Lundi 18 septembre, le Sgen-Cfdt et la Cfdt-FEP donnaient une conférence de presse conjointe. Pour les deux syndicats de la fédération Cfdt, rien ne va dans cette rentrée : communication calamiteuse, manque de personnels, annonces sur la formation initiale et continue… Catherine Nave-Bekhti et Laurent Lamberdière font le point au nom de leurs syndicats respectifs.
Des personnels à bout deux semaines après la rentrée
Après deux semaines de classe, les équipes du SGEN-CFDT témoignent du manque de moyens dans tous les métiers : enseignants, AESH, PsyEN, administration. « Nous sommes à bien plus de 200 ETP (équivalents temps plein) manquants comme l’affirme le Ministre » déclare Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du syndicat. « Rien que dans un seul des départements de l’académie de Versailles, on dénombre 70 postes de professeurs des écoles non pourvus. Et partout, dans les collèges et lycées, il manque au moins deux enseignants ».
À cela commencent à s’ajouter les absences pour congé maladie, qui ne peuvent être remplacées faute de moyens, et les démissions de stagiaires et contractuels qui découvrent un métier auquel ils ne sont pas préparés. « On n’a même plus le temps d’accueillir les jeunes collègues, ils sont bousculés dès les premiers jours » déplore Sylvie Perron, secrétaire nationale du Sgen-Cfdt. Sans compter les départs à la retraite à la date anniversaire des professeurs des écoles depuis le 1er septembre qui ajouteront sans doute du désordre dans ce désordre. Dans le privé, le manque de transparence ne permet pas de cartographier les vacances de postes, selon Laurent Lamberdière.
Mais s’il manque des professeurs comme l’affirment aussi d’autres syndicats et le reconnait à demi-mot le ministre, la situation n’est guère mieux dans les académies et rectorats. Il manque également des personnels administratifs dans les services déconcentrés selon le Sgen-Cfdt. « L’épuisement de tous les personnels est perceptible, déjà, si tôt dans l’année. Mais cette situation n’est malheureusement pas nouvelle, elle s’inscrit dans la durée ».
À toutes ces conditions de travail dégradées, s’ajoutent les déclarations du Ministre et du Président très souvent éloignées des réalités des personnels. « Les promesses sont faites au public et on laisse les personnels faire face à l’impossibilité de les tenir. Cette déconnexion entre les discours politiques et la réalité contribue à la défiance envers l’institution » s’inquiète Laurent Lamberdière, secrétaire générale de la Cfdt-FEP. 85% des 800 enseignants de l’enseignement privé sous contrat interrogés lors d’un baromètre affirment ne pas avoir confiance dans le ministère pour améliorer l’école et 80% d’entre eux ne lui font pas confiance pour améliorer leurs conditions de travail, affirme ce dernier.
Formation initiale et continue : des déclarations déconnectées
Interrogée sur la volonté de modifier la formation initiale des professeurs, Catherine Nave-Bekthi estime que tout décrochage entre le premier et le second degré serait un très mauvais signal envoyé à la profession. « Lorsque le Président affirme vouloir s’orienter vers un concours en fin de licence, il se trompe sur les raisons de la pénurie de candidats ». Prenant appui sur une enquête de la Cour des comptes de 2022, la responsable syndicale montre que les premiers freins à la candidature des étudiants sont : la rémunération, les conditions de travail, le manque de reconnaissance. Le niveau élevé de diplôme n’arrive qu’en septième position. Pour le Sgen-Cfdt, qui demande un bilan des dispositifs en place tels que les PPPE (parcours préparatoire au professorat des écoles) et emploi avenir professeur, il faut proposé un master rémunéré pour accompagner l’entrée dans le métier. « Nous sommes attachés à une formation universitaire des professeurs pour les accompagner sur le volet recherche en éducation afin que cela nourrisse leur pratique ».
Concernant la formation continue, dont le Ministre a annoncé qu’elle n’aurait plus lieu sur le temps devant élèves, les deux syndicats déplorent une annonce qui vient chambouler le travail des formateurs, IEN, chef d’établissement… qui œuvrent sur les plans de formation depuis des mois. « Tous nos collègues ont le sentiment que leur travail est jeté à la poubelle quand début de septembre, on leur demande de tout revoir » s’agace Catherine Nave-Bekhti. « Et puis, la formation continue, c’est du travail. Elle a donc vocation à se dérouler sur le temps de travail ».
Pacte : pas beaucoup de volontaires
Concernant le Pacte, le syndicat estime qu’il entraîne un alourdissement de la charge de travail et une aggravation des inégalités entre premier et second degré et entre les femmes et les hommes. Et dans les deux fédérations, les constats convergent : beaucoup moins d’enseignants volontaires que le ministère n’en escomptait. « Certaines mesures annoncées ne seront donc pas mises en œuvre dans certains établissements », explique Laurent Lamberdière. Pire, la mise en place de ce dispositif déstabilise les établissements selon les deux responsables syndicaux. « Alors qu’il n’était déjà pas évident de trouver des professeurs principaux et des tuteurs de jeunes collègues, les collègues s’engagent moins cette année que les précédentes. Les missions, au regard de ce que sont rémunérées les missions prioritaires du Pacte, semblent beaucoup moins attractives financièrement ».
Les dynamiques de projet souffrent aussi de la focalisation du ministère sur les RDC – remplacements de courte durée. « Tant que les briques de RDC ne sont pas remplies, on ne peut enclencher les autres projets. Cela immobilise les dynamiques » explique Sylvie Perron, secrétaire nationale.
Pour rendre le métier attractif, les deux syndicats demandent la réouverture des négociations salariales. « Le fait de parler au passé n’augure rien de bon » déplore Catherine Nave-Bekhti. « On demande une revalorisation de toutes et tous sans condition. Il faut un triplement de l’ISOE et l’ISAE et un rattrapage pour tous les autres personnels ».
Ouvrir à nouveau une concertation sur l’attractivité prouve que ce qui a été fait l’an passé n’a pas fonctionné, analyse Laurent Lamberdière. « Les rémunérations des personnels doivent être revalorisées, certes. Mais il faut aussi leur ouvrir des perspectives de carrière, de mobilité ». « Il est légitime d’avoir envie d’aller voir ailleurs » ajoute la secrétaire générale du Sgen-Cfdt.
Lilia Ben Hamouda
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