« Je croyais dans l’émancipation par l’Ecole ». Professeur d’histoire-géographie très investi, au point de nous laisser de nombreuses séquences pour le collège, Lucas Sambre ne fera pas cette rentrée. Il a quitté l’Education nationale désillusionné, principalement à cause de la violence de son management. Pour autant, avoir été enseignant a aidé à sa nouvelle carrière.
Un professeur très investi
Pourquoi un professeur d’histoire-géographie hyper investi auprès de ses élèves abandonne t-il ses classes et son métier ? Rentrée 2023, Lucas Sambre ne retrouvera pas le collège de Sauzé-Vaussais (Deux Sèvres). Il a démissionné et est devenu attaché territorial en partie grâce à ses années d’enseignement.
Pourtant, Lucas Sambre s’était beaucoup investi dans le métier d’enseignant. A preuve il laisse un site qui regorge de séquences pour les 4 niveaux du collège. Lucas Sambre utilisait son site, « Histoire-géographise moi« , « comme un manuel, de façon quasi automatique pour les élèves« . Après une capsule vidéo d’introduction, les élèves suivaient un plan de travail qui aboutissait à une carte mentale ou un exercice à trous.
Un enseignement basé sur le numérique
« J’aimais le côté ludique et cela rendait les élèves autonomes« , explique L Sambre. « Cela me libérait du temps pour aller voir les élèves, leur donner un coup de pouce, prendre à part les élèves en difficulté« , nous dit-il. Avec le temps, L Sambre avait appris à différencier les exercices et à les adapter aux élèves dys ou allophones.
Dans ses débuts, à Mantes-la-Jolie, ces plans de travail étaient une façon de canaliser des élèves très dynamiques. Plus tard, à Sauzé-Vaussais, les séquences sur tablettes étaient davantage un outil pour différencier et aider des élèves en difficulté avec l’écrit.
« Mais, partout, cela me donnait le temps de nouer des liens personnels avec les élèves« , explique-t-il. « Les rapports étaient meilleurs et c’était plus en rapport avec ce que j’attendais de l’Ecole« . Tout cela c’était avant. Après 6 années d’enseignement, Lucas Sambre a quitté l’éducation nationale pour aller voir ailleurs.
Violentes désillusions
C’est que Lucas Sambre attendait beaucoup de l’institution scolaire. « J’étais un élève qui s’était réalisé dans l’Ecole. C’était mon seul domaine de compétence« , nous confie t-il. « Je croyais qu’on pouvait par l’Ecole faire des choses intéressantes, émanciper les élèves et pas seulement en faire des travailleurs obéissants« .
« Mais, lors de ma carrière d’enseignant, j’ai vu des choses très violentes« , ajoute-il. Il a vu ses anciens élèves de Mantes-la-Jolie humiliés et mis à genoux par la police dans un épisode ancré tristement dans les mémoires. « L’Education nationale a laissé faire. Mon propre chef d’établissement a fait pression pour que l’on n’aille pas au rassemblement de soutien. Il y avait la volonté de mettre une chape de plomb sur cet événement. Ensuite j’ai connu un management violent. J’ai vu aussi la violence du système éducatif pour les élèves. La plupart voient l’Ecole comme quelque chose de violent. Tout cela m’a désillusionné« .
Et ça ne s’est pas arrangé à Sauzé-Vaussais. Juste à coté, il y a Melle. « J’ai habité Melle. et j’ai bien connu les 4 professeurs de Melle« , explique t-il. On se rappelle les sanctions prises contre les 4 enseignants de Melle qui s’étaient opposés à une réforme du bac officiellement mise en morceaux actuellement. « Cela m’a confirmé la violence de l’Education nationale. La politique de JM Blanquer n’a rien arrangé« .
La dernière violence est plus intime. Lucas Sambre s’est rendu compte qu’il n’arriverait pas avant très longtemps à se rapprocher de sa compagne qui habite le département voisin de la Charente Maritime. « Dans un contexte où il y a si peu de recrutement, j’ai compris qu’avoir un poste dans le 17 serait très long« .
L’enseignement un atout pour changer de métier
A la fin de l’année scolaire dernière, Lucas Sambre quitte l’Education nationale et devient attaché territorial. Il ne pense pas revenir. Son nouveau poste est plus en accord avec ses valeurs. Et il a fait des choix de vie différents. « J’aime apprendre un nouveau métier et j’aime avoir une vie équilibrée avec une meilleure vie privée« , nous confie t-il.
Si le passage par l’Education nationale a sa part d’amertume, Lucas Sambre ne le regrette pas. »Mon expérience de professeur a été valorisée lors de mon recrutement. Je ne pensais pas que cela m’aiderait. Or c’est ce qui a intéressé le plus dans mon CV. Mon employeur y a lu une capacité à rédiger, à mener des réunions, à faire des synthèses« , nous dit Lucas Sambre. « J’ai rencontré des gens formidables à l’Education nationale et des élèves qui m’ont marqué. J’ai beaucoup appris ».
Lucas Sambre n’oublie pas ses anciens collègues. Il laisse son site, et toutes ses séquences de collège, à disposition. En profiter c’est aussi affirmer son choix.
François Jarraud