« Le droit à l’éducation est garanti à chaque enfant par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) quel que soit son statut, son parcours ou sa nationalité » rappelle l’UNICEF dans son rapport « Je suis venu pour apprendre » publié aujourd’hui. L’organisation pointe du doigt les difficultés que rencontrent les mineurs non accompagnés, enfants qui se trouvent sans représentant légal sur le territoire.
Dans son rapport « Je suis venu pour apprendre », l’UNICEF entend « rappeler l’encadrement légal du droit à l’éducation, analyser le parcours de scolarisation – ou de non-scolarisation – des mineurs non accompagnés en France et vise à souligner les obstacles à son effectivité ». Un rapport que l’organisation adresse « aux décideurs publics nationaux et locaux, aux associations spécialisées, aux professionnels de la protection de l’enfance et à ceux engagés dans la défense de leurs droits ».
L’organisation y déplore la situation française des mineurs non accompagnés, qui sont « privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » et qui normalement devraient avoir le droit à une protection de l’État. « En France, la prise en charge de ces 24 300 enfants et adolescents est assurée par les Conseils Départementaux qui ont l’obligation de leur apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique La scolarité et la formation sont des dimensions centrales de cette prise en charge » précise l’organisation dépendante de l’ONU. « Pourtant, en France, l’accès à la scolarité des mineurs non accompagnés est entravé par des obstacles d’ordre administratif, juridique ou budgétaire et l’UNICEF France recense dans ce rapport de nombreux freins liés aux pratiques des conseils départementaux ou des services de l’Éducation nationale ».
Une rupture dans la scolarité
Les départements scolarisent très peu les mineurs isolés lors de la phase d’accueil provisoire et d’évaluation, déplorent les auteurs et autrices du rapport, une situation dénoncée à plusieurs reprises et condamnée régulièrement par les tribunaux. « Pour les jeunes qui font l’objet d’un refus de prise en charge et sont dans l’attente d’une décision du juge, la situation est encore plus critique : la plupart des services des rectorats refusent d’évaluer leur niveau scolaire, préalable nécessaire à leur affectation dans un établissement ».
Quant aux mineurs confiés à la protection de l’enfance, « les délais importants de l’orientation nationale, de l’évaluation de leur niveau scolaire et d’affectation dans un établissement retardent souvent leur accès à l’école ».
Ces jeunes et enfants, qui ont subi un parcours migratoire chaotique pour la plupart, perdent de six mois à trois ans de scolarité, soit 500 à 3 000 heures de cours perdues « du seul fait des procédures administratives et judiciaires d’accès à la protection et des délais d’accès à l’éducation ». Ces délais creusent le retard pris par l’absence de scolarité durant le parcours migratoire et « entraînent des conséquences notables sur leur santé mentale (découragement, baisse de l’estime de soi, sentiment d’immobilisme…) mais aussi sur leur réussite scolaire et leur insertion dans la société ».
Une orientation subie et décorrélée de leurs capacités
Lorsqu’ils sont, enfin, scolarisés, les mineurs isolés sont souvent victimes d’une orientation qui n’est pas toujours en adéquation avec leur profil scolaire. « Les choix d’orientation sont souvent contraints et dirigés quasi systématiquement vers l’enseignement professionnel, y compris pour des jeunes pouvant prétendre à de longues études. Cette tendance s’explique en grande partie par les contraintes légales imposant aux mineurs pris en charge après 16 ans de justifier avoir suivi une formation professionnelle qualifiante pour accéder à un titre de séjour à 18 ans. Mais les professionnels qui les entourent concourent eux aussi, par leurs perceptions et leurs pratiques d’accompagnement, à cette surreprésentation au détriment de l’individualisation de la prise en charge des enfants ». L’UNICEF déplore également le nombre insuffisant de dispositifs de classes adaptées (UPE2A et UPE2A- NSA). Et lorsqu’ils existent, ils sont « bien souvent intégrés uniquement aux établissements professionnels et ne permettent pas toujours l’inclusion progressive des élèves dans les classes ordinaires ».
Pour mieux faire, des recommandations
De ces constats, l’UNICEF dégage plusieurs préconisations. La première, assurer la prise en charge et la scolarisation des mineurs durant l’évaluation de leur minorité « jusqu’à ce qu’une décision judiciaire définitive intervienne ». À cette fin, l’organisation enjoint le ministère à « prendre une circulaire pour rappeler aux rectorats que l’inscription dans un établissement scolaire des mineurs en recours ne peut être subordonnée ni à une prise en charge par un Conseil départemental ni à la présentation d’un titre de séjour ».
Deuxième préconisation : « prendre davantage en compte les éléments relatifs à la scolarité dans le choix du département d’accueil dans le cadre de l’orientation nationale et garantir la continuité et la cohérence du parcours scolaire en cas de déménagement ».
Troisième préconisation, lutter contre « la non-exécution des décisions de placement, en confiant au juge un pouvoir d’astreinte ».
Quatrième et cinquième préconisation : augmenter l’offre de tests CASNAV, redimensionner l’offre de UPE2A et UPE2A-NSA et favoriser leur ouverture dans les établissements d’enseignement général et technologique. L’UNICEF demande aussi que la circulaire sur la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés, datée de 2012, soit mise à jour.
Sixième recommandation : créer au sein de chaque département, une commission chargée de la scolarisation des mineurs non accompagnés afin d’assurer le suivi avec le rectorat « sur les évaluations et affectations, recenser les offres de formations disponibles et améliorer les délais de scolarisation ».
L’UNICEF demande aussi qu’il y ait un référent scolarisation dans chaque établissement et le développement de « protocoles locaux pour favoriser l’insertion scolaire et professionnelle des MNA tout en sensibilisant les équipes éducatives à la nécessité d’individualiser les prises en charge ».
L’organisation dépendante des nations unies recommande également la généralisation de titres de séjour, vie privée et vie familiale de plein droit aux jeunes majeurs, « sans autre condition que d’avoir bénéficié d’une mesure de protection de l’enfance, afin de permettre leur insertion durable et d’éviter que l’anticipation de leur régularisation ne les contraigne à des filières professionnelles ou des formations courtes, en contradiction parfois avec le projet défini avec eux par l’équipe éducative ».
Lilia Ben Hamouda