Aurélie Badard est heureuse de retrouver son lycée. Elle a hâte de rencontrer ses nouveaux élèves malgré les « ritournelles et autres marronniers de la rentrée qui pourraient freiner ses ardeur ».
Mes chaussures de randonnée sont remisées momentanément.
Mon agenda papier professionnel est déjà prêt … pas compliqué, tous les ans, début juillet, j’achète le même presque religieusement depuis 27 ans, m’autorisant juste une fantaisie sur la couleur. Mes progressions et mes cours ont été revus cet été.
Donc, après des vacances revigorantes, cette pause et ce silence essentiels entre 2 notes de musique, me voilà prête à renfiler mon costume de chef d’orchestre bien qu’un peu usé.
Toujours portée par cette envie presque intacte, je vais de tenter, encore une fois, au sein de mes classes, d’imposer une mélodie qui me ressemble : constructive, cadencée, évolutive et surtout harmonieuse !
Et ce matin, à quelques jours de la rentrée, en pleine répétition, je me dis, sans aucune ambiguïté, qu’il est bon de reprendre le chemin de l’école.
Rejouer les mêmes notes mais créer un nouveau morceau
Cette année, étant en lycée, j’aurai 5 classes soit environ 150 élèves. Cela peut sembler beaucoup mais c’est peu par rapport à mes collègues exerçant en collège qui en ont parfois le triple !
Pour chaque classe, il va falloir enseigner des connaissances parfois complexes mais aussi transmettre des compétences dont les bases du savoir-être et des valeurs en utilisant les outils les plus adaptés. Ensuite, pour chaque élève, il faudra trouver le bon ton dans une gamme relativement large de la fermeté abusive à la bienveillance vertigineuse pour l’encourager à s’impliquer dans ses apprentissages.
L’hétérogénéité des classes, surtout en 2de générale et technologique, impose une certaine dextérité car il s’agit de faire jouer sur une même partition des virtuoses et des novices. Bon, clairement, ce n’est pas possible car certains n’arrivent même pas à lire les notes de cette douce musique !
Alors, malgré des effectifs importants, il faut différencier : pour sustenter les plus performants et pour être comprise des plus fragiles. Ce travail d’ajustement est très intéressant et il permet parfois de rattraper certaines lacunes quand l’élève travaille avec constance et que d’autres problématiques (de concentration, de disponibilité, de mémorisation ou de sécurité affective) ne nuisent pas à ses apprentissages.
Ce métier d’enseignant, même s’il n’est pas tous les jours facile, procure un sentiment galvanisant d’utilité et cela reste réellement très stimulant de se mettre au service d’une mission qui nous dépasse.
Faire appel à sa créativité et à son sens de l’écoute, garder le bon tempo, instaurer un climat de travail respectueux, c’est notre ordinaire et c’est notre plaisir !
Ce challenge de faire progresser tous les élèves est assez exaltant mais il entraine aussi beaucoup de frustration car, malgré toute l’énergie qu’on met à cette tâche ardue, nous essuyons parfois des échecs cuisants et nous ne sommes pas toujours aidés par un système global qui introduit dans la partition une dissonance qui nous échappe.
Un système global qui n’aide pas à l’harmonie
Je crois que nous ferions véritablement « le plus beau métier du monde » si certains arbitrages n’ajoutaient pas quelques fausses notes à notre quotidien. Je souhaiterais encore m’arrêter sur 2 points au risque de passer pour le 45 tours tout rayé d’une vieille chanson mélancolique.
Pour moi, ce qui fait la part belle au privé, ce ne sont pas uniquement les absences des professeurs, comme notre Président semblait le suggérer dans l’article du Point daté du 24 Août, c’est aussi la qualité du recrutement des enseignants et l’organisation des enseignements. Les parents sont en attente (et c’est bien légitime) de professeurs aux connaissances solides, formés, motivés devant toutes les classes. Le recrutement dans le secondaire reste problématique et ceci n’est pas uniquement lié à la rémunération. L’absence de reconnaissance qui entraine le découragement « de ceux qui travaillent très bien » n’aide pas à donner une image positive de ce métier.
Et on ne parle jamais de la mobilité géographique qu’impose un concours national dans le secondaire ? C’est un frein majeur à l’entrée dans ce métier. Un concours local existe dans le primaire, pourquoi ceci ne serait-il pas envisageable dans le secondaire ?
Second point, a mise en place du Pacte interroge depuis le mois de juin et divise déjà. Ce « machin » relativement lourd à mettre en place qui va entrainer des ½ journées de concertations (et donc des absences de professeurs, c’est un comble) clive déjà les équipes dans les établissements scolaires. Le bon sens ne serait-il pas de diminuer les effectifs de toutes les classes au lieu de saupoudrer des heures pour des projets ne concernant qu’un nombre d’élèves relativement restreint ?
Le Pacte qui a pour objectif premier d’organiser le remplacement des enseignants absents est-il vraiment nécessaire ? Pourquoi ne pas revenir à un nombre de TZR (titulaire d’une zone de remplacement) à la hauteur des besoins réels ? Il suffirait peut-être, en parallèle, de prévoir un nombre d’heures supplémentaires effectives important et, grâce aux outils numériques, de proposer aux enseignants disponibles (mais surtout volontaires) de remplacer leurs collègues. Cela fonctionne très bien au collège dans le cadre des RCD (Remplacements Courte Durée).
Malgré tous les bémols que j’émets régulièrement dans un souci de constat de réalité, je sais aussi me féliciter des annonces récentes concernant le calendrier du baccalauréat. Notre travail (et celui des élèves) était devenu très difficile en nous imposant un rythme « prestissimo » jusqu’en avril pour terminer l’année « lento » avec un orchestre de chambre réduit à son minima.
Le fait de reconnaitre une erreur stratégique quant au choix de calendrier me permet d’être optimiste sur l’introduction musicale de notre nouveau ministre qui devrait poser les bases et l’atmosphère de la suite d’un récital réussi.
Pour conclure, je voudrais dire que malgré les ritournelles et autres marronniers de la rentrée qui pourraient freiner mes ardeurs, je reste vraiment impatiente de retrouver mes anciens élèves et d’en découvrir de nouveau. D’apprendre à les connaître et de m’enrichir à leur contact comme j’espère qu’ils le feront au mien.
J’ai hâte de les saluer un à un à l’entrée de ma salle de classe et de leur dire « Je serai votre professeure tout au long de cette année scolaire et je me réjouis déjà des bons moments de travail que nous allons passer ensemble parce que ça peut être vraiment très chouette de faire de la physique-chimie ».
Cette année, je vais continuer à être « une professeure, une simple professeure qui pense savoir est un grand trésor ».
Aurélie BADARD
Professeure de physique chimie