« Ces propositions doivent être évaluées dans le contexte récent : publication des IPS soulignant les profondes inégalités scolaires et sociales en France et, bien sûr, les émeutes des quartiers révélatrices des fractures de notre société ». Pour Marc Douaire, président de l’Observatoire des Zones Prioritaires, une association regroupant les acteurs de l’éducation prioritaire, le rapport d’Agnès Carel ne remet pas en cause l’éducation prioritaire et en souligne la pertinence.
Des points positifs
Ce rapport ne se situe pas dans la perspective d’une remise en cause générale de l’Education prioritaire. Au contraire, il en souligne la pertinence des principes d’origine et la nécessité de poursuivre cette politique.
Les points d’attention soulignés par le rapport reprennent des critiques et des propositions avancées par l’OZP depuis des années en particulier :
- Le temps nécessaire à la mise en œuvre d’une politique publique
- La nécessité de procéder à une évaluation générale et régulière de cette politique ce que le ministre Blanquer s’est refusé de faire en 2019.
- L’organisation d’assises nationales de l’éducation prioritaire avec tous ses acteurs
- L’engagement d’une politique spécifique en faveur des très jeunes enfants
- La révision régulière de la carte de la géographie prioritaire à partir de critères reconnus.
La critique des dédoublements
Le rapport procède à une critique assez sévère de la politique des dédoublements de classes engagée en 2017 et présentée comme la quintessence de la politique d’éducation prioritaire d’Emmanuel Macron. Rappelons que cette politique s’est engagée en déconstruisant le dispositif « Plus de maîtres… » sans l’évaluer. Le rapport préconise d’ailleurs le développement du co-enseignement, critique évidente de la mise en place de cette politique de dédoublements. L’extension de ce dispositif aux PS et MS de l’école maternelle est une proposition judicieuse mais il faut, pour la mettre en œuvre, en déterminer les moyens nécessaires : effectifs allégés, locaux adaptés, formation spécifiques des personnels enseignants et des Atsem.
Des propositions intéressantes
Pour consolider cette politique, le rapport préconise de créer un programme spécifique dans la mission enseignement scolaire du budget de l’Education nationale.
Autres propositions qui méritent l’attention : la nécessité de développer la notion de réseau, le renforcement du pilotage, la préparation à l’exercice professionnel en E.P à la fois en formation initiale et en formation continue, l’importance du référentiel bien que le rapport soit peu disert sur l’importance des projets de réseaux permettant d’inscrire la continuité des apprentissages pour les élèves.
Il faut souligner la reconnaissance, peu habituelle dans les discours officiels, de l’implication et du professionnalisme des acteurs de l’éducation prioritaire.
Un rapport lié au contexte ?
Quelles perspectives ? C’est évidemment la partie du rapport qui va prêter le plus à discussion. D’une part, en affichant la volonté de donner beaucoup plus de souplesse aux établissements il risque de remettre en question, de fait, la possibilité même de faire réseau. Cette souplesse se substituerait-t-elle à la nécessité d’affirmation d’une politique nationale ?
D’autre part, le rapport propose une reconfiguration de la politique d’éducation prioritaire en la recentrant sur les Rep+ ( comme le préconisait le rapport Mathiot), en supprimant les Rep au bout d’une période de trois ans et en incitant les recteurs à systématiser l’allocation progressive des moyens… tout en remettant en cause les CLA. Ces propositions doivent être évaluées dans le contexte récent : publication des IPS soulignant les profondes inégalités scolaires et sociales en France et, bien sûr, les émeutes des quartiers révélatrices des fractures de notre société.
Marc Douaire