Dans sa note d’information « Satisfaction professionnelle des enseignants : un niveau plus élevé en fin début et en fin de carrière », la DEPP– Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance – fait le point sur le ressenti professionnel des enseignants et enseignantes des premier et second degrés. Pouvoir d’achat en berne, charge de travail importante, manque de perspectives de carrière et épuisement minent leur satisfaction au travail.
Au printemps 2022, 48 000 enseignants et enseignantes exerçant dans les écoles et établissements scolaires ont répondu à la première édition du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l’éducation nationale réalisé par la DEPP. Ils attribuent la note moyenne de 5,9 sur 10 en réponse à la question « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait(e) de votre travail en général ? », « un niveau proche de celui de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale exerçant dans les écoles et établissements scolaires (6,0 sur 10) » souligne l’autrice de la note d’information.
Si la note moyenne de satisfaction est de 5,9 sur 10, les enseignants des premier et second degrés estiment leur niveau de satisfaction professionnelle à des niveaux variables selon leur ancienneté à l’éducation nationale. Les notes attribuées à la question « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait(e) de votre travail en général ? » sont les plus élevées au début de leur carrière. 6,7 sur 10 est la note attribuée par ceux qui sont dans leur première année d’exercice, 6,2 pour ceux ayant entre deux et cinq ans d’ancienneté. « Le niveau de satisfaction professionnelle diminue pour les enseignants plus anciens à l’éducation nationale. Il atteint son niveau le plus bas entre vingt-et-un et trente ans d’ancienneté : 5,8 sur 10. Les enseignants en fin de carrière attribuent une note légèrement supérieure : 6,0 sur 10 en moyenne parmi ceux ayant plus de trente-cinq ans d’ancienneté. Les écarts selon l’ancienneté sont plus marqués dans les dimensions du sens donné au travail et du soutien social reçu dans le cadre professionnel : elles font l’objet de déclarations plus favorables de la part des enseignants les plus récemment entrés à l’éducation nationale ».
Les enseignants qui exercent dans le premier degré se distinguent de leurs collègues du second degré par un niveau moyen de satisfaction professionnelle légèrement plus élevé (6,1 contre 5,8 sur 10). L’écart apparaît à partir de onze ans d’ancienneté et ne cesse de se creuser ensuite. « Pour les enseignants du premier degré, le niveau de satisfaction professionnelle après trente- cinq ans d’ancienneté est de 6,4 sur 10 contre 5,8 pour ceux qui exercent dans le second degré, soit un écart de 0,6 ».
Les sentiments avec lesquels les enseignants caractérisent leur expérience professionnelle évoluent avec l’ancienneté. « L’enthousiasme et la fierté sont fortement ressentis par les enseignants entrant dans le métier. Ces sentiments s’appliquent à leur expérience professionnelle respectivement à un niveau de 7,2 (+ 1,4 par rapport à l’ensemble des enseignants) et 7,1 sur 10 (+ 1,3) ». Ces deux sentiments s’étiolent avec les années. Les enseignants ayant plus de trente-cinq d’ancienneté évaluent leur sentiment d’enthousiasme au niveau de 5,6 sur 10 et le sentiment de fierté à 5,9 sur 10 en moyenne, « avec une différence marquée toutefois entre les enseignants du premier et du second degrés (6,4 contre 5,5 sur 10) ».
Avec l’ancienneté, vient aussi la lassitude dans le métier (6,1 sur 10, soit + 0,5 par rapport à l’ensemble des enseignants et + 3,3 par rapport aux enseignants nouveaux dans le métier). La solitude est également ressentie de manière plus intense en fin de carrière. « Cela est notamment marqué dans le premier degré (4,7 sur 10, soit + 1,3 par rapport aux enseignants nouveaux dans le métier) mais beaucoup moins dans le second degré (3,2 sur 10, soit + 0,3) ».
Quant au sentiment d’anxiété, il diminue progressivement avec l’avancée en ancienneté. « Les enseignants avec plus de trente-cinq ans d’ancienneté à l’éducation nationale l’estiment à 5,4 sur 10, soit un niveau plus bas que l’ensemble des enseignants (- 0,3) et que les enseignants dans leur première année d’exercice (- 0,5) ».
