Lors de sa traditionnelle conférence de rentrée, le Snes-FSU s’est attaché à débunker les approximations du Ministre : rien n’assure que le remplacement de courte durée sera assuré ni même qu’il y aura un professeur devant chaque classe lundi prochain. Le syndicat profite de l’occasion pour avertir Gabriel Attal que le dossier des salaires est loin d’être clos et pour alerter sur l’attaque que subit le collège unique.
Pour Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, les discours « des ministres Gabriel Attal et Emmanuel Macron » sont de l’ordre du discours, bien loin de la réalité. « Ils promettent qu’il y aura une professeur devant chaque classe mais on s’aperçoit que dans les rectorats, on bricole encore pour tenir cette promesse » tacle la responsable syndicale. « Et même s’il y a un professeur devant chaque classe, c’est à quel prix humain et pédagogique ? ». Autre promesse qui ne sera pas tenue, celle du remplacement systématique des absences de courte durée. « Chaque jour, chaque élève aura bien un professeur mais c’est une tromperie et ce à deux titres. Le premier, c’est qu’il ne s’agit pas d’un remplacement poste pour poste. Un professeur de mathématiques est absent, il peut être remplacé par un cours d’arts plastiques. Autre tromperie, le fait de proposer des séquences pédagogiques numériques encadrées par un surveillant. Outre les AED qui ont beaucoup à faire, peu de salles informatiques sont suffisamment bien équipées pour ce type de dispositif ». « Finalement, le gouvernement réinvente la permanence en 2023 » ironise Sophie Vénétitay. « On peut et on doit avoir une meilleure ambition ».
Revalorisation : encore loin du compte
« Les collègues ont compris que Pacte n’était pas revalorisation, qu’il allait faire beaucoup de mal à leur métier, qu’il allait attaquer les statuts, qu’il allait aggraver les inégalités entre les hommes et les femmes… » explique Emmanuel Séchet, secrétaire générale adjoint. « Pap Ndiaye avançait 30% de profs pactés voire 40%. On a eu confirmation que ce n’était pas le cas par son équipe avant son départ ».
« La revalorisation, c’était 10% sans contrepartie selon la promesse du candidat Macron. Finalement ce sera 5,5% en moyenne. Même avec le dégel du point d’indice, on est toujours très loin » détaille le responsable syndical. « Ce n’est pas ce qui résoudra la crise d’attractivité. Gabriel Attal semble avoir fermé la discussion sur les salaires, il pense que le sujet est derrière lui, il se trompe. On n’accepte pas de clore ce dossier ».
Contrairement à ce qu’a affirmé le matin même le ministre devant les journalistes, tous les profs ne seront pas au-dessus de 2000 et 2100 euros dénonce le syndicat, les stagiaires qui seront à temps plein devant leur classe toucheront 1880 euros. Le Snes-FSU évoque aussi « un écrasement des carrières ». « Il faudra dix-sept ans pour qu’un professeur titularisé passe de 2100 à 2500 euros » explique Emmanuel Séchet. « Pour les AESH, il faudra attendre 12 ans d’ancienneté pour passer de 960 à 1000 euros. Et quant aux AED, ce sont les grands oubliés de la revalorisation. Outre l’augmentation de 1,5% du point d’indice, c’est niet pour elles et eux ».
Vers la fin du collège unique ?
« La suppression de la technologie amorce une réforme du collège à bas bruits du collège » dénonce Gwénaël Le Paih, secrétaire général adjoint. Pour le Snes-FSU, ce qui se profile, ce n’est rien de moins qu’un collège à deux vitesses. « L’un avec une rentrée anticipée pour les élèves les plus fragiles, du soutien pour ces mêmes élèves qui seront très certainement un peu plus nombreux dans l’accompagnement aux devoirs qui ne sera pas obligatoire toute l’année, des élèves qui seront aussi certainement un peu plus sensibilisés au dispositif découverte des métiers… Les plus à l’aise pourront approfondir les programmes dans le cadre des heures de soutien/approfondissement » argumente le responsable syndical. « C’est une véritable offensive contre le collège unique ».
Le projet porté par le syndicat, c’est un collège où les élèves « apprennent ensemble de façon progressive autour de savoirs porteurs de culture commune qui leur permettent de découvrir l’ensemble des disciplines de manière organisée et progressive. Le Collège unique c’est apprendre ensemble le plus longtemps possible au moins jusqu’à la fin de la troisième ». « La suppression de la technologie montre dans quel état d’esprit se place le ministère : supprimer des disciplines pour les resserrer autour de savoirs fondamentaux, certes utiles, mais qui ne permettent pas à tous les jeunes de s’y retrouver. Travailler l’ensemble des disciplines permet de progresser, de réussir et de se projeter » complète Gwénaël Le Paih. « L’ensemble des mesures prises au collège, au lycée et dans la voie professionnelle démontrent la construction d’un système inégalitaire, qui fait du tri social. On voit se dessine un collège qui trie en fonction des capacités supposées des élèves ».
Bac en juin et abaya
Concernant les différentes annonces du ministre et du Président, le syndicat se réjouit du retour des épreuves de spécialité en juin, qui est le signe que « la mobilisation paie ». « C’est enfin acté même s’il reste de nombreuses questions, notamment la question des programmes » se réjouit Sophie Vénétitay.
Interrogé sur le port de l’abaya, « on a le sentiment qu’il n’a pas voulu parler d’abord aux professeurs. Il a valu se placer dans un agenda politique » répond la responsable syndicale. « La questions des abayas n’est ni à sous-estimer ni à surestimer » reconnait-elle « Mais ce n’est pas le principal problème de cette rentrée. Les vrais problèmes, ce sont les effectifs, les professeurs qui manquent et comment on va assurer le déroulement de l’année ». Le syndicat estime que sur ce sujet épineux, « il faut jouer la carte du dialogue ». « Si ces élèves se tournaient vers des établissements confessionnels dans le privé, ce serait l’échec de l’école républicaine car elle n’aura pas été capable de bien expliquer les choses et les accueillir ».
« Gabriel Attal se qualifie d’audacieux » conclut Sophie Vénétitay. « Être audacieux c’est mettre en place un plan de reconnaissance des métiers avec une revalorisation à la hauteur, c’est baisser les effectifs, c’est faire vivre le dialogue social. Il arrive à un moment où les personnels et l’École vont mal. On attend qu’il entende nos alertes, qu’on ne rejoue pas la séquence du baccalauréat. Il serait terrible qu’on sacrifie encore des générations d’élèves. On veut que les choses avancent dans l’intérêt de ces derniers et des collègues ».
Lilia Ben Hamouda