Mardi 12 septembre s’est tenue la conférence de présentation du dernier numéro de « Regards sur l’éducation » publié par l’OCDE. Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE et son collègue Andreas Schleicher, directeur de l’éducation et des compétences, étaient présents. Voie professionnelle, dédoublement des classes, salaires des enseignants et enseignantes étaient au programme de la rencontre.
Professeur : un métier de moins en moins attractif
Le dernier « Regards sur l’éducation » montre que la crise d’attractivité des métiers du professorat que rencontre la France est loin d’être unique. C’est le cas dans la majorité des pays de l’OCDE, sauf l’Irlande et la Finlande qui tirent leur épingle du jeu.
Pourquoi un tel désaveu pour ces métiers ? Pour Éric Charbonnier, analyste à l’OCDE depuis 25 ans et spécialiste des questions d’éducation, plusieurs raisons expliquent cette situation. « La première est salariale. Mais ce n’est pas suffisant pour expliquer cette crise des vocations. L’exemple de l’Allemagne est assez frappant. Un professeur allemand touche deux fois plus qu’un enseignant français, pourtant l’Allemagne rencontre une crise d’attractivité inédite ».
Le métier enseignant est de plus en plus exigeant selon lui. « Il y a davantage de tâches administratives, une pression des parents plus importante mais aussi un manque de perspective de carrière. Les jeunes générations cherchent de la mobilité tout au long de la carrière. Le peu de perspectives offertes décourage les plus jeunes ».
En Finlande, pays qui s’en sort bien et où les enseignants sont payés juste un peu plus qu’en France, c’est la valorisation du métier qui expliquerait qu’il reste attractif. « Les professeurs bénéficient d’une formation de qualité. Ils bénéficient de toute l’information en matière de recherche en éducation, d’une formation continue adaptée à leurs besoins et ils sont valorisés. Tout cela mis à bout rend le métier plus stimulant intellectuellement et encourage les jeunes à s’inscrire dans une carrière d’enseignant » explique l’analyste. « En France, l’enjeu est certes salarial mais il y aussi la nécessité de développer les opportunités de développement de carrière, d’avoir une formation continue ciblée sur les besoins des enseignants. C’est en allant dans cette direction que l’on peut rétablir la confiance dans le métier ». « La société s’était rendu compte de l’importance des enseignants pendant le COVID, mais on a l’impression que tout est oublié, que le manque de considération a repris le dessus » déclare-t-il.
Une formation centrée sur les savoirs académiques
Pour Éric Charbonnier, les enseignants français sont peu préparés à enseigner lors de leur formation initiale. « La pédagogie fait défaut, les professeurs français sont peu préparés à enseigner mais ont un fort niveau de connaissances académiques ». Gabriel Attal a d’ailleurs évoqué le renforcement de la formation des enseignants – « pas sur le temps devant élève ».
« Je veux un choc des savoirs fondamentaux» a-t-il déclaré. « Les fondamentaux sont le fondement de tous les savoirs. On ne peut apprendre l’Histoire ou la philosophie si on a des lacunes en lecture et écriture. Maitriser ces savoirs passe par la formation des professeur. D’ici 2027, 100% des professeurs des écoles auront eu une formation en constellation sur les savoirs fondamentaux ». Le Ministre en a profité pour rappeler qu’il voulait une « refonte de l’offre formation continue » avec plusieurs parcours, plutôt qu’un bloc, et en format hybride – présentiel et distanciel.
Le qualitatif, mieux que le quantitatif
Les fondamentaux en France, c’est 58% du temps d’enseignement dans le premier degré. « On voit pourtant que cela a peu d’effets. Ce qui compte c’est le qualitatif et non le quantitatif » explique Éric Charbonnier. « La qualité d’un système d’éducation n’excède jamais la qualité de ses enseignants dit-on toujours à l’OCDE. Il faut invertir en priorité sur des enseignants bien formés, bien rémunérés et heureux – car cela joue sur la transmission du savoir, sur la qualité des apprentissages ». « Si on peut rajouter des dédoublements, tant mieux » ajoute-t-il en référence aux dédoublements des classes de GS, CP et CE1 dans les écoles REP françaises. « Il faut toujours associer des mesures qualitatives aux mesures quantitatives. Si l’on réduit la taille des classes, il important de penser la qualité d’éducation avec des groupes réduits. Il faut aller regarder dans les établissements où on réussit le mieux quelles pédagogies ont été mises en place, pourquoi les performances sont meilleures afin de pouvoir les appliquer au plus grand nombre ».
Mieux valoriser la voie professionnelle
Une partie du dernier numéro de la publication de l’OCDE évoque la voie professionnelle. Andreas Schleicher, directeur de l’éducation et des compétences de l’OCDE a rappelé que plus un pays propose de choix de filières dans la voie professionnelle moins il y a de chômage. « La France commence a rattrapé son retard avec 40% des jeunes engagés dans une formation professionnelle qui finissent leur formation professionnelle à l’école ». « Mais trop souvent la voie professionnelle est une voie de garage, avec pour conséquence des élèves qui décrochent plus » a-t-il ajouté. « Et puis il existe une différence de revenus importante entre les jeunes diplômés de l’université et ceux de la voie professionnelle. Ces derniers gagnent moins au début carrière et cela empire en fin de carrière. Sauf au Canada ou en Norvège, ce qui prouve qu’il existe des solutions ».
Gabriel Attal reconnait que la voie professionnelle manque d’attractivité en France. « C’est culturel » se défend-t-il. « Il faut que cela change. On a réussi à le faire avec l’apprentissage. Avant, on comptait 300 000 apprentis en France, aujourd’hui ils sont près d’un million. Il faut que l’on réussisse dans la voie professionnelle. Son image est dévalorisée par les gouvernements depuis des décennies. Ils ont accepté d’en faire une voie d’orientation subie avec un fort décrochage ». Pour le Ministre, la réforme du lycée professionnel permettra de « recentrer sur les fondamentaux dans de petits groupes » (on rappelle que cela dépendra de si le professeur signe le pacte ou pas), une plus grande « ouverture sur le monde avec des options » (qui là encore dépendront de si des professeurs sont pactés ou pas) et de valoriser financièrement les stages. « Tout cela concourt à une meilleure reconnaissance dans cette voie et à une plus grande persévérance scolaire. On change l’image, on agit ».
Éric Charbonnier abonde. « En effet, la vision de la voie professionnelle est souvent culturelle. Depuis plusieurs décennies en Allemagne ou aux Pays Bas, la formation professionnelle est valorisée, on peut même faire un Master de la voie professionnelle. En France, on a des filières qui réussissent pas mal mais les jeunes dont les parents sont faiblement éduqués sont majoritairement représentés dans ces filières, les garçons aussi – 60% des effectifs. Cela stigmatise ces filières ». « Il faut continuer à développer l’apprentissage tout en restant vigilant sur les fondamentaux. Les jeunes doivent être préparés à évoluer tout au long de leur carrière » conclut l’analyste. On voit mal comment rester vigilant sur les fondamentaux en apprentissage lorsque les élève ont une semaine de cours par mois en moyenne.
Lilia Ben Hamouda