L’école a un rôle à jouer dans la question de la santé mentale, mais elle a aussi une responsabilité à assumer. Sans remise en question d’un système éducatif qui trie, stresse les élèves – Parcoursup en étant une des incarnations -, sans personnel médico-social, sans moyens pour alléger les effectifs, dans un système qui ne bouge pas, comment infléchir une situation alarmante et l’accélération de la dégradation depuis le confinement ? Le ministère a lancé les Assises de la santé scolaire. Elles se dérouleront en mai sous le signe de la concertation et du dialogue. Les chiffres des dernières enquêtes se passent de mots : les mots ne suffiront pas pour soigner les maux.
Des filles qui se sentent davantage mal
Une enquête ENclass réalisée sur près de 10 000 élèves du secondaire entre 2018 et 2022 a été publiée en 2024. Elle montre une baisse significative de la proportion de collégiens, et particulièrement des filles, qui perçoivent leur santé comme excellente par rapport à la période 2010-2018.
En 2022, 86 % des collégiens et 83 % des lycéens se sont déclarés en excellente ou en bonne santé en moyenne. Mais on observe une différence entre les filles et les garçons à l’avantage de ces derniers, surtout au lycée avec 13 points d’écart. 90% des garçons perçoivent en bonne ou excellente santé, contre 77% des filles.
Une étude de la Dress révèle que les hospitalisations pour geste auto-infligé (tentative de suicide, automutilation non suicidaire type scarifications, brûlures, coups contre un mur etc.) sont en forte hausse chez les jeunes filles de 10 à 14 ans depuis 2010. Les hospitalisations en psychiatrie suite à un geste auto-infligé ont progressé de 246% depuis la pandémie de Covd-19, entre 2010-2019 et 2021-2022. Les effets du confinement apparaissent sur leur santé mentale. On retrouve ces chiffres inquiétants chez les jeunes plus âgés (18-24 ans) dont le nombre souffrant de dépression a doublé depuis la crise du Covid-19 : selon le Baromètre de Santé publique France, un jeune sur cinq a présenté un épisode dépressif en 2021.
A peine plus d’une fille sur trois présente un bon niveau de bien-être en Terminale
En terminale, seulement 35,9% des filles présentent un bon niveau de bien-être. Elles sont plus de deux fois plus nombreuses à exprimer un sentiment de solitude (41,8% des jeunes filles contre 18,6% des garçons). Des difficultés à dormir touchent près de la moitié des élèves du secondaire (43 % des collégiens et 42 % des lycéens)
1 adolescent sur 7 présente de graves risques de dépression
14 % des collégiens et 15 % des lycéens présentent un risque important de dépression. La prévalence du risque de dépression était restée stable entre 2014 et 2018. Sur la période 2018-2022, elle a augmenté en passant de 5,2 % à 6,9 % chez les garçons et de 13,4 à 21,4 % chez les filles.
Une santé mentale qui se dégrade
Les comportements suicidaires chez les lycéens ont été étudiés dans le cadre de l’enquête. Un élève sur 4 interrogé (24,2 %) a affirmé avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Par ailleurs, près de 13 % des lycéens disent avoir tenté de se suicider avec une proportion deux fois plus élevée chez les filles (17,4 %) que chez les garçons (8,4 %).
Entre 2018 et 2022, la proportion de lycéens ayant rapporté des pensées suicidaires au cours de l’année écoulée a augmenté de manière significative, notamment chez les filles. Moins d’une fille sur 3 est concernée, et moins d’un garçon sur 4 : la proportion est passée chez les garçons de 13,3 % à 17,4 % et de 24,2 % à 30,9 % chez les filles.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte de nette dégradation de la santé mentale des collégiens et lycéens, entre 2018 et 2022, particulièrement chez les jeunes filles. Les facteurs de cette dégradation de la santé mentale sont certainement nombreux : pandémie et effet du confinement, attentats terroristes, crise climatique, exposition aux réseaux sociaux, pression scolaire.
3% des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble probable de santé mentale.
Des professionnels de santé en nombre insuffisant
Seuls 700 pédopsychiatres, pour 15 000 psychiatres, couvrent l’ensemble du territoire. En termes de prévention des troubles de santé mentale, il y a un médecin scolaire pour 16 000 élèves, au lieu d’un médecin scolaire pour 5 000 élèves. A Mayotte par exemple, il n’y a qu’un médecin scolaire pour 106 000 élèves. Une pédopsychiatre travaillant en CMPP en Seine-Saint-Denis constate une explosion des demandes et des délais d’attente qui ont doublé voire triplé, pouvant atteindre 1 à 2 ans. La demande pour les jeunes enfants est très forte. Une étude montrait qu’un enfant sur douze en maternelle était conerné par au moins un problème de santé mentale
Les chiffres sont éloquents et une action politique forte – dotée de moyens – est urgente pour prévenir, protéger et soigner les enfants et la jeunesse du pays.
Djéhanne Gani
Dans le Café pédagogique
Un enfant sur douze en maternelle était conerné par au moins un problème de santé mentale
Le dossier« Agir pour favoriser la santé mentale et le bien-être des élèves » du ministère de l’Éducation nationale
Projet MEN et Unesco
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