Peut-on transformer les « Grandes Découvertes » en « grands apprentissages » ? Partir de nos jours, en groupes, sur les traces d’un explorateur de la Renaissance : voilà le défi que lance Grégory Devin à ses élèves de 5ème au collège Marcel-Grillard à Bricquebec-en-Cotentin. Les élèves doivent emprunter le même itinéraire et réaliser un compte rendu numérique du voyage. Explications de l’enseignant sur un travail au long cours, susceptible de donner le gout de l’ailleurs …
Comment ce projet s’inscrit-il dans le programme ?
En cinquième, une des entrées du programme nous invite à travailler le thème du voyage, envisagé sous l’angle de l’inconnu, de l’exploration. Cette thématique a également pour but d’analyser une forme de déplacement à l’opposé du tourisme contemporain, qui ne fait souvent, précisément, “qu’un tour sur lui-même” (Tournier), en valorisant au contraire l’errance et la découverte, celle qui autorise la rencontre avec autrui et avec soi-même. Pour les professeur(e)s, c’est généralement l’occasion d’étudier des textes des explorateurs de la Renaissance et/ou un récit de voyage plus récent.
Quelle mission confiez-vous dans ce cadre à vos élèves ?
Pour ma part, je propose à mes élèves un projet que j’espère motivant, et qui permet de travailler des savoirs scolaires dont ils/elles vont avoir besoin pour sa réalisation : je leur demande de “partir” virtuellement, par groupe de trois ou quatre, sur les traces d’un explorateur de la fin du Moyen Âge/début de l’époque moderne (Colomb, Magellan, Cartier, Jean de Léry…) en choisissant le même itinéraire mais de nos jours, puis de le relater avec des moyens actuels (tapuscrits, hypertextes, images, sons, vidéos…).
Dans quels buts ?
Ce va-et-vient entre passé et présent conduit à travailler des textes “classiques” (la technique de description chez Léry, le vocabulaire et les adjectifs avec Marco Polo, l’approche colonialiste et la négation d’autrui chez Colomb…) mais également à les initier à une culture numérique contemporaine, avec recherche d’images, documentation, création d’un diaporama, correcteur orthographique, etc.
Quel dispositif de travail mettez-vous en place ?
Les leçons vues en cours viennent progressivement enrichir le projet, qui se fait à la fois en salle informatique, en classe et à la maison. Celui-ci dure de trois à quatre semaines et fait l’objet de nombreuses reprises : brouillons, corrections, remaniements… qui se déroulent de façon individuelle (conseils du professeur directement au groupe, par mails ou en classe) ou collégiale (la classe entière donne son avis sur le travail des autres). Pour chaque partie du voyage, afin de gagner en qualité rédactionnelle, on ajoute une contrainte, celle de faire appel aux cinq sens : ce qu’ils voient, ce qu’ils goûtent, ce qu’ils entendent… Une date limite est fixée, à laquelle les élèves doivent présenter à l’oral leur travail, pour être évalués. Ils vidéo-projettent leur diaporama, lisent le journal de bord de leurs découvertes, en utilisant comme fond sonore les sons et musiques des pays traversés ; certains vont même jusqu’à faire goûter les plats typiques des régions parcourues, qu’ils ont achetés ou préparés.
Quel bilan en tirez-vous ?
En général, comme le travail a été fortement accompagné, il se révèle de bonne facture ; mais surtout, l’approche méthodique, qui consiste à proposer au départ un prototype, peaufiné et amélioré au fur et à mesure, a le mérite d’expliciter clairement les attendus pour les élèves, et leur permettre de nombreux (et indispensables) retours sur erreurs.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Grégory Devin dans Le Café pédagogique