« Les services publics, c’est l’intérêt général. Ce n’est pas la somme des intérêts individuels comme le pensent bon nombre d’élus de la majorité ou de la droite » déclare Christine Arrighi lors de la conférence de presse présentant une tribune en faveur du statut général de la Fonction publique. « C’est l’idée même de ce que représente l’intérêt général, celui pensé à l’après-guerre, qui est en danger ». Cela fera 40 ans le 13 juillet prochain que le statut général de la Fonction Publique a été institué par Anicet Le Pors. L’occasion pour une soixantaine d’élus politiques, syndicaux et de la vie associative de rappeler leur attachement aux fonctionnaires et au service public. Ils signent une tribune qu’on ne peut trouver que terriblement d’actualité. Seuls derniers représentants de l’État dans certains quartiers, les services publics sont les garants de l’idée même d’égalité rappellent les signataires.
Anicet Le Pors, père de la loi de 83-634 du 13 juillet 1983 créant le statut de la Fonction Publique alors qu’il était ministre sous Mitterrand, est le premier signataire de cette tribune. Marylise Lebranchu (ministre sous Hollande), Sophie Binet (secrétaire générale de la CGT), benoît Test (secrétaire général de la FSU), Annie Ernaux (écrivain) ou encore Cécile Duflot… signent aussi ce texte qui rappelle que les services publics sont un bien irremplaçable « parce qu’ils permettent de soustraire de la sphère marchande et de la recherche du profit immédiat des pans essentiels des rapports sociaux, parce qu’ils servent l’intérêt général dans une perspective de long terme, soucieuse des ressources et respectueuse des personnes, parce qu’ils privilégient la coopération et la mutualisation dans la mise en œuvre effective des droits pour tous, dans la prise en charge des besoins collectifs, dans la promotion du bien commun, les services publics et la fonction publique sont des atouts précieux ».
Pour les signataires, « il est temps de reconnaître et de soutenir le rôle des fonctionnaires, dont l’action est entièrement dévouée à l’effectivité des droits, à l’égalité de traitement, à la continuité du service, à la recherche des solutions nouvelles aux problèmes que rencontrent au quotidien les populations, qu’ils soient récurrents ou inédits. Les discours faussement louangeurs contredits par des politiques rétrogrades ne sont plus acceptables ».
Les responsables publics, politiques et associatifs signataires refusent et combattent « les politiques qui réduisent le champ de l’action publique ou intègrent au cœur même des services publics les logiques du marché, orchestrant la dégradation du service rendu aux populations et la désespérance dont se nourrissent les forces anti-démocratiques. Il est temps d’affirmer que les services publics sont des leviers permettant d’assurer à tous un égal accès aux droits fondamentaux, de faire reculer le sexisme, les inégalités et les discriminations, de mieux répondre aux besoins de la santé de tous et aux défis majeurs qu’impose la catastrophe écologique ».
« Pour peu qu’on se donne les moyens d’une politique fiscale ambitieuse et juste, les richesses existent aujourd’hui pour financer la réparation des services publics et de la protection sociale, affaiblis par des années de néo-libéralisme et d’austérité, mais aussi pour étendre l’action publique à de nouveaux champs comme l’autonomie face au vieillissement ou la lutte contre le réchauffement climatique » clament-ils.
Ils plaident « pour une Fonction publique qui place les agents en situation de responsabilité, en les préservant de la soumission aux intérêts particuliers, en leur garantissant des droits individuels et collectifs, en évitant la précarité, tout ceci constituant des garanties pour les citoyens d’une Fonction publique neutre et impartiale. Parce qu’il est une richesse et un levier majeur de justice sociale, point d’appui pour les conquêtes sociales de tout le salariat, nous affirmons qu’il faut promouvoir le statut général des fonctionnaires, et ainsi réaffirmer le choix d’une fonction publique sous statut, c’est-à-dire à la disposition de la Nation, reconnaissant aux fonctionnaires leur rôle et leurs droits de citoyen ou citoyenne ».
« Nous avons besoin d’une Fonction publique qui garantisse une rémunération et une retraite dignes, l’exercice d’un métier, l’occupation d’un emploi et le bénéfice d’un grade en rapport avec les qualifications et les missions de l’agent, une Fonction publique renforcée par une politique de l’emploi et une politique salariale ambitieuses, indispensables à des services publics de qualité » ajoutent-ils. « Parce que la démocratie sociale est une dimension constitutive d’une société démocratique, il y a urgence à rétablir et à rénover les cadres d’expression et de participation aux décisions, par lesquels les fonctionnaires expriment leurs besoins et leurs revendications, échangent avec la population, afin que le service public reste toujours en phase avec les besoins de celle-ci » affirment-ils.
Des signataires engagés
« Les services publics sont un moyen de répondre à la promesse républicaine… Le statut de fonctionnaire permet de garantir l’indépendance des fonctionnaires » déclare benoît Test lors de la conférence de presse présentant la tribune et réunissant députés de gauche et responsables syndicaux. Selon Valérie Rabault, députée du Tarn-et-Garonne, les fonctionnaires sont dépositaires « de l’égalité des chances. Par leur action, ils permettent à tous un accès aux services publics ». « C’est le bien de ceux qui n’ont rien » complète Christine Arrighi, députée de Haute-Garonne. « Ce qui différencie le fonctionnaire du contractuel, c’est la liberté qu’a le premier de dire non au nom du bien commun. Le statut est un bien précieux ». La députée Danièle Obono, voit dans la fonction publique et le service public le socle nécessaire « pour faire société ». « Les défendre, c’est porter un projet politique un projet d’avenir pour notre société. Ils sont au service de l’intérêt général de tous et toutes. Face aux défis civilisationnels auquel nous sommes confrontés, nous avons trois possibilités. Continuer dans cette voie, la voie du toujours plus de néo-libéralisme dont on voit déjà les ravages. Sombrer dans le fascisme, la peur de l’autre et l’extrême individualisme. Ou construire une société qui ne peut faire face à ces enjeux que par tous et toutes. Cela passe par la reconnaissances des fonctionnaires, l’amélioration de leurs conditions de travail et une nette revalorisation », ajoute la députée LFI. Pierre Dhareville, député des Bouches-du-Rhône, voit dans la Fonction publique « le moyen d’une république en actes, pleine et entière dans tous les territoires pour tous et toutes. Une république sociale, vivante ».
Les différents élus et responsables syndicaux présents revendiquent une sortie de la logique d’austérité budgétaire. La loi de « transformation de la Fonction publique » de 2019, qui a augmenté la part de contractuels et baissé la part de fonctionnaires, pose un « problème de démocratie sociale ». « Elle change le logiciel, une Fonction publique au servie de l’exécutif et non plus du bien public ».
40 ans qu’Anicet Le Pors promulguait le statut de la Fonction publique. Le bilan, dressé à cette occasion, ne peut qu’alarmer les défenseurs du services publiques et de la fonction publique.
Lilia Ben Hamouda
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