée 2024. Mais le ministre va vite. Dès janvier, « il y aura chaque semaine des cours d’empathie dans au moins une école pilote par département, sur le modèle de ce qui existe dans d’autres pays où nous avons constaté que le harcèlement scolaire reculait grâce à cette stratégie. Ces cours seront ensuite généralisés dans toutes les écoles à la rentrée de septembre 2024 » a-t-il expliqué. Quelles écoles ? Quels enseignants ? Quelle formation ? Autant de questions auxquelles le ministre devra répondre.
Deuxième pilier du plan, la détection. « L’objectif : faire le maximum pour ne plus passer à côté d’enfants qui souffrent », a déclaré Gabriel Attal. « Nous allons donc généraliser et simplifier le recueil de la parole ». Ainsi, lors de la journée nationale de lutte contre le harcèlement, qui aura lieu le 9 novembre cette année, « dans chaque école et chaque établissement de France, deux heures seront banalisées pour une initiative d’ampleur et simultanée de lutte contre harcèlement ». À quatre semaines de classe de cette journée, le ministre n’a pas détaillé le contenu de ces deux heures. Qu’est-ce qui sera proposé aux élèves, comment les équipes vont s’en saisir, sur quel temps vont-elles préparer une action pertinente… ?
Autre action de prévention, le questionnaire « Détection harcèlement » « travaillé avec des médecins, des spécialistes du harcèlement, des pédopsychiatres, comme le Pr Rufo, le Dr Catheline, ou le Pr Debarbieu ». Il sera proposé à l’ensemble des élèves à partir du CE2, « pour être capable de détecter des situations de harcèlement qui ne le sont pas forcément ».
Troisième pilier : les solutions. « Réagir. Réagir vite, c’est parfois sauver des vies » a déclaré Gabriel Attal qui a rappelé le décret permettant l’éviction de l’élève harceleur – possibilité qui existait déjà dans le second degré…
Concernant le cyberharcèlement, il estime que « les sanctions peuvent être prises davantage dans l’établissement » sans entrer dans les détails.
Comme précédemment annoncé, le programme pHARe sera généralisé. Des cellules dédiées au harcèlement seront implantées dans chaque rectorat, « avec plusieurs personnes qui seront dédiées et formées à 100% sur le harcèlement pour être capable de venir en second recours lorsqu’il y a des situations que l’on n’arrive pas à régler sur le terrain ». Des équipes Académiques de Lutte contre le Harcèlement apporteront du soutien aux personnels, aux chefs d’établissement et « seront déployées partout sur le terrain ». Avec quels moyens ? Le ministre a botté en touche lorsqu’il a été interrogé le matin même lors de la présentation du budget 2024. Aucune ligne de crédit dédiée à la lutte contre le harcèlement n’apparaît.
Le ministre chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot a confirmé le bannissement des réseaux sociaux des élèves harceleurs. Sans même attendre une condamnation, un juge d’instruction pourra décider « de ce bannissement dans le cadre d’un contrôle judiciaire ». Dans les cas les plus graves, le téléphone portable pourra être saisi, a assuré le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
Lilia Ben Hamouda