Julie Villanueva est professeure d’allemand en Bourgogne. Elle a fait sa 14e rentrée en Saône et Loire, dans deux petits collèges ruraux, l’un à Charolles, l’autre à la Clayette. Elle a obtenu un poste fixe à Charolles après 4 années dans un établissement APV, donc des points nécessaires pour sa mutation. Elle enseigne en LV2 et en classe bilangue, elle précise qu’elle a bataillé, cette année encore pour obtenir 3h d’enseignement de l’allemand en classe bilangue, comme cela est préconisé dans les textes officiels. Julie évoque la question des effectifs et de la promotion de l’allemand, qui est toujours source d’angoisse. Elle a passé et obtenu l’agrégation en 2021. Elle présente au Café pédagogique quelques projets pédagogiques menés et son expérience de professeure d’allemand.
Un projet collectif de «Cogni-classe »
Julie participe à un projet innovant de Cogni-classe qui vient d’être mis en place dans son collège. Ce projet est un projet commun à l’ensemble de l’équipe pédagogique qui a bénéficié de formations basées sur les MOOC et de formations d’établissement cette année et l’année dernière. Une partie de la formation sur les cogni-sciences a eu lieu en présentiel dans l’établissement et l’autre en ligne. Le collège est équipé en tablettes. Cette année, 2 niveaux seront concernés par la « cogni-classe ».
Julie est intéressée par le sujet du numérique en cours et a donc pu approfondir ce sujet et mettre en pratique des expérimentations avec ses classes. Elle précise que la question de la mémorisation lui est essentielle. Dans l’apprentissage et dans l’enseignement d’une langue étrangère, l’acquisition du lexique est en effet un point central. Pour Julie, ce projet a créé « une forte dynamique de collectif ». Elle constate « beaucoup d’effets positifs, dont une dynamique à échanger entre collègues et à apprendre pour les élèves ».
Dans ses cours d’allemand, Julie a décliné de nombreuses pratiques, communes avec ses collègues pour donner des méthodes de mémorisation à ses élèves, appliquant les formations de l’année. Julie a mis en place et décrit les outils suivants : un cahier de réactivation, à la fin de chaque séance, une question de cours que les élèves doivent retenir est notée, et cette question est à réactiver à plusieurs échéances par un professeur, J+1, J+7, J+30, J+45, J+60 .. qui n’est pas forcément celui de la discipline en question pendant 5 minutes max. en début de séance, la fiche-mémo avec 2-3 colonnes, question/réponse, qui reprend une définition, une date, des mots de vocabulaire, un point de grammaire, fiche que les élèves vont utiliser en autonomie. Cette pratique est donc une pratique collaborative partagée par l’ensemble d’une équipe pédagogique.
En cours d’allemand, Julie utilise régulièrement les fiches mémo qu’elles réactivent avec des courts tests sur Kahoot en début ou fin de séances ou de séquences. Des QCM en autonomie ou en classe (Kahoot, Plickers, Pronote (ENT)) permettent aux élèves de se tester, pour le vocabulaire, par le jeu également en dessinant ou mimant pour deviner le mot. Julie utilise plusieurs outils, des blind tests par exemple pour le bruit de l’animal à nommer, mais aussi une balle ou un dé associé à des questions pour ne pas avoir un usage exclusif des outils numériques.
Deux échanges franco-allemands : numériques et des rencontres entre élèves
Julie organise un échange franco-allemand dans les deux collèges où elle enseigne. Depuis 4 ans, le collège de Charolles est jumelé avec une Realschule (école du secondaire pour les élèves qui feront des études plutôt courtes, souvent de type technique) Gerolstein. Ce jumelage a été monté grâce au comité de jumelage d’une ville voisine : Digoin. Le collège de La Clayette est jumelé avec une école de la ville jumelée Göllheim en Rhénanie-Palatinat. Ces échanges permettent aux élèves d’avoir un contact concret avec l’Allemagne et les Allemands. Les élèves échangent des lettres et des mails. Des rencontres sont organisées en France et en Allemagne. «Pour le collège de La Clayette, après une longue pause puis un séjour à Göllheim annulé en 2020 à cause du Covid, les élèves ont enfin pu se rencontrer en 2023 grâce à la venue des correspondants allemands. Pour le collège de Charolles, les élèves français se sont déjà rendu 4 fois à Gerolstein. Les professeures allemandes cherchent à venir découvrir la région mais pour l’instant, cela n’a pas encore pu se réaliser car il leur est difficile de financer un bus.» Julie souligne l’importance du rôle du comité de jumelage dans ses deux échanges. Ses parents ont appris l’allemand, sont devenus ensuite membres actifs du comité de jumelage de leur ville et ont régulièrement pris part aux échanges proposés avec l’Allemagne. Après plusieurs contacts lors de la venue des allemands dans sa famille, Julie est ensuite partie en Allemagne dans ce cadre-là. « Les échanges, c’est épuisant mais je n’arrêterai pour rien au monde, les élèves sont transformés en revenant ; il n’y a que quand les élèves sont en Allemagne qu’ils réalisent vraiment les cliché infondés qu’ils ont sur les allemands. Des liens se créent entre élèves. C’est vraiment le plus. »
Cependant, Julie constate qu’organiser des échanges avec hébergement en famille est de plus en plus difficile: «des élèves, français comme allemands, refusent de participer par peur d’être seul dans une famille et de moins en moins de familles sont prêtent à recevoir un élève. Du coup, jusqu’à présent, l’hébergement à Gerolstein a eu lieu en auberge de jeunesse afin d’avoir suffisamment d’élèves volontaires pour que le voyage puisse avoir lieu. Cela est bien dommage que l’hébergement en famille d’accueil (non rémunérés dans le cadre d’un jumelage) a deux gros avantages : le prix du séjour est bien moindre pour les familles et les élèves ont beaucoup plus d’opportunités de parler allemand et donc de progresser. Pour le prochain séjour, je souhaite proposer les deux types d’hébergement car lorsqu’un premier contact a eu lieu, les élèves sont plus enclins à se rendre chez un élève allemand avec lequel ils ont sympathisé et gardé contact. Je ne perds pas espoir !»
Julie a également des élèves qui régulièrement postulent à des échanges individuels. L’Académie de Dijon propose l’échange Romain Rolland : les élèves reçoivent un correspondant de Rhénanie-Palatinat (Bundesland jumelé avec la Bourgogne) durant jours puis se rendent chez ce correspondant pour 15 jours. Les élèves suivent ainsi les cours du pays d’accueil. «C’est la durée idéale pour des collégiens ! L’année dernière, deux élèves, un dans chaque établissement, ont pris part à l’échange Voltaire, organisé par l’OFAJ. Ils ont donc passé 6 mois en Allemagne sur leur années de 3ème puis ont accueilli durant 6 mois leur correspondant allemand sur leur année de 2nde. Rien de tel pour progresser et tisser de vrais liens d’amitié !»
Un engagement dans les projets d’établissement, de mobilité et dans la promotion de l’allemand
Julie est engagée dans les projets d’établissement, comme celui de la « cogni-classe », mais aussi dans les projets de mobilité pour les élèves. Elle est également, comme tous les professeurs d’allemand, engagée dans la promotion de la langue allemande auprès des classes de CM2 et de 6eme pour garder des effectifs suffisants en bilangue comme en LV2. Elle aussi, dit « se battre pour avoir des heures, des élèves, on a des élèves motivés, alors on reste motivés » même s’il est « difficile d’être optimiste ».
Djéhanne Gani
Numérique ludique pour l’apprentissage des verbes forts en cours d’allemand