Ancien co-président de la FCPE, la question de l’école publique est chère au député Rodrigo Arenas. L’école publique mais aussi gratuite. La gratuité, c’est loin d’être une réalité pour les familles, surtout en cette période d’inflation qui fait gonfler la note des fournitures scolaires de près de 6 % (selon une étude de France info et France Bleu). Afin de porter haut et fort sa volonté de rendre effective cette gratuité, le député, accompagné du collectif École gratuite, a mis en ligne une pétition sur le site de l’Assemblée nationale. Si elle atteint les 100 000 signatures, la question sera à l’ordre du jour de la commission éducation, et si ce sont 500 000 signatures qu’elle récolte, c’est à l’hémicycle qu’elle sera débattue. Il explique sa démarche au Café pédagogique.
Alors que le prix des fournitures explose – on parle d’une augmentation de 11% – cette période de rentrée rappelle aux familles la réalité des frais engagés pour la scolarité de leurs enfants. La NUPES porte un projet de loi pour une école vraiment gratuite. De quoi s’agit-il ?
Il y a deux angles. Aujourd’hui, la question de la gratuité est d’actualité du fait de l’inflation et de la précarisation des familles. Il faut aider les pauvres, les familles les plus précaires, sauf que ce système d’aide sociale existe déjà, avec l’ARS, les quotients, ce que les villes mettent en place – fournitures offertes à Stains ou Clichy-sous-Bois, cantine gratuite à Saint-Denis… Mais tout cela n’est pas en mesure d’empêcher les inégalités sociales à l’école ni les inégalités scolaires car les deux sont liées. Les inégalités sociales provoquent des inégalités scolaires. Je me suis donc appuyé sur des recettes qui ont été appliquées dans d’autres pays et qui fonctionnent. Le pays que je prends comme modèle, c’est la Finlande. En Finlande, l’intégralité des frais liés à la scolarisation d’un enfant, de la maternelle à l’université sont pris en charge. Cela ne veut pas dire que c’est gratuit, mais que cela est pris en charge par la puissance publique.
L’idée de la gratuité intégrale, c’est qu’un enfant, quelle que soit la famille dans laquelle il nait, le territoire où il habite, ait accès à la même école.
Quels sont les freins à cette prise en charge par les puissances publiques ?
Il faudrait qu’en France, culturellement, on accepte l’idée que l’enfant a des droits, que l’adulte a une dette éducative. L’Etat doit se mobiliser pour cela. C’est un problème politique. Il s’agit de faire comme pour le RSA. C’est un droit universel et national, avec un financement d’Etat mais mis en œuvre par une collectivité territoriale. La Proposition de Loi de la NUPES « pour une éducation gratuite » d’août 2022 a été estimé à 8 milliards d’euros englobant les sorties, les vacances, la cantine et les fournitures. Mais avec l’utilisation du 49.3, cette question n’a pas été étudiée.
Il y a deux barrières. Une barrière culturelle, qui est liée à la méritocratie, à l’élitisme, sur les fondements de l’Ecole de la République. Une barrière d’ordre technique : les collectivités ont peur de se faire déposséder de leur expertise. Pour le budget, il s’agit de celui de la Nation, ce sont donc des choix politiques, je ne dis pas qu’il faut plus d’impôt, mais une meilleure répartition des richesses. Il faut hiérarchiser les priorités. La priorité numéro 1, c’est l’éducation. Les adultes ont la responsabilité de prendre soin de l’enfant. On n’investit pas dans un enfant, ce n’est pas un business. L’État doit protéger les enfants et les éduquer. Et cela ne peut pas dépendre des élus locaux, car toutes les villes n’ont pas les moyens. Ce qui est bon à Marseille ou Stains où les fournitures sont gratuites, Saint Denis où c’est la cantine qui est gratuite, est aussi bon pour les autres villes. Ce système est inégalitaire, il organise et structure institutionnellement une différenciation entre les enfants. Ce n’est pas la même chose quand un élève a fait un voyage scolaire et pas l’autre. Le fait de ne pas avoir de droit commun contribue au renforcement des inégalités de traitement des enfants. Le système est à bout, il faut passer à autre chose, c’est indispensable.
Vous avez lancé une pétition « école gratuite », qu’en est-il ?
J’ai mis en place une pétition sur le site de l’Assemblée nationale, avec le collectif « école gratuite ». un collectif qui regroupe des parents d’élèves, des élus locaux et des associations. C’était nécessaire pour que cette question soit étudiée à l’Assemblée nationale. Si on fait 100 000 signatures, elle sera étudiée en commission éducation, si on en fait 500 000, elle sera étudiée en séance publique dans l’hémicycle. Sauf en cas de 49.3 ce qui signifierait que le budget de l’Education nationale ne sera pas, encore, étudié à l’assemblée.
On fait un tour de France. Sur fond d‘inflation, il y a une concordance pour que cette idée devienne nécessaire, avec l’angle social, ou l’angle d’un droit des enfants, un droit inaliénable. La cantine, une sortie, un voyage scolaire, ce sont des lieux d’éducation. C’est un droit, qui ne doit pas dépendre du revenu des familles ou de l’aide sociale. Quand un professeur décide de faire une sortie scolaire, c’est parce qu’il y a un intérêt éducatif dans le cadre de la liberté pédagogique pour comprendre et appréhender les programmes. Ce n’est pas une sortie de loisir, mais d’éducation.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
Une pétition pour une école gratuite