L’Institut des Politiques Publiques sort aujourd’hui la note « Options attractives et ségrégation entre classes : quels effets de la suppression des sections bilangues et européennes à la rentrée 2016 ? ». Youssef Souidi, chercheur au CNRS et auteur de cette note, revient sur les résultats de son étude en exclusivité pour le Café pédagogique.
Vous avez étudié les effets de la fermeture des classes bilangues et européennes en 2016 sur la mixité intra-établissement. Quel est l’objet de cette étude ?
Nous voulions vérifier la part de ségrégation due à l’implantation de ces options dans les établissements. Certaines études montraient que ces dernières amplifiaient le phénomène de ségrégation dans les établissements – ce ne sont pas les seules raisons bien entendu, mais elles portent leur part de responsabilité. C’était l’un des arguments en faveur de la suppression de ces options dans les établissements hors éducation prioritaire. C’est d’ailleurs toujours un point de vigilance dans l’instauration d’options attractives dans les établissements.
L’idée était de voir à quel point ces options créaient de la ségrégation supplémentaire. A cette fin, nous nous sommes intéressés à la suppression des sections bilangue et européennes à la rentrée 2016. Nous avons regardé l’évolution de la ségrégation intra établissement dans les établissements ayant perdu leur section bilangue et/ou européenne et dans ceux n’en ayant jamais eu. Et on voit qu’effectivement il y a un écart de ségrégation. Un écart qui se résorbe totalement au moment de la suppression de ces sections bilangue et européenne. En moyenne, les sections bilangue et européenne créent de la ségrégation intra établissement mais c’est une moyenne qui cache de grandes disparités. Ces ségrégations intra établissement sont du fait d’un nombre limité d’établissements, ceux qui quand on leur donne la possibilité d’ouvrir ces sections créent beaucoup de ségrégation. Pour ceux qui font le choix de ne pas concentrer les élèves ayant choisi l’option dans une seule classe, la disparition de ces options a eu peu, voire pas, d’effet.
Mais alors, la suppression de ces sections a-t-elle vraiment amélioré la mixité intra établissement ?
Oui mais uniquement pour une partie des établissements: ceux dans lesquels ces options créaient de la ségrégation en entraînant des répartitions d’élèves très ségréguées. Dans les autres collèges, on n’observait pas de niveau de ségrégation supérieur à ceux ne proposant pas ces options.
Finalement, la ségrégation intra-établissement est du fait de la politique de répartition des élèves dans le collège et non de l’offre d’options attractives ?
En effet, la manière dont les chefs d’établissement décident de répartir les élèves entre les classes a une forte incidence sur la ségrégation au sein de leur établissement. On sait que les élèves choisissant ces options sont en moyenne issus de milieux plus favorisés que les autres. Alors si un chef d’établissement décide de créer une classe à option – c’est-à-dire de rassembler dans la même classe les élèves suivant la même option, il crée une de la ségrégation. Le retrait de ces options n’a eu de l’incidence que pour ces établissements.
Et que dire du plan Mixité dont l’une des mesures phare est l’installation de classes internationales dans des établissements ségrégués ?
Il y a, en effet, un point de vigilance à avoir sur la manière de créer de la mixité dans les établissements les plus évités.
Il faut que cela s’accompagne d’une politique de répartition entre les élèves de différentes classes et de sensibilisation des chefs d’établissements à cette question. Par exemple, le logiciel SIECLE, utilisé pour répartir les élèves, pourrait permettre une alerte sur la composition sociale des classes. Mais au-delà même de l’existence de ces options, on a noté que si la répartition était du fait du hasard, il y aurait plus de mixité dans les établissements. La question de la ségrégation intra établissement n’est pas seulement liée à l’existence d’options ou section. La mixité sociale doit donc être un élément important de composition des classes.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
Note IPP sur les ssections bilangue (5)