Pouvoir d’achat et charge de travail
Sans surprise, les axes d’amélioration dans l’exercice du métier sont le pouvoir d’achat et la charge de travail, « ces deux domaines sont choisis respectivement par 58 % et 43 % de l’ensemble des enseignants, invités à en sélectionner trois sur une liste de quatorze. Quelle que soit l’ancienneté, le pouvoir d’achat est cité par plus de la moitié des enseignants ». Quant à la mobilité géographique, ils sont 34 % à estimer qu’il faut en améliorer les conditions d’accès.
Pour ce qui est de la gestion des élèves, l’aisance vient avec le temps. « Les enseignants avec cinq ans ou moins d’ancienneté attribuent la note de 7,4 sur 10 en moyenne en réponse à la question « Dans l’ensemble, dans quelle mesure parvenez-vous à gérer le comportement des élèves pendant les cours ? », un niveau plus bas que les enseignants ayant plus de vingt ans d’ancienneté qui attribuent 8,2 sur 10. 73 % des enseignants avec cinq ans ou moins d’ancienneté déclarent que la gestion du comportement des élèves est la première ou deuxième tâche qui leur prend le plus de temps en classe, au cours d’une semaine ordinaire, en dehors de la transmission des connaissances et de la construction des apprentissages, soit + 8 points par rapport à l’ensemble des enseignants ».
Si les jeunes enseignants rencontrent plus de difficile dans la gestion de leurs élèves, c’est par manque de formation souligne le service statistique du ministère. « 55 % déclarent avoir abordé la gestion de classe et du comportement des élèves dans le cadre de leur formation initiale, et parmi eux 33 % rapportent y avoir été « bien » ou « très bien » préparés, ce qui en fait l’un des domaines pour lesquels le sentiment de préparation est le moins répandu ».
Pour 26 % des enseignants avec cinq ans ou moins d’ancienneté, l’accompagnement en début de carrière est l’un des trois domaines à améliorer en priorité, soit + 15 points par rapport à l’ensemble des enseignants. Ils expriment aussi « des besoins plus marqués de préparation au métier (22 %, soit + 13 points par rapport à l’ensemble) et d’accompagnement à la prise de poste (16 %, soit + 11 points) ».
Rémunération, charge de travail et perspectives de carrière
Si une grande majorité des enseignants se dit insatisfaite de sa rémunération, les enseignants en milieu de carrière sont ceux qui expriment le plus vivement la nécessité de voir s’améliorer leur pouvoir d’achat. « La satisfaction concernant le niveau de rémunération passe ainsi d’un niveau moyen de 4,0 sur 10 la première année d’exercice à 3,2 sur 10 entre six et vingt ans d’ancienneté, puis augmente jusqu’à un niveau moyen de 3,9 sur 10 en fin de carrière ».
Le manque d’information concernant les possibilités de carrière mine aussi les enseignants. « Dans l’ensemble, ils attribuent la note de 3,7 sur 10 en réponse à la question « Avez-vous le sentiment de disposer de suffisamment d’informations sur la gestion de votre parcours professionnel ? », une note qui atteint ses niveaux minimums entre deux et cinq ans d’ancienneté (3,4 sur 10, – 0,3 point sur 10 par rapport à l’ensemble) et entre six et vingt ans d’ancienneté (3,5 sur 10, – 0,2 point par rapport à l’ensemble) ». C’est donc sans surprise que le niveau de satisfaction s’établit en moyenne à 2,8 sur 10 en milieu de carrière, son point le plus bas, pour remonter progressivement après vingt ans d’ancienneté, atteignant 4,0 sur 10 en fin de carrière.
Le sentiment d’épuisement au travail est plus fort pour les enseignants entre six et vingt ans d’ancienneté. Ils désignent le plus souvent la charge de travail comme nécessitant d’être améliorée en priorité. « Le niveau d’épuisement dans le cadre du travail est estimé à son niveau le plus élevé par les enseignants dans cette même tranche d’ancienneté (7,0 sur 10) ».
« Passés vingt ans d’ancienneté à l’éducation nationale, l’aménagement de fin de carrière se dégage comme un besoin prioritaire pour les enseignants » rapporte l’autrice. « Entre vingt et trente-cinq ans d’ancienneté, ils sont 49 % à identifier ce domaine comme l’un des trois à améliorer prioritairement et 56 % après trente-cinq ans d’ancienneté, contre 30 % parmi l’ensemble des enseignants. C’est entre vingt- et-un et trente-cinq ans d’ancienneté que les besoins de changements à l’approche de la retraite sont les plus ressentis ». Une situation qui ne risque guère de s’améliorer avec la fin de la cessation progressive d’activité.
Lilia Ben Hamouda